L'assurance spatiale

assurance spactialeCe qui n’était qu’une vision futuriste, née d’un imaginaire collectif nourri de science-fiction, est devenue, en une quarantaine d’années à peine, une industrie complexe en plein essor et un formidable terrain de compétition politique, technologique et économique entre les grandes puissances industrialisées.

Bref historique de l’activité spatiale

Née après la deuxième guerre mondiale, l’activité spatiale est un pur produit de la guerre froide. Les premiers vols d’exploration des années 50 et 60 s’inscrivent dans une logique de course pour la conquête de l’espace entre les deux grandes puissances du moment.

A partir des années 70, l’espace devient un enjeu commercial avec l’avènement des technologies de télécommunication (téléphonie, télévision) puis de l’observation (Spot) et de la navigation (GPS, Galiléo).

Activité spatiale et assurance : une évolution concomitante

NASASatellite Early Bird (Intelsat I)

Le lancement du satellite Early Bird le 6 avril 1965 marque l’acte de naissance de l’assurance spatiale. La couverture en était limitée aux risques au sol uniquement. En 1968, la série des satellites Intelsat III était assurée en phase de lancement. En 1975, la garantie s'est étendue à la couverture intégrale des risques, c'est-à-dire les risques encourus depuis la signature du contrat de fourniture jusqu'à la fin de la vie en orbite du satellite. La première indemnisation d’un sinistre date de 1977 avec la destruction du lanceur Thor-Delta et la perte du satellite OTS1.

En 1980, six nouveaux satellites commerciaux sont assurés. Au début des années 1990, l’explosion du secteur des industries de l’information a stimulé la construction des satellites et des lanceurs En 1998, des pertes importantes dues à des constellations ainsi que des pertes sérielles sur des satellites en orbite ont donné un coup de frein à l’essor de l’industrie spatiale. Ces sinistres ont eu pour conséquence la diminution du nombre de satellites lancés et un impact significatif sur le marché de l’assurance spatiale ainsi que ses principaux acteurs.

Législation internationale

Les activités spatiales sont régies par un certain nombre d’instruments internationaux. Parmi les plus importants, figure le Traité sur l’espace du 27 janvier 1967 qui met en place un cadre juridique global. Il stipule que l’exploration et l’utilisation de l’espace extra atmosphérique, y compris la lune et autres corps célestes, doivent se faire pour le bien de tous les pays et précise que l’espace ne peut faire l’objet d’appropriation nationale. Le traité du 27 janvier 1967 a été complété par:

La Convention du 29 mars 1972 sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les objets spatiaux.

La Convention de 1975 sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra atmosphérique.

Aujourd'hui, environ 20 nouveaux satellites sont assurés en lancement chaque année, ce qui porte à plus de 150 le total des satellites assurés lancés ou actuellement en orbite.

Un cadre juridique en évolution

International Civil Aviation OrganizationContrairement au transport aérien où l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) est chargée de la sécurité aérienne, les problèmes de la sécurité des vols spatiaux sont encore réglés au niveau des agences gouvernementales de chaque état.

Mais, l’accroissement de la coopération entre les puissances spatiales, l’émergence de nouveaux acteurs (Inde, Brésil, Chine) et l’apparition d’opérateurs privés de "tourisme spatial" ont conduit la communauté internationale à réfléchir sur la nécessité de réformer et d'harmoniser le cadre juridique existant et de l’adapter au nouveau contexte. La Conférence de l'Association Internationale pour la Promotion de la Sécurité Spatiale (IAASS) a pour mission de mettre en œuvre cette réforme.

L’assurance spatiale : un monde à part

Débris navette ChallengerDébris de la navette Challenger qui s'est désintégrée lors du décollage le 28 janvier 1986

En matière d’assurance de lanceurs et de satellites, les objets assurés, les risques, les défis techniques et les montants couverts ne sont comparables à aucun autre secteur. Pour y répondre, les assureurs se sont trouvés dans la même situation qu’aux premiers temps de leur métier, lorsqu’il leur a fallu tout inventer. Afin de soutenir et accompagner une activité extrêmement complexe et en évolution permanente, ils ont dû concevoir des solutions innovantes car ils ne disposent pas de produits types pour cette activité où chaque mission, chaque situation, chaque sinistre est unique.

L'assurance spatiale garantit les dommages ou pertes financières afférents aux satellites civils (pour la plupart satellites commerciaux de communications) et leurs lanceurs.

