La fracture numérique dans le monde, en Afrique et au Moyen-Orient

La fracture numérique peut se définir comme l’inégalité d’accès aux technologies informatiques. C’est entre les pays développés et les pays en voie de développement que cette inégalité se fait le plus ressentir.

fracture numérique Appelée, parfois, « fossé numérique », elle repose sur l’idée qu’un accès limité à l’information et des savoirs ou savoir-faire insuffisants pour maîtriser les technologies de communication ; engendrent irrémédiablement des polarisations sociales entre individus et même entre régions.

Dans le domaine du numérique, plus précisément d’internet, l’Afrique accuse un retard tel qu’il a fallu attendre novembre 2000 pour que le dernier pays, l’Erythrée, soit connecté.

Du fait de la privatisation du secteur de la communication et de l’attrait du courriel pour les échanges avec l’étranger, internet connaît une croissance rapide sur le continent, et ce malgré des prix relativement élevés. Les coûts de mise en place de nouvelles infrastructures nécessaires à l’utilisation du réseau internet restent exorbitants pour de nombreux pays africains.

Le concept de fracture numérique comprend essentiellement trois aspects :

  • le premier concerne l’infrastructure: c’est-à-dire la possibilité ou la difficulté de disposer d’ordinateurs connectés au réseau mondial.
  • le deuxième a trait à la formation: c'est-à-dire la capacité ou la difficulté d’utiliser ces technologies. Ce qui conduit au développement du concept d’alphabétisation numérique.
  • le dernier aspect vise l’utilisation des ressources: c'est-à-dire les facteurs limitant ou permettant l’utilisation par les personnes des moyens disponibles sur le réseau.

En Afrique, la croissance rapide de l’informatique et d’internet a permis le développement accéléré de plusieurs secteurs d’activités, à l’instar de la téléphonie mobile ou plus globalement des réseaux de télécommunication.

La fracture numérique dans le monde : quelques exemples

La comparaison entre quelques pays révèle l’étendue du fossé qui sépare les nations géographiquement proches, mais numériquement éloignées.

La fracture numérique dans le monde : domaine de la téléphonie fixe

© Hansueli Krapf, CC BY-SA 3.0

Le téléphone fixe, qui est l’un des plus anciens outils de comparaison en termes de télécommunications, voit son utilisation baisser progressivement depuis l’avènement du téléphone mobile.

Entre 2006 et 2010, le nombre d’utilisateurs de téléphonie fixe dans le monde est passé de 1 261 072 071 à 1 188 357 124. Le téléphone fixe est principalement relégué à une utilisation strictement professionnelle ou comme moyen de connexion à l’outil internet.

En 2010, le record mondial de lignes de téléphone fixe utilisées est bien entendu détenu par la Chine avec ses 294 383 000 de lignes, soit, 24,77% de l’ensemble des lignes fixes recensées dans le monde. La Chine est suivie par les Etats-Unis avec 151 171 000 de lignes, soit 12,72% des lignes de téléphone fixes mondiales.

A eux deux, l’Afrique et le Moyen-Orient ne représentent que 7,58% des lignes mondiales, avec 2,56% pour l’Afrique et 5,02% pour le Moyen-Orient.

Au niveau territorial, le taux le plus bas de couverture du réseau est enregistré en République Démocratique du Congo, où seulement 0,06% de la population possède un téléphone fixe. En tête de liste, on retrouve le Canada (50,04%) pour l’Amérique, la Suisse (58,56%) pour l’Europe et la Mauritanie (29,84%) pour l’Afrique.

Lignes de téléphone fixe par 100 habitants 2000-2010

La fracture numérique dans le monde : domaine de la téléphonie mobile

Crédit photo: US Gov.Grâce aux fonds consacrés à la recherche dans les pays développés, la téléphonie mobile est devenue, au cours de la dernière décennie, un secteur extrêmement innovant et en pleine évolution.

En dix ans, les abonnements à la téléphonie mobile, au niveau mondial, ont été multipliés par plus de sept, passant de 738 193 138 abonnés en 2000, à 5 370 467 196 en 2010.

Sur les marches du podium mondial des abonnements à la téléphonie mobile on retrouve, sans surprise, la Chine en première position (859 003 000), suivie de près par l’Inde (752 190 000), et ensuite par les Etats-Unis (278 900 000).

En ce qui concerne le nombre d’abonné par habitant, c’est l’Arabie saoudite qui arrive en tête avec 1,9 abonnement par habitant. Le Monténégro avec 1,85 abonnement par habitant arrive en deuxième position alors que le Panama avec 1,84 abonnement par habitant occupe la troisième place.

Abonnements à la téléphonie mobile par 100 habitants 2000-2010

abonnements telephone fixe par 100 habitants

Malgré des équipements et des tarifs téléphoniques très onéreux, c’est en Afrique sub-saharienne que l’on retrouve les croissances les plus importantes au cours des cinq dernières années. A titre d’exemple : Orange ne facture, quasiment plus, les appels locaux sur le territoire français, le gros des communications étant effectué en illimité. Par contre, une minute d’appel en Tunisie coûte 0,10 USD contre 0,22 USD au Cameroun ou 0,19 USD en Côte d’Ivoire. Ces écarts peuvent paraître modiques, mais à salaires minima comparés, on se rend mieux compte de l’ampleur du fossé.

