Assurance et risque de pandémie

Lorsqu’un virus inconnu et dangereux pour l’homme engendre une pandémie, les répercussions sur la mortalité et la morbidité de la population sont immédiates. En un laps de temps relativement court, les assureurs se retrouvent face à un cumul d’engagement exceptionnel.

covid-19Les garanties décès, incapacité de travail, invalidité temporaire, frais et soins médicaux font peser sur les assureurs de personnes une charge sinistre très élevée.

Alors que les assureurs directs souffrent, les réassureurs se retrouvent relativement épargnés. A l’exception du risque décès, la réassurance traditionnelle est peu engagée, elle est protégée par la clause d’exclusion du risque de pandémie, insérée dans la grande majorité des traités.

Risque de pandémie et assurance responsabilité civile

De nombreuses activités impliquent des interactions entre les personnes. Il est scientifiquement démontré que les contacts fréquents favorisent la diffusion des pandémies. Travailler dans des conditions sanitaires non sécurisées met en danger le personnel des entreprises. On peut donc s’attendre à ce que ces dernières disposent de plans de gestion des ressources humaines en cas de crise. Dans la négative, elles n’ont pas d’autre choix que de suspendre leurs activités.

Les entreprises qui exposent leurs salariés à des risques exorbitants peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires de la part des employés, des tiers, des autorités et même de leurs propres actionnaires.

La responsabilité civile des dirigeants d’entreprise

Toute entreprise qui n’a pas correctement planifié la gestion de la pandémie et qui subit un impact financier disproportionné par rapport à ses concurrents peut voir ses dirigeants poursuivis en justice par les actionnaires.

La responsabilité civile des employeurs

Lors d’une pandémie, l’absentéisme atteint des niveaux record. Pour éviter de lourdes pertes, un employeur peut exiger de son personnel un retour précoce à son lieu de travail.

Si, lors du retour des salariés dans l’entreprise, les mesures de sécurité prises par l’employeur s’avèrent inadéquates par rapport à celles mises en place par les concurrents, un manque au devoir de diligence envers les salariés peut être mis en avant et faire l’objet de poursuites judiciaires.

Les erreurs médicales

Lors de la survenance d’une épidémie, de nombreux lits d’hôpital sont nécessaires pour faire face aux urgences. Malheureusement, dans de nombreux pays, les hôpitaux, qui fonctionnent, déjà à pleine capacité, n’ont pas les moyens d’ajouter des places supplémentaires. De nombreux malades doivent donc rester chez eux. D’où la question : sur quels critères se fondent les médecins pour décider de prendre ou non en charge un malade ? Ces critères sont-ils les mêmes dans tous les centres hospitaliers ? Cette perte de chance de guérison d’un malade peut donner lieu à un dépôt de plainte devant les tribunaux.

Autre problème juridique, la crise du SARM (1) a démontré que dans certaines circonstances, les hôpitaux eux-mêmes propagent des maladies.

(1) Le SARM, également dénommé «staphylocoque doré» est une infection provoquée par un staphylocoque résistant aux antibiotiques.

Risque de pandémie et assurance maritime

Les grandes croisières à bord de navires géants peuvent être source de propagation des virus. Des passagers porteurs du virus mais ne présentant aucun symptôme peuvent disséminer la maladie. L’action même d’accoster peut constituer un vecteur de contamination.

Dans de tels cas, des actions en responsabilité peuvent être engagées contre le ou les responsables de cette situation dommageable (agence de voyage, armateur, affréteur,…).

De plus, les croisières sont souvent appréciées par des personnes aisées donc habituées à souscrire des polices d’assurance. Une contamination à bord pourrait vite se transformer en un gros sinistre pour les assureurs.

  • Fin janvier 2020:
    En raison de deux cas suspects de COVID-19, près de 7 000 personnes embarquées sur le navire de croisière le Costa Victoria, dont environ 6000 passagers sont bloqués au port de Civitavecchia près de Rome.Costa Victoria © Olpa, CC BY-SA 3.0
  • Début février 2020:
    Le navire de croisière Diamond Princess est bloqué au large des côtes japonaises. Parmi les 3711 passagers et membres d’équipage, on dénombre 700 personnes contaminées par le coronavirus.Diamond Princess © Olpa, CC BY-SA 4.0
  • Mars 2020:
    Courant mars, le COVID-19 a été détecté dans pas moins de 25 navires de croisière.Le navire Celebrity Apex bloqué à Saint Nazaire 
© Sebastian mew, CC BY-SA 4.0
  • Fin mars 2020:
    Le navire de croisière Celebrity Apex est bloqué à Saint Nazaire (France) avec 1463 personnes confinées suite à la découverte de 29 cas de COVID-19.

Risque de pandémie et assurance perte d’exploitation

En assurance de dommages aux biens, il ne saurait y avoir de sinistre perte d’exploitation sans dommages matériels préalables.