L’assurance représente 15 à 25% du budget total des programmes spatiaux, mais cette part est en hausse constante, au point d’occuper, aujourd’hui, le troisième poste dans les budgets des opérateurs spatiaux.

L’assurance spatiale : caractéristiques et contraintes

Moteur navette ColumbiaMoteur de la navette Columbia qui s'est ecrasée le 1er février 2003

L’environnement des satellites en orbite et ses risques restent encore mal connus et c’est pourquoi l’assureur est invité à assister aux lancements des satellites. Le métier d’assureur spatial est à inventer.

Par impossibilité physique d’accéder à la chose assurée en cas de sinistre, l’assureur doit se contenter de causes incertaines et de conséquences aléatoires. La confiance est à la base de sa relation avec le client.

Pour donner droit à une indemnisation, le sinistre doit faire l'objet d'une instruction formelle. L'impossibilité d'expertiser physiquement le système conduit à n'indemniser que les sinistres dont la matérialité est caractérisée par comparaison avec des données de télémesures de référence. Les sommes assurées sont en général comprises entre 150 millions USD et 400 millions USD.

Le montant déclaré au titre de la police couvre un satellite, un lanceur et la prime d’assurance. En raison du défaut de statistiques, l’assurance spatiale ne fait pas appel au corps des actuaires et doit développer des outils de tarification spécifiques. Les législations nationales restent encore inadaptées à l’assurance spatiale, notamment en matière d’évaluation du risque, de son aggravation, de charge de la preuve, d’indemnisation de sinistres, de paiement des primes ou encore de résiliation.

L’activité spatiale se caractérise par une forte sévérité et une forte probabilité de sinistres. Son assurance impose une véritable syndication à travers deux procédés :

  • le regroupement de plusieurs assureurs pour le partage du risque selon le principe de la co-assurance et le principe de la réassurance,
  • la mutualisation des risques par le regroupement d’un grand nombre de risques indépendants au sein d’une structure où les non-sinistrés vont financer par compensation les assurés sinistrés.

Assurance spatiale : les principales polices

Les polices responsabilité civile des engins spatiaux

Elles sont souscrites par :

  • les agences de lancement pour couvrir les dommages causés aux tiers durant les lancements et les premières opérations en orbite, même si la cause du dommage est le satellite lui-même et non le lanceur ou les services de lancement,
  • l'exploitant ou le propriétaire du satellite, pour les dommages causés aux tiers après la période (un an maximum) fixée à l'obligation d'assurance de l'agence de lancement.

Les polices responsabilité civile des produits spatiaux 

Les polices "responsabilité civile du fait du produit" couvrent la responsabilité des industriels et fournisseurs de services qui participent à la construction d'un engin spatial, lorsque la défectuosité d'un produit est la cause d'un dommage matériel et/ou corporel extérieur à l'engin en construction.

Assurance spatiale : les polices spécifiques

  • Le risque politique, tel que la confiscation, l'embargo
  • Le risque commercial, c'est-à-dire le risque de défaillance financière d'un client, pour le lanceur par exemple.
  • Les retards au lancement: dans ce cas, l'assuré veut se protéger contre les incidences financières d'un retard au lancement du satellite. Le retard doit être consécutif à un dommage sur le satellite.
  • Les garanties contractuelles (incentives-Warranty Pay back): le constructeur du satellite peut rechercher une couverture des montants qu'il a mis en risque dans le contrat de vente du satellite et qui ne seraient pas réglés par l'exploitant en cas de performance insatisfaisante du système.
  • Les garanties test et pré lancement : cette formule d'assurance couvre les pertes ou dommages au satellite et/ou au lanceur pendant ses phases d'intégration et de tests. La couverture s'étend habituellement jusqu'au départ du satellite et/ou du lanceur de son usine de fabrication en direction du site de lancement.

    L'assurance Pre-Launch couvre les pertes ou dommages au satellite et/ou au lanceur pendant son transit, sur le pas de tir, ou pendant les périodes de stockage. La couverture peut démarrer au départ de l'usine de fabrication et peut s'étendre jusqu'à l'allumage des moteurs du lanceur.

