Sécheresse : impact socio-économique et lutte contre le phénomène

Image provided to Microsoft by Fotolia. Used with permission from Microsoft La sécheresse est un état de calamité naturelle des plus répandus sur le globe terrestre. Impressionnant par ses effets désastreux sur les populations rurales et leur environnement, ce fléau affecte de manière récurrente et sévère de vastes zones arides et semi-arides.

Les pays les plus traditionnellement concernés sont ceux du Sahel africain, d'Amérique Centrale, le sous-continent indien et la Chine.

Avec le réchauffement de la planète et les perturbations climatiques qu'elle génère, la sécheresse est désormais devenue un risque également fréquent dans les pays industrialisés de climat tempéré où des législations spécifiques et des dispositifs techniques sont mis en œuvre pour en prévoir et couvrir les dégâts.

Sécheresse, définitions

Image provided to Microsoft by iStockphoto. Used with permission from MicrosoftL'état de sécheresse est le produit d'une période prolongée de précipitations insuffisantes durant une ou plusieurs saisons qui cause un déficit d'eau et donc des dégâts dans l'économie d'un pays, en particulier le secteur agricole. Elle se définit du point de vue météorologique, hydrologique, agricole ou socio-économique.

Canicule

Un des principaux paramètres aggravants de la sécheresse est la canicule. La canicule correspond à une élévation de température importante dans une zone plus ou moins localisée de la planète.

Elle est considérée comme catastrophe naturelle lorsqu'elle provoque une sécheresse telle que les quantités d'eau disponibles dans les sols et les rivières ne peuvent plus couvrir les besoins des populations environnantes, entraînant des pertes en vies humaines ainsi que des ralentissements ou des arrêts de production de certaines entreprises.

Sécheresse : l’impact socio-économique

Crédit photo: United States Department of Agriculture / John McColgUnsFeu de forêt dans la forêt nationale de Bitterroot Montana, États-Unis

La sécheresse est une préoccu- pation de moyen et long terme. Ses effets sont progressifs, les premiers visibles sont les feux de forêts et les pertes de récoltes et de semences.

Si la sécheresse perdure, le bétail souffre de famine, faute de plantes pour se nourrir. Enfin, la famine se propage aux hommes et entraîne de lourdes pertes humaines.

A moyen terme, les effets se répercutent sur la campagne agricole suivante, ce qui entraîne des dégâts en chaîne. Les investissements sont réduits, la main d'œuvre salariée sans emploi, les enfants sont retirés de l'école, le niveau d'endettement et d'appauvrissement des populations rurales s'aggrave.

La sécheresse, un phénomène complexe

La sécheresse reste l'une des catastrophes naturelles les plus difficiles à prévoir. Ce n'est qu'en cours d'événement, par l'observation des conséquences des hautes températures, qu'il est possible de caractériser le phénomène. Celui-ci dépend de plusieurs facteurs : nombre de jours passés sans précipitation, nature des sols, taux d'évaporation, quantité des dernières précipitations, type de végétation présente.

A long terme, la sécheresse engendre des coûts pour l'économie du pays dans son ensemble. D'autres conséquences dramatiques, dont certaines à caractère irréversible, apparaissent à plus long terme. Réduction du volume des sols (en particulier pour certaines argiles soumises à des chargements importants) qui provoque une destruction des bâtiments qu'ils supportent, désertification totale et déplacements massifs de populations lorsque la sécheresse dure très longtemps.

Crédit photo: StaeckerAsséchement de la mer d'Aral, Kazakhstan

En France et Grande Bretagne, notamment, la part des dommages dus aux réductions des sols est en hausse croissante, en particulier à cause des sols argileux présents dans ces deux pays. D'autre part, les compagnies de production d'électricité souffrent de pertes de production de même que les transports fluviaux en raison d'un niveau des eaux trop faible pour permettre la navigation.

Sécheresse: des effets multiples et coûteux

Chine: un géant aux pieds fragiles qui met en place des systèmes de protection

Selon le britannique Nicholas Stern, auteur du rapport sur l'impact du changement climatique sur l'économie mondiale, les épisodes de sécheresse et d'inondation représentent une menace sévère sur la croissance économique de la Chine.