Par le biais de cette couverture, l’assureur indemnise les coûts et charges (salaires, frais fixes,…) que l’assuré est tenu de supporter durant l’arrêt de son exploitation suite à un sinistre incendie ou bris de machine.

En fonction des contrats, le montant de l’indemnité peut représenter 12 à 18 mois et parfois plus des frais fixes de l’assuré.

Un sinistre perte d’exploitation après incendie ne peut être pris en charge par un assureur que si l’assuré a préalablement souscrit deux garanties :

Ces deux garanties peuvent être accordées par deux contrats séparés ou regroupées dans un seul et même contrat.

L’assurance incendie

Il est difficile d’imaginer qu’une pandémie qui ne provoque aucun dégât matériel puisse être à l’origine d’une aggravation d’un sinistre incendie. Pourtant lors de la survenance d’une pandémie, beaucoup d’entreprises industrielles et commerciales tentent d’obtenir un dédommagement par ce biais.

En fait, si la pandémie ne donne pas lieu à une prise en charge des pertes au titre de la perte d’exploitation, elle peut par contre contribuer à aggraver les dommages matériels de l’assuré en cas d’incendie.

Dans ce cadre, deux scénarios sont possibles :

  • Le premier concerne le manque de personnel dans les rangs des pompiers mobilisés à porter secours aux personnes atteintes d’un virus. Cet effectif réduit des forces d’intervention contre le feu peut être la cause d’un incendie de très grande ampleur. L’arrivée des pompiers sur site ayant nécessité un délai plus long que de coutume.
  • Deuxième cas possible, pour cause de confinement, le nombre réduit de personnel de prévention et de lutte contre l’incendie dans une usine peut entrainer une baisse du nombre et de la qualité des contrôles et révisions des machines ou de surveillance des bâtiments. Ces manquements aux mesures de prévention peuvent être la cause d’incendies de fréquence et d’intensité supérieures à la normale.

Risque de pandémie et assurance annulation d’événement

De nombreuses polices d’assurance annulation d’événement excluent les maladies transmissibles. Sont particulièrement concernés par la garantie annulation d’événement, les organisateurs des grands événements sportifs, des festivals culturels et/ou grandes manifestations commerciales.

Toutefois, les organisateurs d’événements ne souscrivent pas tous les mêmes couvertures. En fait, les garanties et exclusions varient d’un contrat à l’autre avec très souvent une exclusion formelle de toute forme d’épidémie à forme virale.

Polices d’annulation des grands événements sportifs

La plupart des polices d’annulation des événements sportifs sont souscrites sur le marché de Londres et en particulier auprès des syndicats du Lloyd’s. Il s’agit d’un marché étroit avec peu d’acteurs et une capacité de 1 à 1,5 milliard USD.

Avec la crise du COVID-19, ce marché est en plein désarroi. On considère que l’actuelle pandémie entraînera le retrait de 30 à 40% de la capacité et une hausse vertigineuse des primes.

Les réassureurs Swiss Re et Munich Re ont déjà fait savoir que leurs comptes du premier trimestre 2020 sont fortement impactés par le COVID-19 et en particulier par les annulations d’événement.

Pour le premier trimestre 2020, Swiss Re annonce une perte nette de 225 millions USD alors qu’à la même période de 2019, son bénéfice net s’élevait à 429 millions USD.

Risque de pandémie et assurance voyage

Dans le cadre de l’assurance voyage, les assurés sont en droit de réclamer le remboursement de leurs frais s’ils doivent annuler un voyage en raison de leur maladie ou de celle de leur famille proche. En cas de maladie à l’étranger, la couverture assurance permet de couvrir les frais d’hôtel et les frais médicaux jusqu’au jour où le preneur d’assurance est apte à voyager.

Toutefois, cette couverture a très peu de chance d’être déclenchée pour le COVID-19. La majorité des contrats actuellement sur le marché exclut l’annulation pour cause de pandémie.

En fait, tout dépend du contrat souscrit. Certains assureurs peuvent couvrir ce risque. Dans ce cas, il est peu probable que les sinistres qui en découlent entraineraient, à eux seuls, des problèmes de solvabilité aux grands assureurs.

La situation est différente pour les petits assureurs qui pourraient alors essuyer de lourdes pertes.

Risque de pandémie et assurance-crédit

Une pandémie de longue durée provoquerait de nombreuses faillites, déclenchant ainsi des paiements de la part des assureurs crédit. Ces derniers interviendraient alors pour indemniser les pertes de leurs assurés suite à une faillite de client, un défaut de paiement, une résiliation de contrat ou un non transfert de devises.

Risque de pandémie et assurance automobile

La baisse du trafic automobile du fait des restrictions de déplacement entraîne une baisse notoire de la fréquence des sinistres. L’amélioration de la sinistralité des assureurs pourrait inciter les assurés à réclamer des baisses de tarif automobile pour les prochains renouvellements.

Certains assurés allant jusqu’à réclamer une ristourne de prime pour la période de confinement.

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