Prothèses PIP : le scandale des implants mammaires défectueux

Le décès, suite à un cancer du sein, en novembre 2011, d’une femme porteuse de prothèses défectueuses de la marque PIP a relancé le débat sur cette affaire qui met en cause Poly Implant Prothèse (PIP), une entreprise française d’implants mammaires.
Article mis à jour le 16/06/2020

protheses PIPFondée en 1991 par Jean-Claude Mas, cette entreprise, numéro trois du marché mondial, fabriquait jusqu'à 100 000 implants par an, dont 84% étaient destinées à l’exportation notamment vers les pays d’Amérique latine.

Dès 1996, les pratiques de la société ont interpellé les autorités sanitaires françaises. De nombreuses anomalies ont alors été révélées : non-respect de certains règlements, non-conformités importantes, risque élevé de ruptures, garanties insuffisantes.

A trois reprises entre 1996 et 2001, l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (Afssaps) a dû suspendre la mise sur le marché des prothèses PIP.

Depuis, aucune autre inspection de l’Afssaps n’a été dépêchée sur les lieux de l’usine. Poly Implant Prothèse était, jusqu’à sa faillite, en mars 2010, contrôlée par l’organisme certificateur allemand, TÜV Rheinland, qui lui délivrait, après chaque visite, le label CE pour pouvoir vendre ses produits.

A chaque inspection, le propriétaire de Poly Implant Prothèse, Jean-Claude Mas, faisait croire à TÜV Rheinland qu’il utilisait un gel homologué et faisait disparaitre, avec la complicité de ses salariés, toute trace de produit non conforme.

Scandale des prothèses mammaires PIP : des implants hautement nocifs

C’est suite à une inspection inopinée, en mars 2010, que l’Afssaps découvre la supercherie et retire définitivement du marché les prothèses PIP. Six mois plus tard, le ministère de la santé recommande aux 30 000 françaises porteuses de ces implants de les faire retirer. A fin janvier 2012, près de 1 400 cas de ruptures de prothèses et 900 réactions inflammatoires ont été signalées en France.

scandale protheses PIPDurant plus de 20 ans, PIP a donc contourné tous les contrôles et a fabriqué des implants mammaires hautement nocifs pour la santé. Entre 400 000 et 500 000 femmes dans plus de 65 pays seraient porteuses de ce type d’implants.

Jean-Claude Mas reconnaît avoir volontairement dissimulé à TÜV Rheinland l’existence du gel « maison ». Un gel de silicone industriel qui coûtait dix fois moins cher que le gel médical. Cette supercherie a permis à l’entreprise d’économiser près de 1 million EUR (1,3 million USD) par an.

Scandale des prothèses mammaires PIP : procès et actions en justice

L’affaire des prothèses mammaires PIP a donné lieu à une avalanche de plaintes visant les différents acteurs impliqués dans ce scandale.

Le propriétaire de la société Poly Implant Prothèse poursuivi en justice pour « tromperie aggravée » et « blessures et homicides involontaires », a été placé sous contrôle judiciaire contre le versement d’une caution de 100 000 EUR (132 266 USD) qui servira à dédommager une partie des victimes.

Le 2 mai 2016, Jean-Claude Mas est condamné à quatre ans de prison ferme, à une amende de 75 000 EUR (85 903 USD) et à l'inéligibilité pour exercer dans le domaine de la santé et la gestion de quelconque société.

D’autres actions en justice ont été intentées contre : le certificateur allemand TÜV Rheinland et l’Afssaps pour manquement à leur devoir de contrôle, les chirurgiens et les cliniques pour déficit d’information.

Le 20 janvier 2017, le tribunal de commerce de Toulon a condamné TÜV Rheinland à payer, à titre de provision, 60 millions EUR (68,5 millions USD) aux 20 000 victimes de prothèses PIP.

Scandale des prothèses mammaires PIP : l’indemnisation des victimes

L’indemnisation des victimes des prothèses PIP s’annonce complexe du fait de la mise en liquidation judiciaire de Poly Implant Prothèse en mars 2010. La société ne pourra donc plus intervenir pour réparer ce préjudice.

Les patientes ne pourront pas, non plus, bénéficier de l’assurance responsabilité civile de PIP, vu que la société reconnait avoir sciemment utilisé un produit non-conforme. Le non-respect des exigences de conformité légale en vigueur représente une exclusion de garantie pour l’assurance.

Sur cette base, Allianz, assureur de PIP entre 2005 et 2010, réclame la nullité du contrat d’assurance le liant à l’entreprise incriminée. Il estime qu’il a été trompé par le fabriquant des prothèses mammaires défectueuses et lui reproche d’avoir intentionnellement dissimulé les risques liés à ses dernières.

Scandale des prothèses PIP : l'indemnisation des victimes en France

Les autorités sanitaires françaises recommandent, par précaution, le retrait des implants PIP pour toutes les femmes concernées. Un fonds spécial devrait être créé par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM). Celui-ci ne pourra dédommager que les femmes opérées dans le cadre d’une chirurgie réparatrice (après un cancer par exemple), soit 20% des patientes.

