La titrisation en assurance, avantages et perspectives

La titrisation, phénomène connu dans le secteur bancaire depuis les années 1970, s'est étendue à l'assurance depuis environ 20 ans. Elle est, depuis en constante expansion. Plus ancienne en assurance non vie, elle est plus récente dans la branche vie.

titrisationLa titrisation en assurance est une technique financière qui consiste à transférer des risques d'assurance à des investisseurs opérant sur les marchés financiers internationaux. Ce transfert est effectué en regroupant puis en transformant ces risques en titres financiers négociables sur les marchés des capitaux.

Le principe général de la titrisation en assurance inclut donc deux éléments:

  • la transformation des liquidités générées par les souscriptions en titres financiers négociables sur les places financières.
  • le transfert des risques souscrits vers les marchés financiers par le biais d'échanges de titres

Le premier élément relève de l'engineering financière, construction banale dans le monde bancaire.

Le second aspect consiste à dévier le placement des risques souscrits par l'assureur du marché traditionnel de la réassurance étroit, où peu d'acteurs opèrent, vers les principales places financières mondiales où des millions d'intervenants opèrent chaque jour.

Ceci est possible grâce à l'achat et à la vente de produits financiers dont les cash flows (paiements des intérêts et du principal) sont liés à la couverture d'assurance à laquelle ils sont rattachés. La réalisation ou non de l'élément assuré va influer sur les résultats des titres sous-jacents.

Schéma d'une structure type de titrisation en assurance

titrisation assuranceUne structure ad hoc appelée Fonds de Titrisation est créée par la cédante. La création de cette structure protège les investisseurs d'une faillite du réassuré. Un contrat financier est conclu entre le Fonds de Titrisation et l'émetteur (la cédante).

Contre le paiement d'une prime1, le réassuré est alors protégé contre la réalisation d'un événement prédéfini. On parle d'un paiement conditionné à la réalisation d'un événement2.

Le Fonds de Titrisation couvre le contrat financier conclu avec l'émetteur par l'émission de titres sur les marchés financiers3. Les investisseurs ont alors la possibilité d'acheter ces titres4.

Image provided to Microsoft by Fotolia. Used with permission from MicrosoftGrâce aux liquidités ainsi obtenues, le Fonds investit sur les marchés financiers5 et reçoit le produit de ses investissements6.

Dans une dernière étape, une opération de collaterisation va permettre grâce à des produits dérivés (achat d'un contrat d'échange appelé swaps) d'échanger le produit de ces investissements7 contre le paiement d'un intérêt8 dont le taux est calculé à partir du taux interbancaire (le Libor) auquel s'ajoute la prime de risque.

Dans le cas où l'événement déclencheur se réalise (il existe plusieurs types de déclencheurs : sinistres, indices paramétriques, indices sectoriels etc.…), le fonds indemnise la cédante et les investisseurs subissent alors des dépréciations sur leurs investissements placés dans les titres émis par le Fonds. S'il n'y pas de sinistre, les investisseurs recevront les intérêts sur le principal ainsi que les paiements au titre du coupon.

Les avantages de la titrisation en assurance

Les avantages de la titrisation sont nombreux aussi bien dans l'assurance vie que dans l'assurance non vie.

La titrisation dans l'assurance vie

Used with permission from MicrosoftDans la branche vie, la titrisation est principalement un outil de gestion des fonds propres. En effet, en transférant une partie de leurs risques à des investisseurs, les assureurs vie améliorent la rentabilité de leurs fonds propres.

La titrisation renforce l'efficacité du capital car les besoins en fonds propres deviennent moins importants. Les obligations sont un des outils de titrisation qui permettent la monétisation* d'actifs incorporels tels que les frais d'acquisition reportés et la valeur actualisée des bénéfices, ce qui constitue une source de financement. L'augmentation de la trésorerie qui en découle pourra ainsi:

  • soit renforcer la capacité à souscrire de nouvelles polices
  • soit de se conformer au minimum en capital
  • soit de financer une quelconque opération de la société.

De plus la titrisation permet aux compagnies d'assurance vie de transférer les risques de nature catastrophique (mortalité extrême due à une pandémie par exemple) vers les marchés financiers : c'est notamment le cas des obligations vie. Enfin, certaines opérations de titrisation dégagent des avantages fiscaux pour l'assureur.