Crédit photo: dl91mL'administration météorologique chinoise a annoncé que l'année 2006 a enregistré l'automne le plus chaud depuis 1951. Les températures ont subi une hausse de 0,8° au cours des 100 dernières années. Les études mettent en évidence l'importante fonction de systèmes d'assurance agricole et d'assistance financière gouvernementale dans la lutte contre le phénomène.

En 2003, le manque de précipitations et les hautes températures ont été à l'origine d'une forte sécheresse et d'une très mauvaise récolte. On estime à 60 millions d'hectares la superficie des terres cultivées qui ont souffert de la sécheresse et à 7 % les pertes de provisions annuelles du pays.

Face à la menace, le système de prévention et d'alerte aux catastrophes s'est largement développé. On dénombre 2534 stations météorologiques, 957 centres de mesure des précipitations, un réseau météorologique composé de 143 stations de mesure du vent, 3006 stations hydrologiques.

Sécheresse : une calamité qui frappe n'importe où

Inde, Années 1960 : selon les estimations de Munich Re, 1,5 millions de personnes ont trouvé la mort à cause des hausses de température.

© Oxfam East Africa, CC BY 2.0

Sahel Africain, 1970 : les vagues successives de sécheresse qui ont affecté pendant une décennie les pays de la zone sahélienne (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Soudan) ont provoqué des famines et un déplacement des cultures vivrières (mil, sorgho) vers le nord, déplacement qui provoque, à son tour, la désertification, la pénurie des terres et des conflits entre paysans sédentaires et pasteurs nomades.

Etats-Unis, 1988 : Le montant des dégâts dus à la sécheresse qui a touché l'ouest du pays s'est élevé à 13 milliards USD.

Europe, 2003 : La canicule a fait plus de 20 000 morts et causé des pertes d'une valeur de 13 milliards USD.

France, 1989-1993, 1995-1999 et 2003 : la série de vagues de sécheresse a coûté plus de 3,5 milliards EUR (4,5 milliards USD) aux assurances. Pour le seul épisode de canicule de 2003, l'État a décidé de reconnaître l'état de catastrophe naturelle dans quelque 3 700 communes, et, pour un nombre presque équivalent de communes n'ayant pas fait l'objet de cette reconnaissance, il a mis en place une aide financière exceptionnelle de 180 millions EUR.

France, 2006 : La Commission nationale des calamités agricoles portant sur l'indemnisation de la sécheresse de 2006 a reconnu, à ce jour, 54 départements sinistrés, en totalité ou pour partie de leur territoire, au titre de la sécheresse de 2006.

Zimbabwe, 2006 : la réforme agraire engagée en 2000 conjuguée au déficit pluviométrique ont eu pour conséquence de mettre en difficulté 17% de la population rurale pour la saison 2006-2007 où elle ne pourra pas assurer ses besoins minimaux en céréales.

Village de Waridaad, Somalie © Oxfam East Africa, CC BY 2.0

Afrique de l'est, 2006 : Le caractère erratique des précipitations pendant la courte saison des pluies a aggravé encore plus la sécheresse qui sévit actuellement au Kenya. Selon le Programme Alimentaire Mondial (PAM), qui a dû, faute de financement, réduire de 20% les rations alimentaires distribuées à 230 000 réfugiés dans le pays, le nombre de personnes ayant besoin d'une aide alimentaire d'urgence est de 1,4 millions dans le sud de la Somalie, 1,5 millions en Éthiopie et 60 000 à Djibouti.

Australie, 2006 : Une sécheresse persistante a provoqué de gigantesques incendies qui ont ravagé de vastes zones forestières et causé des dégâts sérieux aux habitations et à l'environnement.

Assurance sécheresse

Confronté à ce fléau qui, par la destruction des moyens de subsistance de larges couches de la population, réduit à néant tout effort de développement économique de leurs pays, les gouvernements sont de plus en plus conscients de la nécessité de prendre des mesures conséquentes de prévention et de gestion du risque sécheresse. L'assurance sécheresse en constitue un dispositif essentiel.

