Assurance construction et innovation

La construction a de tout temps participé à la course au progrès. Pour se démarquer de la concurrence, les fabricants de matériaux rivalisent d’ingéniosité dans leurs offres de produits et les architectes proposent des réalisations de plus en plus ambitieuses.
Il convient néanmoins de s’interroger sur les limites de cette course à l’innovation qui mobilise d’énormes capitaux.
Cité des arts et des sciences, Valence © David Iliff, CC BY-SA 3.0

La concurrence, premier moteur de l’innovation

Aujourd’hui, ce sont les villes et les entreprises qui soutiennent le plus l’innovation architecturale. En lançant des programmes de construction d’édifices originaux capables de promouvoir leur image, Dubaï, Shanghai et bientôt Qatar ont pris le relais de New York, Chicago et Paris avec les tours les plus hautes, les aéroports les plus design, les musées les plus beaux, les stades les plus accueillants, les sièges de sociétés les plus écologiques.

Le savoir-faire d’antan ne suffit plus. Pour répondre aux besoins du marché, les fabricants de matériaux ont massivement investi dans la recherche. Ils ont élaboré des produits novateurs : nanotechnologie au cœur des matériaux, évolution des types de béton, évolution des composants. C’est grâce à ces matériaux que se construisent des édifices plus audacieux.

Architectes et bureaux d’étude de réputation internationale sont à la recherche de projets capables de marquer les esprits. Ils relèvent les défis posés par les gouvernements, les villes et les entreprises à la recherche d’ouvrages d’envergure susceptibles de renforcer leur nom et attirer vers eux les retombées économiques ou le flux touristique : c’est « l’effet Bilbao ».

L’environnement, deuxième moteur de l’innovation

Allianz Arena © Maximilian Dörrbecker, CC BY-SA 2.5

Le respect de l’environnement est une exigence récente de la société. Imposée, très souvent, par la législation cette démarche entraine des économies d’énergie, de matières premières et une réduction des gaz à effet de serre. La préservation de l’environnement a également un coût et il est encore rare, sauf pour les programmes de grande envergure, de voir un maître d’ouvrage accroître ses dépenses pour des motifs écologiques. Bien souvent, c’est la loi qui astreint les propriétaires à respecter les nouvelles règles, notamment dans les pays développés où les exigences environnementales sont de plus en plus contraignantes.

Les assureurs face à l’innovation

Les assureurs sont souvent réticents à couvrir des risques de construction utilisant des matériaux nouveaux et des concepts architecturaux novateurs.

Crédit photo: Richard WaseneggerTremplin de saut à ski par Zaha Hadid

Si les techniques courantes et les matériaux usuels ont depuis longtemps acquis la confiance des assureurs, il en va autrement pour ceux utilisés pour la première fois.

Les assureurs interviennent à deux stades particuliers de la vie d’un projet : une première fois pour couvrir la construction proprement dite et une seconde fois pour indemniser les désordres qui peuvent apparaitre après la réception de l’ouvrage.

L’assurance construction

Lors de la souscription du contrat, le preneur d’assurance, généralement le constructeur, doit informer l’assureur de l’utilisation de techniques non courantes. L’assuré est tenu, sous peine de sanction, de déclarer dans le formulaire de déclaration du risque, toute forme d’innovation. Cette déclaration constitue une obligation contractuelle.

L’utilisation de nouveaux matériaux et/ou techniques architecturales avant-gardistes crée un aléa supplémentaire.

L’assureur va analyser l’impact de la nouveauté durant la phase de construction. L’innovation peut concerner tout ou partie du projet. Il est peu fréquent qu’elle englobe l’ensemble d’un programme de construction. Après étude du dossier, l’assureur peut exclure certains risques ou dommages occasionnés à des parties de l’ouvrage ou à certains biens. Certaines exclusions peuvent être temporaires et disparaître si la construction ne subit aucune faiblesse durant une période donnée.

L’assureur peut également limiter ses engagements par sinistre et par période d’assurance. Il peut user de franchises élevées pour faire participer l’assuré à la prise de risque.

Crédit photo: US Gov. / NASAPour les ouvrages très complexes, l’intervention d’un ou plusieurs consultants et experts est requise.
Il est courant que des chantiers hors normes soient présentés à l’assureur. C’est le cas par exemple de la tour Khalifa à Dubaï, de l’ensemble immobilier de Palm Island également à Dubaï, du musée de Bilbao (Espagne) ou de celui des Confluences à Lyon (France). Ces ouvrages, souvent des prototypes, aux formes audacieuses, défient les lois de la construction. Des retards dans l’obtention d’une couverture d’assurance et de réassurance peuvent remettre en cause de tels projets.

Les blocages ne sont, généralement, pas définitifs. Des analyses scientifiques complémentaires sont diligentées et dans certains cas rares, l’abandon de l’innovation est requis.

Les assureurs sont souvent réticents à couvrir des risques de construction utilisant des matériaux nouveaux et des concepts architecturaux novateurs.