  • Assurance dommage / construction / érection des usines et des sites de lancement : cette assurance couvre les sites de fabrication et les sites de lancement, pendant les opérations de manutention et d'érection. Ce type d'assurance est rattaché aux risques spatiaux du fait des spécificités techniques des installations (salles blanches, explosifs, ...), des produits manipulés (satellites et lanceurs) et aux opérations réalisées pendant les phases de pré-lancement et de lancement (remplissage carburant, commande d'autodestruction lanceur, ...).
  • Assurance lancement et recettes : l'assurance lancement garantit le satellite, le lanceur et les éventuels coûts supplémentaires pendant le lancement et jusqu'à la recette du satellite, habituellement jusqu'à 180 jours après le lancement.
  • Assurance vie en orbite : la couverture vie en orbite garantit le satellite pendant sa vie opérationnelle, jusqu'à son éjection vers une orbite cimetière. Ces contrats sont renouvelés après revue extensive de la santé des satellites.
  • Assurance intéressements aux performances : les contrats de type "incentives" permettent aux constructeurs de garantir les risques découlant d'une non-conformité du produit par rapport à ses spécifications.
  • Assurance interruption de service / perte de revenus / diffusions évènementielles : ce type de produits s'adresse aux propriétaires ou opérateurs de satellites, ou encore aux utilisateurs de satellites tels que les chaînes de télévision, les fournisseurs d'accès internet, les services VSAT (banques, chaînes de distributions, groupes industriels). Ces produits couvrent les pertes de revenus et/ou les dépenses additionnelles découlant d'un dommage à un satellite. Ce type de couverture peut-être mis en place pour des périodes courtes, par exemple, la retransmission d'évènements sportifs.

Le marché de l’assurance spatiale en quelques chiffres

Le marché de l'assurance spatiale est un marché très spécialisé dont les principaux assurés sont :

  • les constructeurs de lanceurs et de satellites,
  • les opérateurs de satellites (sociétés d'exploitation et de commercialisation civiles),
  • les sociétés de télécommunications,
  • les chaînes de télévision,
  • les agences de lancement.

À ces industriels peuvent se greffer les prestataires de services et les utilisateurs (cosmonautes et personnels au sol).

Le montant des primes annuelles se situe entre 700 millions USD et 1 000 millions USD.

Le marché de l'assurance spatiale dispose d’une capacité estimée en 2007 à 490 millions USD pour les risques de lancement et de 620 millions USD pour les risques en orbite.

assurance spatialePour toute responsabilité dans l’éventualité où la station orbitale Mir serait tombée sur des populations, l’agence spatiale russe (RSA) avait souscrit une assurance de 200 millions USD auprès du Lloyd’s londonien.

Assurance spatiale : les principaux opérateurs du marché

On estime à environ 30 le nombre de compagnies d’assurance et de réassurance qui dominent le marché de l’assurance spatiale parmi lesquelles les Lloyd’s, XL Re, Munich Re, AGF/Spaceco, AXA Space, Megaruss.

Les syndicats Liberty du Lloyd’s ont constitué en 2007 un consortium de services d'assurance « tout-en-un » pour les opérateurs de satellites.

AGF assure des risques spatiaux depuis 1985. Elle a créé sa filiale Spaceco en 2004. La part de marché de Spaceco représente environ 10% de l’activité mondiale. 80% du chiffre d’affaires est réalisé hors de France. Spaceco est le leader mondial depuis 5 ans avec 10% à 12% de parts de marché.

La Réunion Spatiale a réalisé un chiffre d’affaires de près de 70 millions USD en 2004.

AXA Space a été la première compagnie à se spécialiser dans la souscription des technologies spatiales.

Megaruss est leader du marché russe de l’industrie spatiale. Le plus gros risque qu’il ait couvert fut le satellite russe de télécommunications Gals 12, assuré (lancement et premier mois d'exploitation) pour 10 millions USD en 1995. Depuis cette époque, Megaruss est membre d’une association des assureurs spatiaux et d’un pool d'assureurs spatiaux réunissant une capacité globale de 466 millions USD.

Les grands courtiers de l’assurance spatiale

Le groupe Marsh & McLennan occupe une position de leader.

International Space Brokers (ISB), filiale du groupe de courtage Le Blanc de Nicolay, occupe la seconde place sur le marché mondial de l'assurance spatiale avec 30 % du volume des primes.

AON Explorer : Très actif dans le secteur de l’assurance spatiale, le courtier Aon Explorer s’est vu confier par l'Agence Spatiale Européenne (ASE) en 2007 une mission d'analyse de l'évolution de la demande en performance des services de lancement, sur la prochaine décennie, pour les missions en orbite géostationnaire.

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