L'assurance à l'épreuve des tremblements de terre

Perçus, dans les croyances primitives, comme des malédictions divines, les tremblements de terre figurent parmi les calamités naturelles les plus terrifiantes par leur effet dévastateur et leur imprévisibilité.

Tremblement de terre San Francisco 1906 Tremblement de terre de San Francisco, 1906 La planète terre est en mouvement perpétuel. Support des continents et des océans, sa couche supérieure ou croûte terrestre est formée d'une superposition de plaques plus ou moins rigides qui dérivent à la vitesse de quelques centimètres par an dans une interaction continuelle.

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L'assurance tremblement de terre

Alors que de nombreuses régions du monde sont régulièrement dévastées par les séismes et que de grandes mégalopoles, situées dans des zones à haut risque, vivent dans la crainte d'un désastre annoncé, l'industrie de l'assurance s'est, jusqu'à ces dernières années, montrée singulièrement en retrait sur ce front des catastrophes naturelles. Le fait que les séismes affectent plus souvent, et en grand nombre, des populations à faible niveau économique pourrait expliquer une telle réserve. Dans la majorité des pays touchés, ce sont traditionnellement les États qui prennent en charge les pertes du sinistre et les coûts de reconstruction. En raison de l'ampleur des dégâts occasionnés, les assureurs font preuve d'une forte résistance à garantir ce type de risque. Y compris dans les pays industrialisés, les couvertures tremblement de terre sont rarement obligatoires et ne figurent qu'à titre de clause d'extension facultative dans les polices d'assurance des risques des particuliers.

San Francisco : le risque tremblement de terre, cauchemar des compagnies d’assurance

Tremblement de terre de San Francisco

Californie (USA), 18 avril 1906. La date est inscrite dans la mémoire collective comme celle du plus grand désastre pour le pays et pour l'industrie de l'assurance. Un puissant séisme suivi d'un incendie a ravagé la ville de San Francisco. Utilisés pour combattre les foyers de feu, les explosifs ont amplifié les destructions. Le bilan des pertes de biens assurés s'est chiffré à 235 millions USD, soit l'équivalent de 4,9 milliards USD de 2005.

Le nombre de déclarations de sinistre a atteint 100 000, dont l'essentiel relevait de polices d'assurance habitation et incendie. Bien que les assureurs n'aient remboursé que 180 millions USD (équivalent à 3,75 milliards USD 2005) sur le montant global du sinistre, le séisme de San Francisco a provoqué la faillite de 12 compagnies d'assurance américaines, une australienne et une allemande. A lui seul, le sinistre a englouti la totalité des bénéfices engrangés par les compagnies d'assurance pendant les 47 années précédentes.

La crainte du fameux «Big one» est toujours présente dans les esprits. Les pertes d'un cataclysme équivalent se chiffreraient aujourd'hui à des montants compris entre 30 milliards et 105 milliards USD. Bien que l'agence Earthquake Hazards Program estime à 200 ans la probabilité de survenance d'un tel évènement, les sismologues considèrent qu'il existe 60% de chance pour qu'un un séisme de magnitude égale ou supérieure à 6.7 se produise dans les 30 ans à venir en Californie. Malgré une telle perspective, le taux de californiens assurés ne dépasse pas actuellement 13%.

Leçons pratiques

Le développement de l'assurance tremblement de terre relève d'un paradoxe comme si l'évènement était le véritable maître du jeu. Ce sont, en effet, les séismes de ces dernières années qui ont été l'élément déclencheur pour la mise en place des dispositifs d'assurance les plus performants. Les pays qui ont su, au mieux, tirer les leçons de leurs malheurs sont, les États-unis, le Japon, le Mexique et la Turquie.

L’assurance tremblement de terre aux Etats-Unis

faille de San AndreasLa faille de San Andreas

L'assurance tremblement de terre est une affaire politique nationale. Elle concerne au premier chef l'état le plus exposé, la Californie qui concentre le plus grand nombre d'habitants assurés du pays.

Suite au séisme de Northridge en 1994 qui a causé 15 milliards USD de dommages assurés, les compagnies ont quasiment cessé de souscrire les polices multirisques habitation en raison de la loi dite «Mandatory offer law» les obligeant à intégrer une garantie tremblement de terre dans ce type de contrat.