Exemples de quelques systèmes d'assurance sécheresse

L’assurance sécheresse au Maroc

Image provided to Microsoft by iStockphoto. Used with permission from MicrosoftL'expérience marocaine initiée à la suite de la grave sécheresse de 1983 est considérée comme exemplaire en matière de système d'assurance contre le risque sécheresse. La genèse du programme dans lequel le rôle de la réassurance est fondamental, remonte à 1994.

Le Maroc est le seul pays du Maghreb à avoir mis en œuvre un tel programme dont les objectifs visent l'encouragement des agriculteurs à l'investissement, la stabilité financière des exploitants agricoles, et une meilleure allocation du soutien de l'État en cas de catastrophe.

Concrètement, les mesures portent sur le financement des activités agricoles céréalières touchées par la sécheresse et la couverture partielle des charges d'exploitation par hectare, compte tenu des écarts entre des rendements moyens estimés et ceux réalisés. L'indemnisation est conditionnée par la déclaration de l'état de sécheresse par commune et par province.

La procédure prévoit 3 niveaux de garantie, d'un montant respectif de 1000, 2000 et 3000 DH/ha (117, 234, 352 USD) avec des cotisations correspondant à chacun d'eux, de 120, 240 et 360 DH/ha (14, 28, 42 USD) selon les années.

Deux programmes de réassurance ont été mis en place

  • Le premier, quinquennal (2000-2004), dans lequel la participation de l'État va de 50% à 0%.
  • Le deuxième, triennal (2005-2007), dans lequel la participation de l'État est de 50%.

Le produit a obtenu de bons résultats dans l'ensemble. On estime, cependant, qu'il pourrait conquérir une plus large part de la population cible, principalement les petits agriculteurs. Les observateurs relèvent, toutefois, une baisse significative de la superficie assurée, qui est passée, en cinq ans, de 244 000 ha en 2000-2001 à 122 000 ha pour la campagne 2005-2006, alors que le programme prévoit 300 000 ha par an sur 18 provinces.

L’assurance sécheresse en Ethiopie

Volcan Erta Ale, Afar, Ethiopie © filippo_jean, CC BY-SA 2.0

Pour la première fois dans son histoire l'Organisation des Nations Unies, a, par le biais du Programme Alimentaire Mondial (PAM) lancé, en collaboration avec le gouvernement éthiopien, un programme d'assurance-sécheresse en faveur des agriculteurs du pays.

Conclu à la suite d'un appel d'offre international, avec l'assureur AXA, le contrat prévoit le versement de 7,1 millions USD de fonds d'intervention d'urgence si une sécheresse extrême frappe l'Éthiopie pendant la campagne de 2006.

Fondée sur un indice calibré des données pluviométriques provenant de 26 stations météorologiques installées sur le territoire éthiopien, la police d'assurance de type contrat dérivé prévoit le versement de fonds lorsque les données collectées de mars à octobre 2006 indiquent que les précipitations sont sensiblement inférieures aux moyennes historiques et qu'une mauvaise récolte généralisée est donc probable.

Si l'expérience éthiopienne, conçue comme un projet-pilote, est concluante, ce type de contrat pourrait progressivement se généraliser et être étendu aux régions voisines, Kenya et Niger.

Le recours à l'assurance privée viendrait alors en complément des améliorations prévues par l'ONU à travers la récente création du Fonds Central d'Intervention d'Urgence (CERF) qui doit fournir des fonds rapidement afin de faciliter les opérations dans les premiers jours suivant une catastrophe.

L’assurance sécheresse en France

La Garonne, Toulouse © Olybrius, CC BY 3.0

En France, la garantie catastrophe naturelle est intégrée aux contrats multirisques habitations (MRH) à la hauteur d'un taux fixe décidé par l'État.

Le dispositif d'assurance des catastrophes naturelles mis en place en 1982 allie les mécanismes de solidarité et de mutualisation du risque. Depuis les deux vagues de sécheresse en 1989 et 1995, le régime d'indemnisation a été étendu à une période plus élevée et la sécheresse a été considérée comme une catastrophe naturelle.

