La réassurance: un marché hésitant

Donnés pour morts après le cataclysme du 11 septembre 2001, les réassureurs ont, en un laps de temps très court, renoué avec les bénéfices et affiché des résultats 2004 excellents. Tout juste convalescent, le marché a dû subir, avec la série noire des cyclones de l'année 2005, le deuxième coup dur de son histoire récente, ce qui aurait dû sonner le glas pour la profession. Or, à l'exception de quelques compagnies qui ont beaucoup souffert de Katrina, Wilma et consorts, les réassureurs sont toujours là.

Les réassureurs font de la résistance

Crédit photo: Federal Emergency Management Agency / Jocelyn Augustino

Les milliards engloutis par les catastrophes de 2005 ont été vite reconstitués et la profession continue d'attirer les investisseurs. Cette capacité de résistance aux chocs fournit la preuve que les réassureurs savent gérer les crises. En fait, ils doivent leur survie à leur grande réactivité. Aux grands maux, les grands remèdes.

On pénètre vite un marché, on s'en retire tout aussi rapidement. Les tarifs sont soumis au même rythme, hausses et baisses brutales se succèdent. Ce mouvement de yoyo ne doit, cependant, pas masquer la mutation profonde subie par la profession. En réalité, les réassureurs ne sont plus vraiment les seuls maîtres du jeu. Leur marge de manœuvre étant réduite, ils sont désormais contraints de composer avec les grands groupes d'assurance directe, financièrement plus puissants et auxquels ils ne peuvent plus imposer leurs conditions.

De surcroît, ils doivent compter avec les nouvelles formes de réassurance, comme la titrisation qui peut leur faire perdre d'importants volumes de primes (cession de risques sur le marché financier). Imposer des conditions tarifaires dures entraînerait inévitablement une augmentation des rétentions des cédantes, ce qui réduirait d'autant leurs acceptations.

Dans une position déjà inconfortable, les réassureurs subissent aussi la pression des actionnaires qui privilégient la rentabilité ainsi que la menace des agences de notation, prêtes à sanctionner toute dérive. En somme, les réassureurs sont traversés par le doute. L'augmentation tant annoncée des taux pour 2006 se limitera, in fine, à quelques types de risques et de marchés. Tout le reste est négociable.

Les 10 premiers réassureurs mondiaux en 2004 en milliards USD

CompagniePrimes nettes
de réassurance
Taux de croissance 2003/04
Munich Re Groupe
28,887,96%
Swiss Re Groupe
25,7810,98%
Berkshire Hathaway Re Groupe
10,58-4,29%
GE Insurance Solutions
10,1311,56%
Hannover Re Groupe
8,17-15,12%
Lloyd's
7,6514,18%
Allianz
5,571,46%
SCOR Re Groupe
4,5322,76%
XL RE
4,1528,09%
Converium Groupe
3,827,91%

Source: Standard & Poor's

Les Bermudiens: de nouveaux acteurs

Used with permission from Microsoft

Apparus il y a seulement une vingtaine d'années, les Bermudiens sont désormais des acteurs incontournables du marché de la réassurance. Concentrés, à l'origine, sur les catastrophes naturelles et les risques de responsabilité civile, leurs niches de prédilection, ils ont peu à peu étendu et diversifié leur champ d'action géographique et technique pour devenir généralistes.

Dotés d'importants fonds propres, certains sont partis à la conquête du monde par le biais de rachats de compagnies traditionnelles et de portefeuilles. Leur première cible a été les Lloyd's avec le rachat de plusieurs syndicats. Les Bermudiens contrôlent actuellement environ 25% de la capacité des Lloyd's. En Europe continentale, les principales opérations de rachat ont été réalisées par XL Capital qui a acquis Le Mans Re, Partner Re qui a repris SAFR et Winterthur, et Alea qui a mis la main sur Rhine Re.

Les principaux réassureurs Bermudiens en 2004

 

 Notation S & PNotation A.M BEST
ACE Ltd.
A+A+
XL Capital
AA-A+
Everest
AA-A+
White Mountains
A-A
Partner RE
AA-A+
Arch *
-A
Axis *
AA
Endurance*
A-A
Platinum
-Au
Renaissance
AA-A+u
AWAC*
--
Aspen
AA
Alea
A-A-
Montpelier *
A-A
Max RE
-A-

* Bermudiens nouvelle génération établis après le 11/09/2001 Source Guy Carpenter: Market Information Update (May 2005)

La réassurance facultative: un marché en développement

Les restrictions imposées par les réassureurs sur les traités: réduction de capacités, exclusions…, obligent les assureurs à placer de plus en plus de risques sur le marché facultatif. Cette politique donne aux réassureurs les moyens de mieux contrôler leurs engagements et leurs cumuls sur les grands risques, en particulier les risques énergie qui déséquilibraient les traités.