En réponse à cette situation, le gouvernement a pris deux décisions: le lancement d'une «mini police», de couverture limitée, commercialisée par les compagnies privées et la création de la California Earthquake Authority (CEA) en 1998, une agence publique fonctionnant comme un pool d'assurance et dotée d'un capital de 2,5 milliards USD. CEA qui collecte un volume annuel de primes brutes de 500 millions USD compte 750 000 assurés. Sa capacité financière atteint actuellement 8 milliards USD.

En 2003, The California Earthquake Authority Strategic a adopté un plan pour la période 2003-2007 destiné à développer la prévention, l'éducation de la population, les dispositifs de gestion de sinistres et à renforcer le rôle et les capacités de la CEA.

L’assurance tremblement de terre au Japon

Séisme Tōhoku Japon 2011Séisme de magnitude 9.0 de la côte Pacifique du Tōhoku, Japon 2011

Situé sur quatre plaques tectoniques, l'archipel nippon est un des pays les plus exposés aux séismes et le plus avancé en matière de prévention, de limitation des dégâts, d'assurance et de gestion des risques tremblements de terre. Grâce à des investissements proportionnels aux risques colossaux qu'il encourt, le Japon a développé des programmes de recherche et une technologie de pointe en la matière (Ingénierie, cartographie des zones à risques, réglementation des normes de construction, outils et matériaux parasismiques, éducation civique). L'expérience japonaise fait figure de modèle à suivre partout dans le monde.

Parmi les dispositifs les plus sophistiqués mis en place au Japon, un système unique de surveillance sismique sous-marine et en temps réel, instrument qui a fait cruellement défaut pour la prévention du tsunami de 2005.

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Séisme Niigata Japon 1964Séisme de magnitude 7.5 à Niigata , Japon 1964

Suite au séisme de Niigata en 1964, une assurance tremblement de terre pour les risques habitation a été établie en 1966, dans le cadre du programme de réassurance, Japanese Earthquake Reinsurance (JER). Aux termes de cette loi, les montants des dédommagements de l'État peuvent couvrir 50% à 95% du sinistre au cas où les dégâts cumulés atteignent 8,75 milliards USD. Le maximum annuel pouvant être remboursé par JER s'élève à 39, 4 milliards USD.

L'assurance tremblement de terre pour les risques d'habitation concerne les maisons (les bâtiments à usage de résidence, exclusivement ou partiellement) et le contenu (les biens meubles à usage domestique). Les contrats sont obligatoirement rattachés à une police incendie et ne peuvent pas être souscrits seuls. Les taux de prime standards sont calculés par l'organisme japonais de tarification de l'assurance Non Vie. Les primes sont divisées en quatre classes selon la région, et en deux catégories, selon le type de construction. La réassurance est partagée entre le gouvernement et le secteur privé.

Plusieurs autres systèmes cohabitent:

  • Avec le soutien des réassureurs étrangers, le secteur privé couvre les risques des entreprises commerciales et industrielles dans le cadre d'avenants aux polices incendie.
  • Le secteur coopératif, telle la fédération des mutuelles d'assurances agricoles, Zenkyoren, plus grand organisme coopératif du Japon, propose, depuis les années 1960, une couverture tremblement de terre d'u-ne durée de 30 ans à tarif forfaitaire.

Mais jusqu'en 1995, l'industrie de l'assurance disposait de faibles capacités financières face au risque. On estime à seulement 7% le pourcentage de particuliers couverts par une assurance tremblement de terre.

Séisme Kobé Japon 1995 Séisme de magnitude 7.3 de Kobé , Japon 1995

A Kobe, ce taux qui était de 3% est passé à 15% après le désastre de 1995 (magnitude 7.3, bilan : 6 432 morts, 150 milliards USD de dégâts).

Kobe, 1995, est considéré comme l'évènement sismique le plus important depuis 1923, date du séisme de Kantô (magnitude 8.3, suivi d'un incendie, bilan: 143 000 morts, 100 milliards USD de dommages) qui est un évènement de référence dans les modèles statistiques.

Autre leçon de Kobe, le constat que l'ampleur des dégâts d'un séisme dépend de nombreux paramètres tels que hasard, exposition, vulnérabilité, d'où la nécessité d'une approche de probabilité du risque.

