L’assurance agricole en Afrique

En Afrique, l’assurance agricole jouit d’un potentiel de développement énorme. Elle reste néanmoins un secteur précaire et largement sous-exploité du fait de l’inadaptation voire de l’inexistence de produits d’assurance. L’immense majorité des exploitations est dépourvue de toute protection contre les aléas climatiques.

Un rapport publié en septembre 2015 en marge du G20 montre que sur les 178 millions d’agriculteurs dans les pays en voie de développement ayant souscrit une assurance indicielle en 2014, seuls 450 000 sont Africains, soit 0,25%. L’immense majorité des personnes qui ont adhéré à ce type de couverture est localisée en Inde et en Chine. Ces chiffres montrent que le marché africain de l’assurance agricole dispose d’une grande marge de progression.

Marché de l’assurance agricole en Afrique de l’Ouest

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L’introduction de l’assurance agricole en Afrique subsaharienne est plus récente qu’au Maghreb.
En 2011, un programme d’assurance dénommé Assurance Récolte Sahel (ARS) a été lancé par la Banque Mondiale et plusieurs autres institutions locales et internationales(1). Ce projet vise à mettre en place une assurance indicielle pour couvrir le risque sécheresse. La couverture est actuellement expérimentée dans quatre pays : Sénégal (arachide et maïs), Mali (coton, maïs), Burkina Faso (coton, maïs) et Bénin (maïs).

(1)PlaNet Guarantee, Oxfam, Allianz Africa, Swiss Re , EARS, CNAAS

L’assurance agricole au Sénégal

En 2015, l’agriculture occupe 50% de la population active sénégalaise et contribue à 17,5% du PIB. Doté d’une superficie totale de 196 000 km², le Sénégal consacre 140 000 km² à l’agriculture, dont 80 000 km² de terres agricoles proprement dites et 60 000 km² destinés à l’élevage.

Les principaux obstacles de l’agriculture sénégalaise sont la sècheresse dans la zone sahélienne, la baisse de fertilité des sols, les attaques des ravageurs (sauterelles et autres insectes nuisibles) et le faible revenu des exploitations. Pour venir en aide aux agriculteurs, l’Etat sénégalais a créé au début des années 2000, deux fonds relevant de la Caisse Nationale du Crédit Agricole du Sénégal (CNCAS). Le premier couvre les risques liés au climat, le second garantit 75% des défauts de remboursement des prêts agricoles.

En 2008, est créée la Compagnie Nationale d’Assurance Agricole du Sénégal (CNAAS) dont l’Etat détient une participation de 36%. Le reste du capital est réparti entre des compagnies d’assurance locales et des associations d’agriculteurs. L'Etat subventionne 50% des primes souscrites.

Un allègement fiscal sur les produits d’assurance agricole et une réduction des taux d’intérêt des prêts font également partie des mesures de soutien de l’Etat au secteur.

En 2012, la CNAAS lance ses premiers produits d’assurance indicielle en partenariat avec le projet Assurance Récolte Sahel (ARS). Il s’agit d’une couverture sécheresse pour les cultures de l’arachide et du maïs. La garantie peut aller jusqu’à 10,5 millions USD par département en cas de survenance d’une catastrophe naturelle. L’Etat sénégalais intervient lorsque le coût des sinistres dépasse ce montant.

La micro-assurance agricole suscite l’intérêt des exploitants plus que l’assurance classique dont le coût est relativement élevé. En 2014, la CNAAS dénombre 30 000 contrats de micro-assurance, contre seulement 3 000 pour l’assurance classique.

Les nouvelles expériences

Convaincus de l’importance de l’assurance agricole dans le développement économique, plusieurs pays d’Afrique de l’ouest et du centre, à l’instar du Gabon, du Cameroun et de la Mauritanie comptent développer cette branche.

L’assurance agricole au Gabon

Le Gabon présente d’importants atouts naturels et un climat propice à l’agriculture. Néanmoins, les découvertes pétrolières ont freiné le développement du secteur, qui ne représente que 4,7% du PIB en 2015. Ce taux a progressivement baissé durant les dernières années.
Avec 90% de citadins, le Gabon est considéré comme l’un des pays africains les plus urbanisés.