La fracture numérique dans le monde : domaine d’internet

Depuis les dix dernières années, l’utilisation du réseau internet a décuplé dans les pays en développement, passant de 2% de la population en 2000 à 21,1% en 2010. Ces chiffres restent néanmoins inférieurs à ceux des pays développés qui affichent en 2010 un nombre d’utilisateurs de 68,8% de la population contre 24,1% en 2000. Cette différence dans les pourcentages ne reflète pourtant pas la réalité. Les pays en voie de développement comptent aujourd’hui plus de personnes connectées à internet (1 195 000 000 utilisateurs) que les pays développés (849 000 000 utilisateurs).

Used with permission from MicrosoftL’avance prise par les pays développés est telle que malgré la croissance fulgurante du nombre d’utilisateurs dans les pays en voie de développement, la fracture numérique reste encore aujourd’hui en faveur des pays développés.

L’avantage de ces derniers repose essentiellement sur le fossé existant, entre eux et les pays du sud, d’abord en ce qui concerne l’existence ou l’inexistence de produits de qualité équivalente et au niveau du rapport qualité/prix.

En effet, dans la plupart des cas, les équipements informatiques des pays en développement sont obsolètes avant même qu’ils ne soient mis en circulation dans ces pays. Une situation qui n’est pas vraiment surprenante, étant donné que de nos jours la technologie évolue vite. De plus, si un matériel de qualité équivalente est commercialisé dans les pays du sud, on se retrouve alors face à une population au pouvoir d’achat limité. Cette remarque est valable aussi bien pour l’achat du matériel que pour les dépenses d’accès à internet, qui reste à un débit faible mais à des prix exorbitants.

Il faut rappeler que le prix moyen d’un ordinateur de qualité acceptable est aujourd’hui de 500 USD alors que le salaire minimum d’un tunisien est de 0,97 USD/heure, et celui d’un camerounais de 0,34 USD de l’heure. L’achat d’un ordinateur représenterait donc 1470 heures de travail pour un camerounais et 515 heures pour un tunisien. A titre de comparaison une personne vivant dans un pays développé touche en moyenne 9 USD de l’heure. Il ne faut à cette dernière personne que 55 heures de travail pour acheter un ordinateur.

Pourcentage d’utilisateurs d’internet : 2000-2010

Pourcentage utilisateurs internet

Disparités entre les prix des équipements informatiques, la connexion au réseau internet et les salaires minima pratiqués dans certains pays

en USD
PaysSalaire minimum/ heure de travailPrix moyen d’un PCNombre d'heures de travail nécessaires à l'achatPrix de la connexion internet (*)Nombre d'heures de travail nécessaires
pour une connexion
France
11,650043272,3
Canada
10,0650050222,2
Etats Unis
6,5250079233,5
Grèce
6,3150079223,5
Arabie Saoudite
4,7950010438,68
Iran
1,81500276187,6104
Tunisie
0,9750051516,4717
Cameroun
0,343881470148435
* 512kb pour l’Afrique sub-saharienne

Cas particuliers de l’Afrique et du Moyen-Orient

La fracture numérique au Moyen-Orient

Alors que le niveau de vie d’une grande majorité de la population des pays du Moyen-Orient est élevé il est surprenant de constater que le nombre d’utilisateurs d’internet ne représente que 3,3% du nombre total de ces mêmes utilisateurs.

Le taux de croissance du réseau est de 1987% pour la période allant de 2000 à 2011. Au 30 juin 2011, le taux de pénétration d’internet est de 33,5% ; soit 72 497 466 personnes connectées au réseau sur un total de 216 258 843 vivant dans cette région.

Nombre d’utilisateurs du réseau internet par pays au Moyen-Orient

 Population 2011*Utilisateurs en décembre 2000Utilisateurs en juin 2011Pénétration en %Utilisateurs en %
Bahreïn
1 214 70540 000649 30053,5 %0,9 %
Iran
77 891 220250 00036 500 00046,9 %50,3 %
Irak
30 399 57212 500860 4002,8 %1,2 %
Israël
7 473 0521 270 0005 263 14670,4 %7,3 %
Jordanie
6 508 271127 3001 741 90026,8 %2,4 %
Koweït
2 595 628150 0001 100 00042,4 %1,5 %
Liban
4 143 101300 0001 201 82029,0 %1,7 %
Oman
3 027 95990 0001 465 00048,4 %2,0 %
Palestine
2 568 55535 0001 379 00053,7 %1,9 %
Qatar
848 01630 000563 80066,5 %0,8 %
Arabie saoudite
26 131 703200 00011 400 00043,6 %15,7 %
Syrie
22 517 75030 0004 469 00019,8 %6,2 %
Emirats arabes unis
5 148 664735 0003 555 10069,0 %4,9 %
Yémen
24 133 49215 0002 349 0009,7 %3,2 %
* Estimation Source: Internetworldstats
 

Crédit photo: US Gov. / Daniel Wilkinson (image modifiée)Même si quelques pays comme Qatar, la Palestine, Bahreïn et les Emirats arabes unis affichent des taux de pénétration supérieurs à 50%, le taux moyen de cette région reste assez faible (33,7%). La vitesse de connexion est parfois lente, pour des tarifs d’abonnement relativement élevés.