C'est pourquoi, depuis 2001, le tarif des primes d'assurance tremblement de terre est calculé en fonction des normes de classification antisismique des habitations.

Après le tsunami de 2005 dans l'Asie du sud-est, et sur la pression de l'opinion publique, le gouvernement a décidé d'étendre la valeur de la couverture du JER de 11%, pour la mener à 50 milliards USD.

L’assurance tremblement de terre en Turquie

Séisme Izmit Turquie 1999Séisme de magnitude 8.2 d'Izmit , Turquie 1999

Particulièrement exposé, le pays est traversé, sur plus de 1000 km, par la faille nord-anatolienne, point de chevauchement entre les plaques africaine et eurasiatique.

L'évènement marquant de l'assurance tremblement de terre en Turquie est le séisme d'Izmit (17 août 1999, Magnitude 7.4, bilan: 17 118 morts, montant des risques assurés: 800 millions USD, pertes économiques: 6 milliards USD).

Dans un premier temps, les compagnies ont réagi en augmentant les tarifs des polices ou en refusant le risque tremblement de terre. Mais au terme d'un arrangement forcé avec le secteur, le gouvernement a fondé un pôle d'assurance tremblement de terre le Turkish Catastrophe Insurance Pool (TCIP). Depuis sa mise en application en 2000, le TCIP a couvert près de 2 millions de personnes. L'efficacité prouvée du dispositif en fait un exemple actuellement exporté.

Dans le programme national d'assurance tremblement de terre mis en œuvre, deux formules cohabitent:

  • Une police obligatoire gérée par le Turkish Catastrophic Insurance Pool-TCIP (DASK) qui concerne toutes les habitations, sauf les bâtiments publics.
  • Une police non obligatoire, disponible sur le marché et qui figure au titre d'option dans les polices d'assurance dommages, incendie ou vol

Au siècle dernier, 115 séismes de magnitude supérieure à 5 sur l'échelle de Richter ont affecté le pays.

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L’assurance tremblement de terre au Mexique

Pays à haut risque qui a subi de très graves sinistres, le Mexique a mis en place, dès 1996, un fonds de catastrophes naturelles, le Fondo de Desastres Naturales (FONDEN). Le dispositif a été complété en 2006, par la conclusion d'un accord de réassurance avec Swiss Re qui est le premier du genre dans l'assurance tremblement de terre.

Dite «couverture à déclencheur paramétrique», la garantie ne porte pas sur le dédommagement des dégâts matériels mais sur le financement de la reconstruction. Le programme est établi en fonction de 3 régions géographiques à haut risque prédéterminées et d'un niveau donné de la magnitude des séismes. Il prévoit l'indemnisation, pendant trois ans, des dégâts de 3 séismes causant des dommages d'un montant de 150 millions USD chacun.

La Chine, pays à haut risque et sous assuré

Crédit photo: miniwiki Séisme Sichuan Chine 2008

A l'exception des exemples cités, la plupart des pays émergents ne disposent pas de dispositifs de prévention et d'assurance comme c'est le cas de la Chine, un pays pourtant hautement exposé et dont l'histoire récente est marquée par des désastres majeurs tels celui de Tangshan, en juillet 1976, bilan: 1 000 000 de morts, 1,25 milliards de dégâts économiques. Les statistiques révèlent que 35% des tremblements de terre d'une magnitude supérieure à 7 sont survenus en Chine. En terme d'exposition, 23 provinces sur les 31 que compte le pays et 2/3 des villes les plus peuplées se situent dans des zones à risque. Mais depuis l'intégration du pays à l'Organisation Mondiale du Commerce et la libéralisation du secteur de l'assurance, il est question de mettre en place un programme national d'assurance tremblement de terre. Le projet est à l'étude depuis 2003, date de la tenue à Beijing de la conférence internationale des tremblements de terre continentaux.

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Scénario catastrophe

Pour les sismologues, le pire est à venir. La part de probabilité de survenance d'un désastre majeur est grande, notamment dans les régions urbaines à fortes concentrations de populations. Les inquiétudes concernent de nombreuses mégalopoles situées dans les zones à risque: Los Angeles, San Francisco, Tokyo, Djakarta, Istanbul, Le Caire, Téhéran, Lanzhou (Chine).