La réparation des dommages survenus après la réception de l’ouvrage

Crédit photo: Cristian ChiritaPour protéger les acheteurs de biens immobiliers et moraliser le marché de la construction, certains pays comme la France, la Suède, la Finlande, l’Espagne, l’Italie, le Danemark et les pays du Maghreb imposent la souscription d’une police décennale ou de longue durée. Cette police couvre les dommages survenus après la réception de l’ouvrage. Tous les participants à l’acte de construire sont soumis à cette obligation. En France, la loi oblige les constructeurs à souscrire cette garantie avant le début des travaux, d’où blocage des projets trop novateurs et négociations longues et difficiles entre constructeurs et assureurs.

Dans certains pays une assurance de responsabilité civile professionnelle est exigée pour les architectes et les concepteurs.

Le terminal 2E de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle: effondrement partiel

En juin 2004, une partie du terminal 2E de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle (Paris) s’est effondrée, causant la mort de quatre personnes. L’enquête a révélé que la forme originale du bâtiment et l’utilisation d’une méthode méconnue, peu classique semblent être les causes de cet accident. Le coût de la reconstruction de la partie détruite a été évalué à 150 millions EUR (204 millions USD) et a été supporté par les assureurs (Axa et Groupama-Gan) et réassureurs (Swiss Re, Munich Re, Scor et General Re).

La Mosquée Hassan II au Maroc: danger d’effondrement

Inaugurée en 1993, la Mosquée Hassan II, la troisième plus grande mosquée du monde, dont les travaux ont duré 7 ans et coûté près de 2 milliards USD, est victime d’un vieillissement précoce. Érigée en partie sur la mer et soumise à de très fortes contraintes climatiques (houle, humidité…), la mosquée a été, cinq ans après son inauguration, en proie à de spectaculaires dégradations : fissures, éclatements du béton, piliers qui menacent de s’effondrer.

L’assurance comme support à l’innovation

© Andreas Tille, CC BY-SA 3.0

Malgré quelques réticences, l’assurance ne constitue pas un frein à l’innovation architecturale. Elle est un maillon essentiel de l’activité de construction.

Une enquête menée au Japon analysant trente-huit régimes d’assurance dans le monde, a montré que l’assurance est un régulateur de la construction.

Pour un soutien plus actif de l’assurance à l’innovation, les réglementations nationales doivent supporter le secteur de la construction:

  • en créant un répertoire des nouveaux produits ou systèmes innovants testés et reconnus par des centres scientifiques et des experts en bâtiment
  • en centralisant les organismes techniques de marquage et de certification
  • en réalisant une étude internationale commune permettant de déterminer les bonnes pratiques et introduire les innovations axées sur leur efficacité réelle, la diminution des coûts et la fiabilité
  • en créant des contrats d’assurance type

Qatar, projet de neuf stades climatisés en plein désert

Le Qatar, sera le pays hôte de la 22ème Coupe du monde de football en 2022. Ce riche émirat prévoit de construire neuf grands stades ultramodernes et de les doter, avec les trois autres déjà existants, d’un système de climatisation fonctionnant à l'énergie solaire. Les températures à l’intérieur des stades devraient être maintenues à près de 20°C. Le coût de la construction et de la rénovation des stades, qui seront prêts en 2014, est évalué à 4 milliards USD. Après la fin de la compétition, les stades seront, démontés et offerts à des fédérations de football en difficulté.

Tour bionique à Shanghai : projet futuriste

Un autre projet extravagant pourrait voir le jour à Shanghai. Il s’agit d’une ville verticale où 100 000 habitants seront logés dans une tour bionique de 300 étages et 1220 mètres de hauteur. L’ouvrage sera entouré d’un ensemble de bâtiments utilitaires (bureaux, commerces, hôtels, hôpitaux, loisirs, espaces verts, etc). Ce projet, qui sera érigé sur une île artificielle, coûtera 15 milliards USD.

Les tours les plus hautes du monde

Crédit photo: Atlas Magazine en milliards USD
 Nom de la tourPaysBudget de constructionHauteurNombre d'étages
1Burj KhalifaEmirats Arabes Unis, Dubaï1,5828 mètres162
2Canton TowerChine,GuangzhouN.D.610 mètres37
3Taipei 101Taiwan, Taipei1,76508 mètres101
4Centre mondial des financesChine, Shanghai1,2492 mètres127
5International Commerce CenterChine, Hong KongN.D.484 mètres118
6Tours PetronasMalaisie, Kuala Lumpur1,6452 mètres88

Burj Khalifa à Dubaï : la tour de la démesure

Il s’agit de la tour la plus haute du monde avec 828 mètres et près de 162 étages. Son coût final a atteint 1,5 milliard USD. Plus de 12 000 ouvriers ont participé à ce chantier dont les travaux ont commencé en 2004 pour se terminer en janvier 2010. Un mois après son inauguration, la tour a dû faire face à des problèmes d’alimentation électrique.
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