L'assurance énergie

Prix élevés, sinistres catastrophiques, pollution atmosphérique et marine, le pétrole est un véritable problème de société. A la fois créateur et destructeur de richesses, il est devenu un enjeu stratégique au centre de nombreux conflits.

L’assurance énergie et l'industrie pétrolière

Des installations vieillissantes

Assurance energieL'industrie pétrolière se caractérise par des installations vieillissantes. La plupart des raffineries en activité datent des années soixante. Aux Etats-Unis, la raffinerie la plus récente a été construite en 1976. Cette situation explique que le nombre de raffineries dans ce pays ait chuté de 300 à 149 entre 1980 et 2003. La situation est identique sinon pire en Europe et en Russie.

Une utilisation intensive

Pour faire face à la demande, les installations fonctionnent à plein régime. Les périodes d'arrêt pour révision ont été espacées. Alors que par le passé, des contrôles approfondis étaient programmés tous les 3 ou 4 ans, aujourd'hui ceux-ci ont été portés à 5 et 6 ans. De plus, de nombreux contrôles ont été simplifiés et transformés en simples visites de routine.

Obsolescence des équipements

De nombreuses raffineries et installations pétrolières sont devenues obsolètes. La technologie employée est dépassée.

Vieillissement, obsolescence, utilisation intensive expliquent souvent la fréquence et l'intensité des sinistres survenus au cours des dernières années sur des équipements qui ont largement dépassé leur durée de vie normale.

Les intervenants dans l'industrie pétrolière

Du fait de la mondialisation, le nombre d'intervenants ne fait que diminuer.

Les compagnies pétrolières

Très puissantes, elles règnent sur un marché énorme caractérisé par le gigantisme. SHELL, CHEVRON, TEXACO, MOBIL, TOTAL, ELF, ARAMCO, AGIP, CONOCO PHILIPS et quelques autres imposent leur loi.

Les assureurs, réassureurs et courtiers

Seules quelques compagnies d'assurance ont les compétences techniques et les ressources financières pour assurer des risques aussi importants. Les assureurs et réassureurs les plus actifs sur ce créneau sont MUNICH Re, SWISS Re, AXA, SCOR, les Syndicats des Lloyd's, Allianz, AIG, Oil Insurance Ltd.

Certains cabinets de courtage comme MARSH, Willis, AON ont développé un véritable savoir - faire dans les risques énergie. Ils sont les principaux pourvoyeurs de primes des assureurs et réassureurs.

Assurance énergie : Oil Insurance Limited, la mutuelle des risques pétroliers

assurance énergie Endicott Island © Edibobb, CC BY 3.0

Basée aux Bermudes, Oil Insurance Ltd. a été fondée en 1971 par 16 sociétés pétrolières. C'est une mutuelle chargée de servir les besoins de l'industrie énergétique. Créée à l'origine pour couvrir les responsabilités des risques liés à l'environnement, sa mission s'est ensuite étendue à l'ensemble du secteur. Le nombre de ses membres a ainsi atteint 81 en 2004.

La compagnie a souscrit en 2004, un volume de primes de 443 millions USD. A partir du 1er juin 2006, les membres du groupe ont réduit leur engagement par événement de 1 milliard à 500 millions USD. Cette décision signifie que Oil renonce à couvrir un nombre important d'expositions. De plus, suite aux pertes catastrophiques de 2005, Oil a procédé à un rappel de cotisations auprès de ses adhérents.

Les captives

Toutes les grandes compagnies pétrolières « les majors » disposent de leur propre société d'assurance captive. Elles y recueillent les primes de toutes leurs filiales dans le monde.

Ces captives d'assurance font également appel à des courtiers et se réassurent souvent en excédent de sinistres afin de garder le maximum de primes et se prémunir contre les catastrophes.

Le marché de l'assurance énergie

Le marché de l'assurance énergie (pétrole, gaz et pétrochimie) se répartit entre les risques upstream, downstream et responsabilités.

  • Les risques upstream se rapportent aux activités d'exploration et de production.
  • Les risques downstream se rapportent au raffinage, au transport et à la commercialisation.

Les risques upstream, downstream peuvent concerner aussi bien l'off-shore que l'on-shore.

Les capacités des assureurs

Le problème fondamental du marché énergie est celui des capacités financières à long terme. C'est un marché qui laisse peu de place aux spéculateurs. La politique de « Stop and Go » chère à certaines compagnies est difficilement applicable dans le marché des risques énergie.

Les perspectives pour 2006 sont celles d'un marché direct très tendu en raison d'un coût plus élevé de la réassurance, surtout pour l'off-shore et les risques situés dans les zones cycloniques du Golfe du Mexique.

Réassureurs
Capacité maximale
financière (en millions USD)
ACE
150
AIG
125
SCOR
100
ALLIANZ Londres
100
AXIS
100
SWISS Re
75
Zurich Re
75
Liberty
75
PARTNER Re
20

Pour souscrire sur le marché énergie, un assureur doit également disposer de capacités techniques dont de véritables spécialistes capables d'accompagner les risques dans la durée. L'investissement humain sur le long terme étant important, peu d'assureurs peuvent se permettre de se positionner sur ce créneau. Le marché reste donc entre les mains d'un club restreint d'assureurs et de réassureurs puissants et bien organisés.

La sinistralité

Deepwater HorizonCes dernières années, le secteur de l'énergie s'est caractérisé par une sinistralité destructrice, tant sur le plan économique que sur celui de l'image des compagnies pétrolières. Pollutions, marées noires, catastrophes naturelles, cyclones, incendies de sites de stockage. Même si les résultats 2005 ne sont pas définitivement connus car les dossiers pertes d'exploitation des sinistres Katrina et Rita ne sont pas encore clôturés, l'année écoulée aura battu tous les records de pertes.