Retirés un par un des marchés locaux, ces risques deviennent plus attractifs pour les grands réassureurs qui les cotent selon les standards mondiaux. Le poids grandissant des courtiers amplifie ce mouvement de recours au placement facultatif proportionnel ou non-proportionnel. Certains réassureurs se sont spécialisés dans le créneau des risques facultatifs en excédent de sinistres. Ce type de placement est appelé à se développer dans le futur.

Enfin, les risques incluant la garantie terrorisme trouvent de moins en moins de preneurs. Seuls le marché de Londres et quelques réassureurs bermudiens continuent d'accepter, sous certaines réserves, ce type de couverture.

La faillite des réassureurs, un phénomène rare

Les faillites de réassureurs sont rarissimes. Les quelques cas connus ne concernent que des réassureurs de second plan. Les erreurs de souscription et de rétrocession sont les principales causes de ces faillites. Les difficultés d'un réassureur ne sont pas synonymes de faillite. Quand il est en difficulté, un réassureur est généralement racheté par un autre qui continue à honorer les engagements de son prédécesseur.

Depuis le 11 septembre 2001, le système de notation par des agences spécialisées s'est généralisé. Un réassureur qui a une notation insuffisante ou n'a pas de notation du tout, n'a aucune chance de participer à certains risques ou de pénétrer certains marchés.

Les récentes difficultés du marché ont poussé les agences de notation à revoir leurs cotations à la baisse. Malgré le recul des notations, on considère que la solvabilité des principaux réassureurs est très élevée et que la probabilité de défaillance à court terme de l'ensemble des réassureurs ayant une notation comprise entre AAA et BBB est de 0,014% (Source : Sigma N° 05/2003).

Evolution des notations des 10 premiers réassureurs mondiaux depuis le 11 Septembre 2001

 

 Standard & Poor'sA M BEST
 09/11/200112/02/200309/11/200416/05/200509/11/200111/06/200309/11/2004
Munich RE Group
AAAA+A+A+A++A+A+
Swiss RE Group
AAAAAAAAAA++A+A+
GE Insurance Solutions
AAAA+A+ndA++AA
Berkshire Hathaway RE Group
AAAAAAAAAndA++A++A++
Hannover RE Group
AA+AA-AA-AA-A+AA
LLOYD'S
A+AAndAA-A
Allianz RE Group
AA+AA-AA-ndAA+A+A+
SCOR RE Groupe(*)
AA-BBB+BBB+BBB+A+B++gB++g
Converium Holdings
A+ABBBBBB+AAB++g
XL RE Group
AAAAAA-AA-A+A+A+

* La notation de SCOR Re a été portée à A- (Strong) par S & P le 26/08/2005 Source: Guy Carpenter

Les courtiers, le retour en grâce

Longtemps rejetés par les assureurs, mal aimés par les réassureurs, les courtiers sont devenus de plus en plus courtisés par les uns et les autres.

Dans un marché qui se durcit, le rôle du courtier est revalorisé. La relation directe assureur-réassureur, potentiellement conflictuelle, est devenue de plus en plus difficile à gérer et les courtiers apparaissent comme d'excellents conciliateurs.

De simples intermédiaires, les courtiers sont donc devenus des partenaires indispensables. Pour les uns (les réassureurs), ils permettent de construire rapidement le portefeuille de leur choix, pour les autres (les assureurs), ils apportent leur savoir-faire en matière d'ingénierie de risques et leur pouvoir de négociation.

L'approche 'multi-channel' des réassureurs

Pendant longtemps, les grands réassureurs , ont privilégié la relation directe avec les assureurs. Aujourd'hui, ce type de relation est révolu, que ce soit le tout nouveau numéro un mondial de la réassurance ou son éternel rival Munich Re, tous les réassureurs encouragent le recours aux courtiers.

C'est l'approche ‘multi-channel' qui est privilégiée. Les réassureurs n'hésitent plus à accepter les affaires en direct et par courtiers, en privilégiant même, parfois ces derniers.

Les 10 premiers courtiers mondiaux en réassurance en 2004

en USD

CompagnieChiffre d'affairesPays
Aon Re Global
 940 000 000Etats Unis
Guy Carpenter & Co. Inc.
 868 000 000Etats Unis
Benfield Group Ltd.
 558 331 800Grande Bretagne
Willis Re
 550 000 000Grande Bretagne
Towers Perrin
 146 000 000Grande Bretagne
Jardine Lloyd Thompson Group P.L.C.
145 173 600Grande Bretagne
Cooper Gay (Holdings) Ltd.
 87 550 000 (*)Grande Bretagne
Gallagher Re (**)
78 000 000Grande Bretagne
BMS Group
72 951 798Grande Bretagne
Heath Lambert Group
59 931 675Grande Bretagne

Source: Business Insurance, Octobre 24, 2005

* Au 30 Septembre.

