La cartographie des risques, clé de voûte de l’activité d’assurance

Le marché de l’assurance a toujours fait preuve d’une bonne résilience aux événements majeurs : crises financières, catastrophes naturelles, instabilité politique, etc. La cartographie des risques figure parmi les outils de gestion de risques les plus utilisés par les entreprises et notamment celles d’assurance.
cartographie des risques

L’apparition de nouveaux risques, comme la cybercriminalité et leur prolifération à l’échelle planétaire risquent de remettre en cause la stabilité du secteur. Pour ne pas être prises de court, plusieurs compagnies d’assurance et institutions financières investissent de plus en plus dans les projets de recherche et technologies de pointe afin d’anticiper et de prévenir les scénarios catastrophes.

Cartographie des risques : définition

La cartographie des risques est une représentation graphique d’un certain nombre de risques. Elle permet de recenser les menaces et dangers encourus par les organisations et les présenter de façon synthétique sous une forme hiérarchisée.
Cette hiérarchisation s’appuie sur certains critères comme :

  • la probabilité de survenance,
  • l’impact potentiel,
  • le niveau de maîtrise des risques.

La cartographie est conçue pour illustrer la probabilité ou la fréquence de survenance des risques mais aussi pour mesurer leur impact sur les entreprises et l’environnement.

Objectifs de la cartographie des risques

Pour les sociétés d’assurance, l’intérêt de réaliser une cartographie des risques catastrophes naturelles, économiques et sociales, est de mieux cerner les menaces susceptibles d'impacter leur activité.

S’il est impossible d’empêcher la survenance des aléas, le recours à la prévention reste le meilleur moyen pour maîtriser les risques potentiels et limiter leur impact. Les assureurs doivent ainsi surveiller les changements économiques, climatiques, géopolitiques qui pointent à l’horizon, tout comme les comportements individuels engendrés par ces changements.

L’élaboration d’une cartographie des risques poursuit plusieurs objectifs :

  • analyser l’ensemble des risques (climatiques, sociaux, politiques,…) afin de mieux gérer leur impact financier et non financier comme l’atteinte à l’image de l’entreprise.
  • fournir aux décideurs une vision globale des vulnérabilités et opportunités des marchés.
  • assurer une meilleure tarification des risques.
  • proposer des plans d’actions pour éviter la survenance de ces risques et réduire leur impact.

Comment faire une cartographie des risques

L’élaboration d’une carte des risques exige une méthodologie minutieuse. Elle nécessite la collaboration de plusieurs experts et managers, choisis pour leurs connaissances spécifiques des risques et de la chaîne d’activités de l’entreprise. Leur travail permet la constitution d’une nomenclature des risques.

Concrètement, la cartographie permet d’identifier, quantifier et hiérarchiser les risques. Elle prend souvent la forme d’une grille bidimensionnelle ou d’une matrice de criticité(1). Sur un axe, on mentionne la fréquence ou la probabilité d’occurrence des événements. Sur l’autre axe, on reporte leur impact mesuré en degrés. Les risques qui tombent dans le quadrant à haute fréquence et fort impact sont les plus menaçants. Ils font l’objet d’une attention prioritaire par les chefs d’entreprises et décideurs économiques.

Les critères de gravité et de fréquence sont généralement complétés par un critère de sécurité mesurant le degré de maîtrise du risque.

Exemple d’une matrice de criticité

matrice de criticité (1) La criticité est la détermination de la probabilité d’occurrence d’un accident par la gravité de ses conséquences : criticité = probabilité × gravité. Source : The Global Risks Landscape 2016- World Economic Forum

Dans une cartographie des risques, chaque événement est rattaché à une catégorie: économique, environnementale, géopolitique, sociale, technologique,... L’objectif est de rendre l’analyse des données plus facile et rapide.
L’élaboration d’une cartographie comprend trois étapes décrites ci-dessous :

  • Une étape d’identification des risques qui consiste en une large collecte d’informations. Cette phase permet d’établir le « Model Risk » (liste de risques avec définitions et exemples).
  • Une étape de hiérarchisation qui permet de classifier les risques en fonction de leur fréquence ou probabilité de survenance, leur impact et leur niveau de maîtrise.
  • Une étape de synthèse qui détermine les risques les plus importants, c’est-à-dire ceux qui nécessitent une mise en place de plans d’actions appropriés.
cartographie des risques

Cartographie des risques, un exemple concret

Le Forum Economique Mondial publie chaque année, depuis 2007, une cartographie des risques globaux. Cette publication examine la probabilité de survenance des risques et leur impact sur un horizon de 10 ans. Pour l’année 2016, l’enquête, réalisée auprès de 750 spécialistes de divers secteurs d’activité à travers le monde, identifie 29 risques globaux regroupés en cinq catégories: économique, environnementale, géopolitique, sociale et technologique.