Enrichissez vos connaissances

Les séismes, produit de l'activité de la matière

Crédit photo: ComputerHotlineCoupe de la terre (image modifiée)

Les séismes résultent de la rupture de roches résistantes provoquée par le brusque glis- sement de deux compartiments terrestres le long d'une ligne de faille. Ils sont pour la plupart causés par les mouvements des plaques lithosphériques qui se déplacent les unes par rapport aux autres à la surface du globe. C'est le phénomène de la tecto- nique des plaques dont les deux principaux phénomènes sont la subduction et la collision.

  • La lithosphère: C'est la couche rigide et flottante du globe terrestre. Elle est composée de la croûte et de la partie superficielle du manteau.
  • La subduction: Elle est le résultat de la friction de deux plaques, l'une océanique et l'autre continentale dont l'une plonge sous l'autre. Ce chevauchement par à coup libère instantanément l'énergie emmagasinée qui provoque séismes et éruptions volcaniques.
  • La collision: Elle est le produit de la friction de deux plaques continentales. La matière comprimée issue du magma se cristallise, se soulève et forme une chaîne montagneuse, soit au fond des océans, soit à l'air.
  • La magnitude: La puissance d'un tremblement de terre peut être quantifiée par sa magnitude, notion introduite en 1935 par le sismologue Charles Francis Richter. La magnitude calcule, avec un sismographe standard, la force d'un séisme à l'hypocentre (foyer). La magnitude n'est pas une échelle mais une fonction continue logarithmique. Il existe d'autres échelles d'intensité qui mesurent les effets d'un séisme en surface parmi lesquelles l'échelle modifiée de Mercalli et l'échelle Rossi-Forel.

La géographie des risques

Situées sur les zones de subduction, les régions du monde présentant le plus haut risque d'exposition sont:

  • le domaine de convergence Afrique-Eurasie-Inde qui englobe le pourtour de la Méditerranée, la région Iran-Pakistan-Afghanistan, l'Asie Centrale, le nord de l'Inde et la Chine
  • les domaines de subduction circum-Pacifique qui englobent l'Amérique du Nord-Ouest, l'Amérique Centrale et l'Amérique du Sud à l'est, et le Japon, Taïwan, les Philippines, l'Indonésie et la Papouasie à l'ouest
  • les arcs volcaniques tels que les Antilles et les Caraïbes
  • les domaines émergés de coulissage entre plaques tels la Californie

Mesures de prévention

Malgré le progrès des sciences de la terre, l'état actuel des connaissances ne permet pas de prévoir les séismes, c'est-à-dire de déterminer, avec précision la date et le lieu de leur survenance. En revanche, la prévision à moyen terme permet d'estimer la probabilité d'occurrence des séismes en un endroit donné.

Les séismes restent des accidents naturels imprévisibles et cela pour plusieurs raisons:

  • Méconnaissance des facteurs déclencheurs et des signes précurseurs
  • Complexité et diversité des paramètres en jeu
  • Difficulté à maîtriser des phénomènes physiques se situant à plusieurs kilomètres en profondeur de la terre.

Les principales mesures de prévention sont:

  • des constructions adaptées assorties à des plans d'urbanisme répondant à des règles parasismiques,
  • le renforcement du bâti ancien,
  • la mise en place de plans d'urgence efficaces
  • la préparation des populations à l'évènement.

Instruments et méthodes d'observation mis en œuvre

Crédit photo: Oleg AlexandrovGrâce aux systèmes GPS, les mouvements de la terre font l'objet d'études qui analysent et reconstituent la distribution et le déplacement des plaques depuis 200 millions d'années.

Les stations sismiques de fond de mer Ocean Bottom Seismometer (OBS) sont des instruments autonomes, disposés sur le fond de mer, dans le but d'enregistrer les vibrations du sol. Parmi les dispositifs de mesure et d'observation mis au point ces dernières années:

  • La méthode VAN conçue en 1981 par des physiciens grecs et qui est basée sur la détection des anomalies électromagnétiques générées dans le sous sol par des secousses .
  • Le système Global Earth Observation System of Systems (GEOSS), lancé par l'Union Européenne en 2005 et qui utilise 30 satellites.
  • Aux dernières nouvelles, une trouvaille originale mise au point en Chine : un système de détection basé sur l'observation de l'instinct animal, et, notamment des reptiles considérés comme les créatures vivantes les plus sensibles aux secousses telluriques.
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