** Constitué en 2004, regroupe Arthur J. Gallagher Intermediaries (Bermuda) Ltd., Arthur J. Gallagher Intermediaries, Arthur J. Gallagher (UK) Ltd. et John P. Woods Co. Inc.

L'Afrique, un marché à deux vitesses

En Afrique, la réassurance des vingt dernières années a été marquée par trois événements majeurs:

  • la fin de l'apartheid en Afrique du Sud
  • la crise économique
  • l'émergence des réassureurs locaux

Le retour de l'Afrique du Sud dans le marché

Johannesburg © Evan Bench, CC BY 2.0

Ce retour constitue le fait majeur des vingt dernières années. L'Afrique du Sud est, en 2004, le 16eme marché mondial de l'assurance. Par rapport à l'Asie, il devance l'Inde (19eme) et seuls le Japon et la Corée du Sud font mieux. Par rapport à l'Europe, l'Afrique du Sud a un volume de primes supérieur à la Russie (23eme), à l'Autriche et à la Suède. En 2004, l'Afrique du Sud est également le 1er pays au monde en termes de taux de pénétration de l'assurance (prime en % du PIB).

Avec l'arrivée de Nelson Mandela au pouvoir, les grands réassureurs internationaux ont transféré leurs portefeuilles africains à leurs filiales de Johannesburg. Munich Re, Hannover Re, Suisse Re y ont des sociétés très actives. Seul le Maghreb continue à être géré à partir de l'Europe.

La crise économique

La crise économique que traverse l'Afrique a marginalisé le continent qui a été progressivement délaissé. Seuls quelques réassureurs comme la SCOR continuent à y développer une activité soutenue à partir de l'Europe.

En fait, deux marchés de la réassurance coexistent en Afrique. D'un côté, les pays compris entre le sud du Sahara et l'Afrique du Sud, qui n'attirent plus grand monde et de l'autre, le Maghreb et l'Afrique du Sud qui continuent à présenter un intérêt pour les grands réassureurs internationaux.

L'émergence des réassureurs régionaux

Le recul des réassureurs traditionnels a laissé la voie libre aux réassureurs régionaux qui ont efficacement occupé le terrain. Africa Re a méthodiquement développé ses parts de marché, devenant ainsi un acteur majeur sur le continent. Dans le sillage d'Africa Re se sont glissés d'autres réassureurs comme CICA Re, Best Re, ZEP-Re,…

Le Moyen-Orient: ARIG en pôle position

Au Moyen-Orient, le reflux des réassureurs traditionnels est moins marqué qu'en Afrique. Dès sa création en 1980, ARIG ambitionnait la position de leader de la région. Le réassureur arabe basé à Bahreïn est actuellement un des acteurs majeurs du Moyen Orient. Munich Re, Suisse Re, GE Insurance Solutions, Allianz, sont les principaux concurrents de ARIG dans cette zone. Également présents sur le marché, Arab Re, Best Re, Trust, Koweït Re.

Les nouveaux marchés du Moyen Orient

  • L'assurance islamique (TAKAFUL) représente une niche importante dans laquelle bon nombre de compagnies investissent. ARIG vient de lancer sa propre compagnie de réassurance spécialisée sur ce segment : TAKAFUL RE, qui débutera ses opérations de souscription le 1 janvier 2006.
  • L'Arabie Saoudite: Grâce à la nouvelle loi sur les assurances, l'Arabie Saoudite présente le plus grand potentiel assurable de la région.
  • Dubai se positionne comme le futur centre des services du Moyen-Orient.
Les principaux réassureurs africains et arabes

en USD

RéassureursPaysChiffre d'affaires 2004
Munich Re Afrique du Sud
Afrique du Sud370 442 772
Swiss Re Afrique du Sud
Afrique du Sud311 797 000
Africa Re
Nigeria299 067 000
SCR
Maroc 228 127 000
ARIG
Bahreïn131 800 000
Best Re
Tunisie84 735 600
CCR
Algérie74 130 494
Egypt Re
Egypte67 609 230
Trust International
Bahreïn66 500 000
Hannover Re Afrique du Sud
Afrique du Sud58 347 986
Tunis Re
Tunisie37 000 000 
Arab Re
Liban29 600 000
CICA Re
Togo28 822 248
Kenya Re
Kenya28 289 699
ZEP RE
Kenya24 300 000
Koweït Re
Koweït23 700 000
Ghana Re
Ghana20 102 150
Arab Union Reinsurance
Syrie17 717 520
Sen Re
Sénégal11 676 063
MED Re*
Grande Bretagne11 511 000
Universe Re
Nigeria7 000 002
Zim Re
Zimbabwe2 680 422

* MED Re est considérée comme une société arabe installée à Londres.

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