Le risque de pollution industrielle

Le progrès technologique et technique a radicalement transformé les activités humaines, entraînant une évolution de la notion de risque et un élargissement du champ d'application de la responsabilité.

Les notions de faute et de responsabilité étant devenues plus étendues il est de plus en plus difficile de les établir pour répondre au besoin d'indemnisation rapide des victimes. Cette situation a poussé le législateur à introduire de nouveaux critères d'appréciation, comme par exemple l'adoption du principe de précaution ou celui de la responsabilité automatique de l'employeur pour les problèmes de pollution par l'amiante en Europe et aux USA.

Évolution du risque de pollution industrielle

Crédit photo: thue

Les risques les plus courants sont en réalité des risques classiques mais c'est l'organisation même de la vie sociale qui modifie leur échelle et leur appréhension.

L'urbanisation massive et la mondialisation des moyens de communication favorisent l'apparition et la diffusion de certains risques ou en démultiplient les effets dommageables.

Par l'utilisation de nouveaux procédés, matériaux ou molécules, le progrès technologique est lui-même facteur de nouveaux risques, souvent plus diffus, dans leurs causes comme dans leurs effets. Ainsi, parmi les sujets actuellement les plus controversés, celui des organismes génétiquement modifiés qui font peser des menaces « virtuelles » sur la santé et l'environnement.

La pollution industrielle

Typologie

La pollution est synonyme d'atteinte à l'environnement, c'est-à-dire, de dégâts causés à la nature, aux intérêts collectifs comme la faune, la flore, l'air, la couche d'ozone. Elle peut aussi toucher les biens de celui qui en est à l'origine ainsi que les personnes.

De manière générale, les assureurs ne garantissent que les pollutions industrielles dont l'origine est accidentelle. La responsabilité classique repose toujours sur la notion de faute.

La pollution accidentelle signifie une atteinte à l'environnement qui trouve son origine dans un évènement soudain, fortuit, imprévu, indépendant de la volonté de l'assuré, telle qu'une explosion ou une rupture de canalisation et qui se déclare dans un laps de temps relativement court (maximum 72 heures) entre l'apparition et la manifestation du dégât. Toute autre pollution que les assureurs désignent par graduelle, n'est assurable que par des contrats spécifiques.

La pollution graduelle désigne les rejets dans l'environnement de liquides, de fumées, de gaz ou de matières solides, continuels ou non, liés à l'exercice d'une activité. Elle englobe aussi les suintements et les écoulements dus à la corrosion, à l'usure ou à un défaut d'entretien d'une installation.

La pollution historique trouve souvent son origine dans l'exercice, des années durant, d'une activité au départ tout à fait légale. Cette pollution qui est antérieure aux réglementations plus strictes en matière d'environnement pose des problèmes d'assurance spécifiques. Car les dégâts déjà occasionnés ne peuvent plus être assurés. Mais s'il n'y a pas encore eu d'effets nocifs, une couverture d'assurance peut être obtenue après un audit circonstancié de l'environnement et moyennant le respect de mesures de prévention strictes. Néanmoins, les interprétations varient. C'est ainsi que sont généralement exclus les faits dont l'assuré sait, qu'à terme, ils déboucheront quasi certainement sur des demandes en dommages et intérêts.

L'assurance du risque pollution industrielle

Crédit photo: Vberger (image modifiée)

Les polices classiques d’assurance proposent certaines formes de couverture en cas de pollution de l'environnement, mais sont souvent insuffisantes. Les réticences des assureurs à l‘égard de l'établissement de polices plus précises et plus sophistiquées s'expliquent par les données statistiques insuffisantes pour évaluer la fréquence et l'ampleur des dégâts potentiels, le coût très élevé que peut occasionner un sinistre, l'évolution incertaine et rapide du contexte légal, la difficulté d'intégrer ce type de dégâts dans les concepts d'assurance classique.

Les assurances concernées par la garantie des dommages dus à la pollution industrielle sont aussi bien des assurances de dommages aux biens que des assurances de responsabilité civile.

Dans le cas de polices d'assurance contre l'incendie et les risques annexes, les contrats couvrent les frais de décontamination des biens assurés contaminés à l'occasion de la réalisation d'un évènement garanti. La garantie peut être étendue aux frais de décontamination des sols pour des montants limités. Ils garantissent également le recours des tiers et des voisins ayant subi un dommage matériel par pollution à l'occasion d'un sinistre. Il s'agit souvent de l'écoulement des eaux d'extinction contaminées.

On estime que près de 60% des dommages de pollution résultent des eaux d'extinction utilisées par les services de secours lors d'incendies ou d'explosions.

Le recours des tiers et des voisins de l'assurance contre l'incendie se limite aux dommages matériels et immatériels. Les dommages corporels relèvent de l'assurance responsabilité civile.

La pollution causée par l’industrie peut également entraîner la responsabilité pénale des dirigeants, voire de l'entreprise. Dans ce cas, l'assurance ne peut prendre en charge les amendes.

Pour se préserver, les assureurs utilisent des polices comportant différents rangs : une police d'un rang ultérieur n'intervient que lorsque la police précédente est tout à fait épuisée.

Les pools d'assurance

Devant la difficulté de cerner les risques de pollution industrielle et étant donné l'importance des montants à garantir, les assureurs des pays industrialisés ont créé des groupements ou pools d’assurance qui délivrent des garanties pour leurs membres. Les mêmes difficultés rencontrées par certaines activités ont donné naissance à des fonds professionnels comme celui des armateurs de pétroliers (P&I Clubs, etc.).