Les cas de pose de prothèse pour raison esthétique (80% des cas) pourront être examinés par la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI).

L’Etat devrait, lui aussi, intervenir et constituer un fonds public d’indemnisation des victimes *, similaire à celui créé dans l'affaire du Médiator, un antidiabétique dangereux, qui a été commercialisé durant 35 ans et causé la mort de 500 à 2 000 personnes.

* Six ans après la date du début du scandale, soit en 2017, aucun fond d’indemnisation des victimes des prothèses mammaires défectueuses PIP n’a vu le jour.

En 2015, la justice française condamne Allianz à indemniser les victimes dans l’hexagone pour les préjudices subis. Cette restriction d’indemnisation au profit des seules victimes françaises engendre un nouveau scandale et un recours à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) pour discrimination en raison de la nationalité.

En juin 2020, la CJUE décide que la restriction n’est pas discriminatoire. Elle explique que le principe d’interdiction de la discrimination en raison de la nationalité prévue dans la législation européenne ne peut pas « s’appliquer à une clause, prévue dans un contrat conclu entre une compagnie d’assurances et un fabricant de dispositifs médicaux, limitant la portée géographique de la couverture d’assurance de responsabilité civile ».

Scandale des prothèses PIP : l'indemnisation des victimes au niveau international

MondePour les autres régions concernées par le scandale des prothèses PIP, les recommandations et les dispositions, prises par les autorités sanitaires, diffèrent d’un pays à l’autre. Toutefois, partout dans le monde, les victimes commencent à s’inquiéter pour leur santé et surtout des coûts des opérations de retrait et de remplacement des implants.

Face au rejet des établissements de soins, des praticiens et des distributeurs, de toute responsabilité dans cette affaire, les victimes devront sans doute se retourner contre les autorités sanitaires de leur pays qui ont autorisé l’entrée des implants défectueux sur le marché.

Un groupement de 500 victimes argentines et autant de vénézuéliennes vient d’ores et déjà de se porter partie civile dans l’affaire des prothèses frauduleuses. Ces plaintes s’ajoutent aux 2 500 autres déposées auprès du parquet de Marseille. De plus, de nombreuses femmes sud-américaines se sont regroupées en association afin de réclamer réparation alors qu’un fonds d’indemnisation des victimes étrangères pourrait être créé par les autorités françaises et européennes.

Scandale des prothèses mammaires  PIP : un préjudice énorme

Vu le nombre de femmes victimes dans l'affaire scandaleuse des prothèses PIP, le préjudice financier sera énorme. Le préjudice de « tromperie aggravée » sera indemnisé à raison de 10 000 EUR (13 226 USD) par patiente.

Avec plus de 300 000 victimes de par le monde, le montant des dommages et intérêts pourrait facilement dépasser 3 milliards EUR (3,9 milliards USD). Pour les « blessures involontaires », le préjudice corporel sera évalué au cas par cas.

Scandale des prothèses mammaires PIP : les principaux pays concernés

PaysNombre de victimesRecommandations et réactions officielles
Royaume-Uni
42 000
Consultation du chirurgien et suivi médical mais pas de recommandation de retrait des prothèses.
Venezuela
33 000
La gratuité du retrait des implants défectueux de la marque PIP dans les hôpitaux publics, la repose ne sera pas prise en charge.
France
30 000
Recommandation de retrait des prothèses. La prise en charge ne concernera que la chirurgie reconstructrice.
Brésil
25 000
Renforcement des contrôles médicaux. Prise en charge des contrôles et des opérations pour les prothèses rompues.
Colombie
15 000
Le gouvernement se chargera du retrait des implants. La réim- plantation ne concernera que les femmes ayant eu un cancer.
Argentine
15 000
Contrôle médical des prothèses.
Australie
12 300
Aucune preuve concernant un risque anormal de rupture des prothèses PIP. Pas de retrait recommandé.
Allemagne
10 000
Recommandation de retrait des prothèses PIP.
Italie
5 000
Les autorités sanitaires prendront en charge les opérations jugées nécessaires.
Equateur
5 000
Retrait gratuit si nécessaire dans les hôpitaux publics et remplacement gratuit pour les femmes ayant eu un cancer.
Mexique
4 500
Suivi médical conseillé.
Rep. Tchèque
2 000
Recommandation de retrait de toutes les prothèses.
Portugal
1 500
Prise en charge uniquement en cas d’implantation dans un établissement public et pour une chirurgie reconstructrice.
Chili
1 100
Contrôle médical renforcé.
Pays Bas
1 000
Recommandation de retrait de toutes les prothèses.
Chine
743
Suivi médical conseillé.
Belgique
674
Prise en charge du retrait et de la réimplantation, en cas de complication et si la pose initiale a été remboursée.
Tunisie
570
Consultation du chirurgien et renforcement des contrôles médicaux.
Pologne
366
Contrôle semestriel recommandé et retrait en cas d'éclatement ou de risque d'éclatement de la prothèse PIP.
Suisse
280
Contrôle régulier et pas de retrait.
Monaco
90
Le retrait et le remplacement des implants seront pris en charge par la Caisse Sociale Monégasque.
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