* Fait de rendre plus liquide

La titrisation dans l'assurance non vie

En assurance non vie, le marché étant volatile, les assureurs possèdent un vaste arsenal d'outils permettant d'opérer un transfert de risque en plus de ceux permettant la gestion des fonds propres.

Parmi ces outils on peut noter : les obligations catastrophes naturelles, les swaps catastrophes naturelles, les garanties selon pertes du secteur, le capital conditionnel, les side cars ou encore les options cotées en bourse.

Les mécanismes de transfert des risques vers les marchés financiers

  • Les obligations catastrophes naturelles (CAT) : Elles dédommagent l'émetteur des pertes occasionnées si survient le sinistre préalablement défini
  • Used with permission from MicrosoftLes swaps catastrophes naturelles (CAT) : Grâce à cet instrument, des rendements variables de titres dépendants de la survenance de sinistres seront échangés contre des paiements fixes dont les montants et l'échéance ont été prédéterminés
  • Les garanties selon pertes du secteur. Comme un contrat de réassurance classique cet outil se distingue néanmoins par sa caractéristique de déclenchement liée à un niveau de sinistre sectoriel

Les outils spécifiques à la gestion des fonds propres

  • Le capital conditionnel. Il permet à l'émetteur de vendre des titres à un prix prédéterminé pendant une période donnée. Il met donc à la disposition de l'acheteur un capital additionnel en cas de survenance de l'élément assuré
  • Les side cars. Ce mécanisme offre une capacité additionnelle pour une période limitée dans le temps. Il permet de faire face au manque de capacité temporaire. L'excédent de capacité est rendu en période soft. Cet instrument peut également être utilisé comme un outil de gestion de fonds propres à fort rendement
  • Les options cotées en bourse. Elles ne sont plus utilisées de nos jours. Ces contrats sous forme standard dégagent le paiement de liquidités lorsqu'un indice de sinistres CAT franchit un certain seuil appelé prix d'exercice de l'option

Les perspectives de la titrisation dans l'assurance

A l'heure actuelle, la majorité des opérations de titrisation est concentrée autour des couvertures catastrophes naturelles (cat bonds) aux USA et au Japon. Néanmoins, tous les risques sont en théorie titrisables (hors risques opérationnels).

Les perspectives et potentiels de la titrisation sont très encourageants. En plus des principaux marchés américains et japonais, l'Europe s'y initie lentement, notamment avec l'apparition de Solvabilité 2. En assurance vie à ce jour, le marché global de titrisation de la valeur intrinsèque est inférieur à 10 milliards USD pour un potentiel estimé à 500 milliards USD.

Les obligations non vie relatives aux catastrophes naturelles connaîtront un bel essor. Selon un nombre importants d'analystes, elles passeront de 8 milliards USD fin 2006 (6% des montants générés par la réassurance traditionnelle) à 230 milliards dans moins de 10 ans. (19% des montants générés par la réassurance traditionnelle). Dans un futur proche, la titrisation dans la branche non vie pourrait également s'étendre à l'automobile dont les volumes considérables attirent toutes les attentions.

Banque al-Maghrib à Rabat © Davide Cesare Veniani , CC BY-SA 3.0

Certains marchés émergents à la pointe de l'ingénierie financière ont déjà intégré cette technique et l'adoptent, aujourd'hui, aisément. D'autres, comme le Maroc et la Tunisie, s'y essaient timidement. Dans ces deux pays, le cadre réglementaire strict limite, pour le moment, l'utilisation de ces techniques. On y note seulement deux opérations au Maroc au cours des dix dernières années et trois en Tunisie.

Aujourd'hui, ces techniques complexes ne sont accessibles qu'aux grands groupes d'assurance. Elles se démocratiseront petit à petit et imposeront de nouvelles règles aux marchés. Elles pourraient ainsi contribuer au lissage des cycles du marché de l'assurance. Elles n'ont pas la vocation de se substituer à la réassurance traditionnelle, mais complèteront celle-ci en apportant des solutions alternatives dans le domaine de la couverture des risques extrêmes à faible fréquence, voire peut être aussi aux petits risques à forte fréquence.

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