Le pays souffre de dépendance alimentaire. Les importations de produits agricoles et agroalimentaires représentent 21% des importations totales du pays. Près de 40% de la population est confrontée à un problème de sécurité alimentaire. Pour faire face à cette situation, le gouvernement gabonais a créé, début 2017, un Fonds de Développement Agricole (FDA) dont il détient 49% du capital. Les 51% restants sont détenus par des organisations interprofessionnelles agricoles. Dotée d’un capital de 2 milliards FCFA (3 millions USD), l’institution vise à accorder des garanties de prêt aux agriculteurs et couvrir ces derniers contre les aléas naturels et environnementaux.

L’assurance agricole au Cameroun

Fin 2016, des représentants de la Banque Mondiale, de la Banque Africaine de Développement (BAD), de la Société Financière Internationale (SFI) ainsi que plusieurs assureurs et représentants du gouvernement camerounais se sont réunis à Douala. L’introduction d’une assurance agricole indicielle figurait en bonne place à l’ordre du jour de la réunion. Cette initiative s’avère d’autant plus importante que 60% de la population exerce une activité agricole. L’agriculture pèse pour 22,8% dans le PIB en 2015.

L’assurance agricole en Mauritanie

Située dans une zone très désertique avec peu de terres arables, la Mauritanie, est souvent perçue comme un pays uniquement d’élevage. Le développement d’une zone agricole le long du fleuve Sénégal pousse les autorités à rechercher des solutions assurantielles pour préserver les revenus des exploitants. L’assurance agricole peut constituer une première réponse à ce problème.
Fin octobre 2015, une délégation mauritanienne s’est rendue au Maroc pour y étudier le système d’assurance agricole local.

Marché de l’assurance agricole en Afrique de l’Est

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Le développement de l’assurance agricole en Afrique de l’Est se révèle d’autant plus important que la sécheresse y sévit de façon endémique. Selon l’agence des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Corne de l’Afrique devrait faire face, dans les années à venir, à de graves pénuries alimentaires dues à la sécheresse. Plus de 17 millions de personnes vivant en Éthiopie, Érythrée, Djibouti, Somalie, Ouganda, au Kenya et Soudan du Sud sont menacées de famine.

Pour les gouvernements et organismes d’aide internationaux, l’assurance agricole constitue une solution, parmi d’autres, pour endiguer cette menace.

En Ethiopie, l'Organisation des Nations Unies lance en 2006, en collaboration avec le gouvernement local et l’assureur français AXA un programme d’assurance-sécheresse en faveur des agriculteurs. L’initiative s’inscrit dans le cadre du Programme Alimentaire Mondial (PAM).

En 2016, l’Ethiopie confirme son intention d’instaurer un marché d’assurance agricole. Le gouvernement entame alors des pourparlers avec le réassureur Swiss Re pour mener des études approfondies à ce sujet.

Un autre grand projet initié par le GIIF (Programme Global pour l’Assurance Indicielle) en collaboration avec plusieurs assureurs locaux à l’instar de UAP Insurance (Kenya), APA Insurance (Kenya), SORAS Insurance (Rwanda) et UAP Insurance Tanzania (Tanzanie), a été récemment mis en œuvre en Afrique de l’Est et dans la région des grands lacs.

En novembre 2016, une première police d’assurance récolte est commercialisée en Tanzanie, un pays où l’agriculture pèse pour plus de 30% du PIB en 2015. Dénommé «Linda Mbegu», en français «Assurer vos récoltes», ce produit protège les agriculteurs contre les conséquences d’un manque de précipitation.

Marché de l’assurance agricole en Afrique Australe

L’assurance agricole en Afrique du Sud

Le développement des industries minières et manufacturières durant le XXème siècle a marginalisé l’activité agricole. La contribution de l’agriculture au PIB a progressivement diminué, passant d’environ 20% dans les années 30, à 12% dans les années 60 et à 2,4% en 2015. Convaincu par le potentiel du secteur primaire, l’État vise la création, à l’horizon 2030, d’un million d’emplois nouveaux.