Une des principales raisons de la lente évolution du haut débit au Moyen-Orient est la faible quantité de contenu en langue arabe sur la toile. L’handicap de la langue fait que les utilisateurs ne voient pas l’intérêt de disposer d’une connexion plus rapide que celle dont ils ont besoin pour une utilisation quotidienne limitée.

La fracture numérique en Afrique

Au niveau mondial, le continent africain occupe de loin la dernière place pour l’utilisation d’internet. Avec à peine 118 609 620 de personnes connectées pour une population de 1 037 524 058 personnes, l’Afrique affiche un taux de pénétration de 11,4% et ne représente que 5,7% du nombre d’utilisateurs connectés à internet.

Population et utilisateurs d’internet*

 Population 2011**Population mondiale en %Utilisateurs d’internetPénétration en %Croissance d’utilisation (2000-2011)Utilisateurs en %
Afrique
1 037 524 05815%118 609 62011,4 %2 527,4 %5,7%
Reste
du monde
5 892 531 09685%1 976 396 38533,5 %454,4 %94,3%
Total
6 930 055 154 100% 2 095 006 005 30,2 % 480,4 % 100%
* Pour l’Afrique, les chiffres sont au 31 mars 2011 ** Estimation

Les 10 pays africains qui ont le plus d’usagers d’internet au 31 mars 2011 (en millions d’usagers)

pays africains internet

Paradoxalement, c’est belle et bien l’Afrique qui, en termes de nombre d’usagers connectés durant la dernière décennie, enregistre le taux de croissance le plus élevé : 2527%, contre 454,4% pour le reste du monde et 480% de moyenne générale pour le monde entier durant la même période.

Crédit photo: US Gov. / Ben Barber L’Afrique évolue d’une situation de pénurie à une situation de surcapacité. Il est donc logique de penser qu’elle a un avenir prometteur en ce qui concerne la réduction du fossé numérique qui la sépare des pays développés. Malheureusement cette croissance se fait essentiellement pour une petite dizaine de pays qui font la course en tête sur le continent. Le nombre d’usagers n’ayant pas valeur de qualité, les pays africains sont encore bien loin d’être compétitifs pour rivaliser avec les pays développés.

Les principales raisons de la croissance du numérique en Afrique peuvent se résumer comme suit :

  • une dynamique démographique porteuse, se traduisant par une population jeune, réceptive aux nouvelles technologies.
  • une croissance économique soutenue, alimentant le pouvoir d’achat d’une classe moyenne montante.
  • une plus grande implication des pouvoirs publics dans la définition des schémas directeurs liés aux nouvelles technologies.

Il est important de noter que le développement d’internet en Afrique passe principalement par l’apparition de l’internet mobile. Cette formule est proposée à des tarifs plus attractifs, correspond mieux aux revenus et au pouvoir d’achat des différentes classes sociales. Selon une estimation de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), le nombre d’abonnés à l’internet mobile est passé de 7 millions il y a 3 ans, à 29 millions à fin 2011.

De plus, durant la dernière décennie, de nombreux projets de développement du réseau africain ont été achevés. D’autres sont programmés, notamment ceux concernant l’installation de câbles sous-marins reliant les principales côtes d’Afrique aux pays européens.

Les principaux projets en cours sur la côte ouest ont pour nom : WACS, ACE et SAex.

Le projet WACS (West Africa Cable System) a été initié par MTN, Telkom et Vodacom. Il s’agit d’un câble sous-marin en fibre optique long de 14 000km qui relie Londres à l’Afrique du Sud en longeant la côte ouest africaine. Le câble est d’ores et déjà installé et devrait être opérationnel mi 2012. Avec une capacité de 5,120Tb/s il augmentera les capacités des connexions africaines de 23%.

Le projet ACE (Africa Coast to Europe) est l’œuvre d’un consortium mené par France Télécom. Ce câble de 17000km reliera la France à l’Afrique du Sud en passant par l’Espagne. Son coût de construction est estimé à 700 millions USD. Il devrait, à terme, fournir une capacité totale de 5,120Tb/s et connecter 23 pays africains au cours du premier semestre 2012.

Le projet SAex (South Atlantic Express) reliera l’Afrique du Sud et l’Angola au Brésil. D’une longueur de 10 000 Km, SAex coûtera 375 millions USD et sera opérationnel avant juin 2013.

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