Exemple de ASSURPOL (France)

ASSURPOL est un GIE de co-réassurance qui réunit une soixantaine de sociétés auxquelles il fournit une couverture en réassurance des risques d'atteinte à l'environnement avec une capacité de 50 millions EUR (60,2 millions USD).

Risque de pollution industrielle et principe du pollueur payeur

On tend de plus en plus à substituer aux règles de la responsabilité civile de droit commun le principe du pollueur payeur et d'instaurer à sa charge des taxes spécifiques permettant de financer l'indemnisation des victimes. La personne par la faute ou la négligence de qui des dommages ont été causés à l'environnement est coupable et donc obligée d'indemniser les victimes des dégâts.

Mais devant la difficulté à établir les preuves de l'erreur et son auteur, on constate une nette évolution vers le principe de responsabilité objective ou sans erreur. C’est-à-dire, celui qui a causé l'émission est tenu pour responsable, qu'il ait commis une erreur ou non.

Risque de pollution industrielle : les grandes catastrophes

Objet de toutes les préoccupations de l'heure, les grands risques de pollution industrielle qui menacent la planète sont les émissions de gaz à effet de serre, le réchauffement climatique, les pluies acides, le risque nucléaire, le traitement des déchets toxiques, les rejets industriels dont les pesticides.

Usine de Bhopal © Julian Nitzsche, CC BY-SA 3.0

Mais l'actualité est régulièrement marquée par des accidents industriels aussi spectaculaires que destructeurs. Dus à des conditions de sécurité précaires, une mauvaise maîtrise ou une ignorance du risque et à une grande exposition des populations, ces accidents sont répertoriés comme les catastrophes industrielles majeures du 20ème siècle ayant entraîné des conséquences dramatiques sur l'homme et l'environnement.

Seveso (Italie), juillet 1976 : Explosion d'un réacteur chimique produisant des herbicides. Le rejet de dioxine dans l'atmosphère a gravement affecté plus de 37 000 personnes et a été à l'origine de l'apparition de formes rares de cancers. L'accident a fait juridiquement école. Il a donné naissance à deux directives européennes dites Seveso1 et Seveso2 qui classent les entreprises ou les installations selon une échelle de risques.

Bophal (Inde), décembre 1984 : Explosion de l'usine de Union Carbide produisant des pesticides, bilan : 5 000 morts, 250 000 blessés, plus de 300 000 malades. Au terme d'un accord amiable avec le gouvernement indien, Union Carbride a fini de payer en 2004 la totalité des 470 millions USD (dont 250 millions USD pris en charge par les assurances), alors que les dommages ont été évalués à 3 milliards USD. S'estimant lésées, les victimes ont intenté une plainte en responsabilité pénale contre l'entreprise et ses dirigeants.

Toulouse (France), septembre 2001 : Explosion de l'Usine AZF TOTALFINA implantée en zone urbaine, bilan : 31 morts, 5 000 blessés, 35 000 logements touchés.

Jilin (Chine), novembre 2005 : Suite à une explosion dans une fabrique chimique qui a fait plusieurs victimes, des rejets de benzol dans le fleuve Songhua ont provoqué une grave pollution de l'eau qui s'est étendue à la Russie riveraine.

© Lvivian, CC BY-SA 3.0

Buncefield (Angleterre), décembre 2005 : L'explosion suivie d'un gigantesque incendie dans un dépôt d'hydrocarbures a provoqué un épais nuage de fumée sur le pays. Le montant des dommages a été estimé à 223 millions USD. Les produits utilisés pour l'extinction de l'incendie ont suscité de vives inquiétudes sur la qualité de l'eau et la production agricole.

Le montant des dommages résultant de catastrophes techniques survenues au cours de l'année 2005 s'est élevé, pour les assureurs à 5 milliards USD. Près des 2/3 de ces évènements sont des incendies et des explosions dans le secteur industriel et énergétique.

Si en Europe, et, particulièrement en France, la première source de pollution est d'origine agricole, les pays en développement sont, pour leur part, confrontés à des menaces de pollution industrielle aggravées par des installations obsolètes et l'absence de dispositifs et de moyens de prévention du risque. C'est, par exemple, le cas dans le Sahara algérien où un projet est actuellement à l'étude pour déplacer la ville de Hassi Messaoud, principal centre pétrolier algérien, sur un autre site en raison de la proximité du champ d'exploitation pétrolière ou le Nigeria où les incendies et les accidents meurtriers dans le secteur des hydrocarbures sont monnaie courante.

Les freins au développement de l'assurance pollution industrielle

Au niveau de la demande

Le recours à l'assurance n'est pas le seul moyen de se couvrir contre le risque de pollution industrielle. Certains groupes constituent des captives dans les pays à faible fiscalité pour couvrir le risque.

Les marchés financiers ont également crée des outils de transfert de risque auxquels peuvent recourir les industriels. La demande est réduite du fait de la rareté des plaintes des victimes, de la complexité et de la longueur des procédures ainsi que du faible niveau de leur indemnisation. Le manque d'information et de données fiables dont disposent les entreprises constitue également un frein à la demande de couverture.

Au niveau de l'offre

L'offre de couverture est freinée par :

  • L'incertitude juridique qui existe autour de la garantie dans le temps, du montant des dommages futurs et de la possible remise en cause de certaines exclusions par les tribunaux
  • La difficulté de qualification due à la confusion entre les différents types de pollution : aléatoire (couverte par les contrats) ou historique (exclue des contrats)
  • Les difficultés de tarification : les assureurs disposent de peu de données sur les sinistres
  • La capacité de réassurance : peu de réassureurs s'engagent sur les risques pollution
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