L’étude dresse un tableau sombre de la situation actuelle. Elle décrit un monde dans lequel les risques sont devenus imminents, avec un impact plus grand et conséquent. Le manque de visibilité politique, les tensions sociales, la crise des réfugiés, les attaques terroristes, le changement climatique, les risques technologiques sont autant de nouvelles menaces auxquelles fait actuellement face l’humanité.

La cartographie des risques et la perception des risques mondiaux

L’échec des mesures de mitigation des catastrophes naturelles figure parmi les risques les plus préoccupants en 2016 et ce aussi bien en termes de probabilité de survenance que d’impact. Cette perception est fondée sur les résultats de la COP 21(1).

Ainsi, les températures devraient augmenter bien au-dessus de la limite recommandée de 2°C, avec pour conséquences l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements météorologiques extrêmes (cyclones tropicaux, inondations, sécheresses, hausse du niveau des mers,...).

C’est la première fois, depuis le début de la publication de la revue en 2007, qu’un risque environnemental est placé en première position en termes d’impact. Une telle constatation est à prendre en considération par les assureurs.

Les mouvements migratoires incontrôlés figurent également parmi les risques les plus menaçants. Le risque de migration involontaire se situe dans le quadrant à haute probabilité de survenance et à fort impact.

La pénurie d’eau, la cybercriminalité, le chômage, l’instabilité sociale et les conflits interétatiques comptent également parmi les préoccupations majeures des décideurs économiques mondiaux.

Les armes de destruction massive sont considérées comme un risque peu susceptible de se produire, mais comme le deuxième plus important en termes d’impact.

(1) « COP 21 » : conférence sur le climat de Paris. Elle s’est tenue du 30 novembre au 12 décembre 2015 au Bourget (Ile de France). Il s’agit de la 21 e Conférence des Parties de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Evolution de la perception des risques

Top 5 des risques mondiaux en termes de probabilité de survenance: 2007-2016

cartographie des risques en termes de probabilité de survenance

Top 5 des risques mondiaux en termes d’impact: 2007-2016

cartographie des risques en termes d'impact

La perception des risques a fortement évolué durant ces dernières années. Les risques économiques, longtemps perçus comme les plus préoccupants (alimentés par la crise des subprimes de 2008, l’effondrement des prix, les crises budgétaires et les défaillances financières systémiques) ont laissé la place, ces deux dernières années, aux risques sociaux et environnementaux.

Le manque de visibilité politique, l’aggravation des disparités sociales, les flux migratoires incontrôlés et la recrudescence des événements climatiques extrêmes sont autant d’événements majeurs qui justifient cette nouvelle perception mondiale.

Cartographie des risques : répartition des risques par région en 2016

Perspective régionale des risques globaux les plus probables

cartographie des risques en termes d'impact

cartographie des risques en termes d'impact

* Y compris la Russie Source : The Global Risks Landscape 2016- World Economic Forum

Aucune région n’est à l’abri de la survenance de risques majeurs.

Risques environnementaux

Le développement industriel effréné et le réchauffement climatique ont engendré une diminution inquiétante des ressources naturelles dont notamment les réserves en eau douce. Cette réalité est particulièrement palpable dans les régions semi-arides du Moyen-Orient et de l’Asie du sud-est.

Autre conséquence du réchauffement climatique, la probabilité de survenance d’événements météorologiques extrêmes est particulièrement élevée en Amérique du Nord et en Asie pacifique.

Risques sociaux

L’Europe est la région la plus exposée au risque de migration involontaire.

Une récente étude (1) publiée par le cabinet de gestion « Control Risk » souligne que la principale menace pour l’Europe aujourd’hui n’est plus l’effondrement de la zone euro mais plutôt « la crise des migrants combinée au terrorisme ». Le phénomène de l’afflux de migrants en Europe constitue « la plus grande menace qu’ait dû affronter l’Union Européenne depuis longtemps », précise le rapport.

Le même document mentionne que le risque « terrorisme » devrait rester élevé en Europe, mais aussi en Egypte et en Turquie.

Les flux de réfugiés ont atteint un niveau sans précédent. En 2014, 59,5 millions de personnes dans le monde, poussées par la pauvreté, les violences et les guerres, ont été obligées de migrer. Plus de la moitié des réfugiés provenait des pays les plus sinistrés : Syrie, Irak, Afghanistan et Somalie. Ce chiffre ne dépassait pas les 40 millions durant la seconde guerre mondiale. En 2014, le nombre de personnes qui quittent leur pays d’origine s’élevait à 42 500 par jour. Cette tendance devrait appauvrir les zones frontalières qui accueillent généralement le nombre le plus élevé de réfugiés. Dans les économies émergentes, les contraintes de ressources peuvent être importantes ; l’ONU estime le coût du logement des réfugiés syriens en Jordanie à plus de 7% du PIB jordanien.