Suite à la grande sécheresse de 2003 qui a mis en évidence un certains nombres de lacunes dans son application, cette loi a fait l'objet d'une réforme prévoyant les mesures suivantes:

  • L'abandon du taux unique de surprime
  • une liberté de tarification dans le cadre d'une fourchette prédéterminée pour les risques les plus importants
  • la suppression des arrêtés déclarant l'état de catastrophe naturelle
  • l'aménagement des conditions de prise en charge des dommages dus à des mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse

L’assurance sécheresse en Inde

© Pushkarv, CC BY-SA 3.0

Sur la base d'un partenariat entre compagnies d'assurance et organisations de la société civile, l'Indian Regulatory and Development Authoriy (IRDA) exige de la part des compagnies d'assurances de réaliser 15 % de leurs transactions en zones rurales. Face aux risques météorologiques, le gouvernement indien a introduit depuis une vingtaine d'années le National Agricultural Insurance Scheme (NAIS) visant à offrir des produits d'assurance contre la sécheresse aux petits agriculteurs. Il s'agit, essentiellement, de formules de micro-assurance.

Mais les performances du dispositif ont été jugées mauvaises tant au niveau économique que social. Entre 1985 et 1999, 72 millions EUR (93 millions USD) de primes ont été collectées alors que 412 millions EUR (536 millions USD) d'indemnités ont été versées par les assurances, soit un rapport de 1 à 5,72.

Avec le support de la Banque Mondiale, la ICICI Bank Lombard a élaboré un service innovant de gestion des risques météorologiques. Il propose une assurance sécheresse couvrant certaines cultures sur une période de 4 mois correspondant à la saison des pluies. Par ce service, l'assurance sécheresse évolue en une assurance du capital productif.

Projet d'assurance sécheresse en Amérique centrale

Principale cause de la perte de récoltes dans la région, la sécheresse entraîne des conséquences plus étendues : hausse des taux d'intérêts sur les crédits, diminution de la demande de travailleurs saisonniers, augmentation des prix des denrées alimentaires.

Sur la base de la culture de haricots secs dans des petites exploitations au Nicaragua, le Centre International d'Agriculture Tropicale (CIAT) a récemment lancé une étude de faisabilité d'un système d'assurance sécheresse. Toutefois, la question du financement d'une telle assurance, surtout pour les petits paysans et les coopératives de paysans, n'est pas réglée de manière concluante.

Stratégies de lutte contre la sécheresse

Image provided to Microsoft by iStockphoto. Used with permission from MicrosoftAvec la prise de conscience grandissante de l'impact des dérèglements climatiques sur l'économie mondiale et l'avenir de la planète par l'ensemble de la communauté internationale, les risques sécheresse devront, désormais, être intégrés comme paramètres essentiels dans l'élaboration des politiques et stratégies de développement des pays.

A la lumière des expériences réalisées, il ressort que l'organisation des stratégies de lutte contre les effets de la sécheresse passe par la mise en place de systèmes performants d'information et d'évaluation de l'ensemble des paramètres concourants au phénomène.

Pour être efficaces, ces dispositifs doivent être couplés à des outils d'aide à la décision, à la disponibilité de moyens financiers et matériels d'intervention et à des plans d'action d'urgence. Le volet pédagogique est déterminant pour la réussite d'une telle stratégie. Il implique des campagnes de sensibilisation de la population et des mesures contraignantes en matière d'économie et de restriction de consommation de l'eau.

Enfin, et dans certains cas, ces stratégies doivent mener à orienter les modes de production vers une agriculture mixte, mieux résistante aux variations climatiques que les monocultures.

Actualité: la science, moyen de lutte du futur contre la sécheresse

Une société de biotechnologie canadienne a récemment testé un procédé de modification génétique visant à accroître la résistance des plantes à la pénurie d'eau. Baptisée Yield Protection Technology (YPT), ce procédé permet à la plante d'activer un gène lui permettant d'arrêter sa transpiration en cas de sécheresse. Testée avec des résultants probants à des plantations de colza, la technologie qui devrait bientôt être adaptée à d'autres espèces (maïs, coton, soja) serait, commercialisable à l'horizon 2010.

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