Un pétrole cher entraîne des sinistres chers puisque le coût des sinistres est directement affecté par l'envolée des prix de l'énergie qui renchérit les coûts de construction et augmente fortement les dommages pertes d'exploitation.

Les sinistres récents

  • Skikda 01/2004 :
    Algérie - L'explosion suivie d'un incendie sur le site GNL 1/K a causé la destruction des 3 unités de liquéfaction et endommagé les bâtiments, propriétés des tiers environnants. Ce sinistre d'un montant de 447 millions USD est considéré comme étant le plus important du marché mondial de l'énergie on-shore et off-shore de l'année 2004
  • Athabasca 01/2005 :
    Alberta-Canada - Une explosion sur le champ pétrolier de la compagnie SUNCOR a généré une perte supérieure à 1,3 milliard USD pour le marché de l'assurance
  • Katrina 08/2005 :
    Crédit photo: Federal Emergency Management Agency Golfe du Mexique - Le cyclone Katrina a provoqué la destruction des plateformes pétrolières off-shore et on-shore. Montant des dégâts: 114 milliards EUR (147,35 milliards USD) dont 38 milliards EUR (49,1 milliards USD) assurés
  • Buncefield 12/2005:
    Royaume-Uni — L'explosion suivie d'un gigantesque incendie d'un dépôt de carburants a provoqué des dommages assurés hors RC estimés entre 40 et 80 millions Euros (50,35 et 100,70 millions USD)

La prévention

En raison de sa complexité et de l'évolution technologique, la prévention du secteur de l'énergie nécessite un niveau élevé d'expertise et donc une parfaite maîtrise des risques par les ingénieurs.

La prévention est devenue un élément fondamental des programmes d'assurance. Les statistiques et la connaissance du passé ne suffisent plus pour appréhender ce risque d'où la nécessité pour les assureurs de mettre en place de nouveaux instruments de prévention, de gestion du risque et d'approche des coûts.

De nombreux outils tels que les logiciels de simulation de sinistres extrêmement puissants permettent aux assureurs d'affiner leur évaluation des risques potentiels ou réels.

Assurance énergie : les tendances actuelles du marché

Les pertes de 2005 et le durcissement des règlementations anti-pollution pèsent sur le marché qui se segmente en deux: les risques situés dans le Golfe du Mexique et les risques en dehors du Golfe du Mexique.

Les risques situés dans le Golfe du Mexique

  • Accroissement important des taux pour les risques qui ne sont plus conformes aux clauses de l'American Petroleum Institute. Les compagnies pétrolières ont jusqu'au 1er novembre 2006 pour se conformer à ces clauses.
  • Accroissement des franchises minimum de 5% pour les risques cyclones.
  • Développement d'un marché séparé pour les risques cyclones avec des taux de primes très élevés.
  • Difficulté de placer la garantie perte d'exploitation sur le marché. De nombreux assureurs ont cessé de souscrire ce type de couverture. Les franchises pertes d'exploitation ont atteint 90 jours au lieu de 45 jours.
  • Très grande difficulté à placer les programmes de responsabilités.

Les risques situés en dehors du Golfe du Mexique

Les risques sont étudiés au cas par cas avec un accroissement moyen des taux de l'ordre de 10% à 15%.

Assurance énergie : le Moyen-Orient, un marché stable

Le risque énergie au Moyen-Orient est essentiellement l'affaire du marché londonien et européen. Dominé par l'on-shore et peu exposé aux catastrophes naturelles, le marché a pu maintenir des taux relativement modérés au cours des dernières années.

Les investissements programmés sont importants notamment à Qatar, en Arabie Saoudite, aux Emirats Arabes Unis et au Koweït. Ces perspectives favorables pourraient inciter certaines grandes compagnies pétrolières à retenir plus de risques et à constituer des réserves en prévision d'un durcissement éventuel des conditions d'assurance.

Bien que n'étant pas une donnée spécifique à la région, le risque terrorisme et sabotage demeure important. Entre 2000 et 2004, des actes de terrorisme et de sabotage ont eu lieu en particuliers en Russie, Chili, Colombie, Equateur, Inde, Indonésie, Irak, Nigeria, Soudan, Yémen, Pakistan.

Au Moyen-Orient, la vulnérabilité au risque terrorisme s'explique, entre autres, par la nature même des installations pétrolières. Il existe 15 000 km de gazoducs et oléoducs en Arabie Saoudite et près de 8 000 km en Irak. Gazoducs et oléoducs sont souvent posés à même le sol et constituent des cibles faciles pour le terrorisme et le sabotage.

En Algérie, marché on-shore, l'Algérie a amélioré sa situation sécuritaire et, de ce fait, réduit son exposition au risque terrorisme et sabotage. Les risques algériens souffrent, en revanche, du vieillissement des installations, d'un manque de maintenance et de politique de prévention des risques.

Après le sinistre de Skikda de 2004, la compagnie pétrolière étatique SONATRACH, principal opérateur en Algérie, prévoit d'investir dans la prévention des risques le montant de 1,2 milliards USD pour la période 2006 - 2010.

Au Nigeria, depuis les années 1960 où le pays s'est imposé comme un important producteur de pétrole, le premier en Afrique, les compagnies d'assurance locales n'ont pas joué un rôle actif dans le développement du secteur. Les grands courtiers de réassurance et le marché de Londres restent des acteurs incontournables. La création d'un pool d'assurance local des risques pétroliers et l'augmentation des capacités financières des compagnies d'assurances et de réassurance nigérianes ne suffiront pas à changer l'orientation du l’assurance énergie..

Le Nigeria reste très exposé au risque terrorisme et sabotage de ses installations et notamment de ses oléoducs.

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