Compte tenu de l’extension des troubles en Afrique, Asie et Moyen Orient, les demandeurs d’asile se dirigent de plus en plus vers les régions stables, notamment l’Europe.

Risques géopolitiques

La carte des risques montre que l’Afrique et l’Amérique du Sud sont les zones les plus vulnérables aux crises géopolitiques et notamment au risque « échec de la gouvernance nationale ». Les révolutions sociales et politiques déclenchées dans la région MENA (2) à l’instar des printemps arabes, les coups d’Etats répétés en Afrique subsaharienne et l’instabilité politique en Amérique Latine justifient cette perception.

Risques technologiques

Les cybers-risques qui ont sensiblement augmenté au cours des trois dernières années préoccupent de plus en plus les assureurs. Ce fléau figure désormais parmi les risques les plus probables. De plus, l’impact économique d’un tel événement pourrait être considérable. Cette menace est essentiellement ressentie en Amérique du Nord.

Contrairement aux risques géopolitiques et climatiques pouvant se produire dans les pays en voie de développement, les risques technologiques, généralement concentrés dans les pays développés, représentent une opportunité de chiffre d’affaires pour les sociétés d’assurance qui n’ont pas tardé à mettre sur le marché des polices cyber-risques.

Selon une étude réalisée par « Data Breach Investigation », le marché des cyber-risques devrait réaliser, en 2020, un chiffre d’affaires de 7,5 milliards USD. Pour Allianz, les cyber-risques pourraient générer un volume de primes de 20 milliards USD en 2025.

(1) http://www.lesechos.fr/14/12/2015/lesechos.fr/021558499678_carte-mondiale-des-risques---l-europe-sous-une-menace-inedite.htm
(2) Moyen Orient et Afrique du Nord

Interconnexion des risques

Outre l’imminence de leur survenance et leur expansion à l’échelle internationale, les risques mentionnés dans l’étude du Forum Economique Mondial se caractérisent également par une forte interconnexion entre eux. Ainsi, les événements liés aux changements climatiques devraient entraîner, dans les années à venir, un effondrement des écosystèmes avec une pénurie de matières premières et une perte de la biodiversité. Ces problèmes engendreront des crises alimentaires et favoriseront la propagation de maladies infectieuses.

Les mouvements migratoires sont, entre autres, encouragés par le dérèglement climatique et la pénurie d’eau. Ces mêmes mouvements migratoires peuvent provoquer des tensions interétatiques et des problèmes économiques et sociaux comme le commerce illicite et le chômage.

L’absence de politique d’intégration efficace des réfugiés dans la plupart des pays accueillants peut conduire à la formation de communautés isolées, marginalisées et vulnérables à la radicalisation, d’où l’apparition d’un risque connexe : le terrorisme.

Perception des risques à court et long termes

Les cinq principaux risques mondiaux dans le court terme

cartographie des risques dans le court terme

Les cinq principaux risques mondiaux dans le long terme

cartographie des risques dans le long terme

Cartographie des risques : les cinq principaux risques mondiaux

La migration involontaire à grande échelle, l’effondrement des Etats, les conflits interétatiques, le chômage et l’échec de la gouvernance nationale constituent les préoccupations les plus urgentes pour les chefs d’entreprises et décideurs interrogés par l’enquête du Forum Economique Mondial. Cette observation révèle que les événements récents à l’instar de la crise des réfugiés, l’effondrement des systèmes politiques au Moyen-Orient, les crises politiques entre plusieurs pays (Russie, Europe, Turquie), influencent considérablement la réflexion et la perception des personnes sondées.

Les préoccupations à plus long terme (sur les dix prochaines années) concernent notamment les risques sous-jacents comme la pénurie d’eau. La production agricole et les exploitations industrielles devraient augmenter au cours des prochaines décennies pour nourrir une population mondiale croissante. La demande d’eau douce devrait ainsi dépasser l’offre de 40% en 2030. La demande en eau à usage industriel et énergétique devrait par ailleurs augmenter de 70%. Actuellement, l’Europe consacre près de 30% de son eau douce au secteur de l’énergie ; ce taux s’élève à 40% aux Etats-Unis.

Entre 80% et 90% des réserves des bassins fluviaux des régions arides et semi-arides ont été consommées. La rareté des eaux combinée à un mauvais assainissement devrait exposer 2,4 milliards de personnes à des pandémies que l’on croyait révolues (choléra, tuberculose,...).

Conséquence directe du changement climatique et de la mauvaise gestion de l’eau, la crise hydrique représentera, dans les années à venir, un défi majeur pour le développement économique et particulièrement pour le secteur de l’assurance agricole.

L’échec des mesures de mitigation des catastrophes naturelles, les événements météorologiques extrêmes, la crise alimentaire et l’instabilité sociale figurent également parmi les risques à long terme.

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