L’agriculture sud-africaine fait face à de nombreux défis sociaux et climatiques. Avant l’abolition de l’apartheid(1), les fermiers blancs contrôlaient plus de 80% des terres agricoles. La taille moyenne de leur exploitation est de 1 300 hectares. Les fermiers noirs disposaient, quant à eux, de petites propriétés d'autosubsistance qui ne dépassaient pas, en moyenne, les cinq hectares.

En 1994, après l’abolition de l’apartheid, une réforme agraire a été engagée dans le pays, facilitant l’accession des populations noires à la propriété.

Sur le plan climatique, l’agriculture sud-africaine subit des épisodes de sécheresse cycliques. Hormis les zones fertiles qui se situent dans la région du Cap et le long du littoral, la majeure partie du pays est semi-désertique.

L’expérience de l’Afrique du Sud en matière d’assurance agricole

En 1970, les autorités sud-africaines lancent un programme d'assurance subventionné pour aider les agriculteurs à se prémunir contre la sécheresse. Malheureusement, cette initiative ne donne pas les résultats escomptés. Les exploitants ont délaissé ce programme, se contentant uniquement des aides du ministère de l'agriculture pour récupérer une partie de leurs pertes.

En 1996, un nouveau système d’assurance agricole a été introduit. Intégré au plan stratégique de relance de l'agriculture, le projet se base sur un partenariat public-privé. Il vise à protéger les exploitants contre les aléas climatiques(2).

(1) Abolition de l’apartheid : 30 juin 1991
(2) www.agrisa.co.za/wp-content/uploads/2014/01/DRAFT-PROGRESS-ON-AGRICUTURAL-INSURANCE.pdf

L’assurance agricole au Zimbabwe

L'agriculture représente 13,4% du PIB du Zimbabwe en 2015. La production de tabac est la principale activité agricole. Le pays est considéré comme le plus grand producteur de tabac en Afrique et le 6ème dans le monde.

Tout comme son grand voisin du sud, le Zimbabwe effectue une réforme agraire en 2000. La majorité des fermes de tabac appartenant à des Blancs a été alors saisie par le gouvernement et redistribuée aux petits agriculteurs. Suite à cette initiative, la production de tabac a été fortement perturbée et la récolte a diminué de 79% entre 2000 et 2008.

L’assurance agricole, y compris grêle représente à fin 2016, 1% du marché global, alors que ce pourcentage s’élevait à 3% en 2010.
Pour pallier ce recul, les autorités ont lancé plusieurs initiatives pour réactiver l’assurance des risques agricoles.

En marge de la troisième conférence de l’Association Africaine des Agroeconomistes (AAAE), un programme d’assurance indicielle contre la sécheresse a été présenté en 2010. Ce projet qui vise prioritairement les petits exploitants est toujours en phase d’étude(1).

(1) http://www.fondation-farm.org/zoe/doc/micro_network-brochure_agriculture-def-low_fr.pdf

Evolution du chiffre d’affaires de l’assurance agricole au Zimbabwe (2010-2015)

En milliers USD

 2010201120122013201420152016
Primes risques agricoles
5 4028 5318 3179 0608 2116 5955 539
Primes totales marché
182 930307 293390 056468 145514 547546 781562 525
Part des risques agricoles dans le marché
3%2,8%2,1%1,9%1,6%1,2%1%

Source: Insurance & Pension Commission (IPEC)

L’agriculture dans le PIB des pays en 2015

PaysPourcentage du PIB
Afrique de l’Ouest
Sénégal17,5
Cameroun22,8
Cote d'Ivoire22,7
Togo40,7
Bénin25,3
Gabon4,7
Afrique de l’Est
Kenya32,9
Soudan39,3
Ethiopie41
Rwanda34,6
Liberia35
Tanzanie31,1
Afrique Australe
Afrique du Sud2,4
Zimbabwe13,4
Maurice3,5
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