Les assureurs parmi les stars

Par son objet et sa nature, l'assurance n'a, en apparence, rien à avoir avec l'univers des paillettes, du strass et du glamour symbolisé par les stars du cinéma, de la mode et de la publicité. Toutefois, et depuis les années 1920 où l'usine à rêves qu'est Hollywood a érigé son business sur le starsystem, l'assurance de la production et des vedettes d'un film est devenue une condition sine qua non pour la réalisation du projet.

Par les budgets colossaux qu'elle met en œuvre, l'industrie du cinéma requiert l'apport de plus en plus d'investisseurs qui exigent des garanties fermes de bonne fin leur permettant de recouvrer leurs fonds au cas où, en sa qualité d'élément essentiel du film, la vedette ne puisse mener à terme le projet.

L'assureur, un acteur majeur de l'industrie du cinéma et du spectacle

Used with permission from MicrosoftMême si un studio ou un producteur ne fait pas appel à des financements extérieurs pour un film, et n'est pas contraint de souscrire des garanties de bonne fin, l'assurance casting fait partie des obligations imposées par l'industrie du cinéma. Car, pour les têtes d'affiche, le talent, la gloire et les autres ingrédients qui participent au mythe sont certes nécessaires pour briller au firmament des stars, mais leur assurance est une composante essentielle de l'économie du système, ce qui explique que les compagnies d'assurance y aient acquis un pouvoir insoupçonné.

Afin de limiter leur prise de risque, les compagnies s'entourent de toutes les précautions avant de décider qui assurer et dans quelles conditions. Elles examinent à la loupe le passé d'assuré des acteurs, leurs dossiers médicaux, leur stabilité psychologique du fait d'alcoolisme ou de consommation éventuelle de drogues, leur propension aux caprices, aux comportements à risque et retards.

En rendant prohibitif le tarif des polices d'assurances, les compagnies peuvent refuser de couvrir des acteurs considérés à haut risque, et par ce moyen, elles influent directement sur leur carrière en en faisant des personnes inassurables, ce qui dissuade les producteurs de les distribuer.

Annales de l'assurance du cinéma: deux cas exemplaires

Arnold Schwarzenegger

Pour le film Terminator 3, les producteurs ont souscrit auprès de la société International Film Guarantors, des garanties de bonne fin pour une prime de 2,54 millions USD, désignant l'acteur Arnold Schwarzenegger comme élément essentiel du film. Si celui-ci avait dû, pour une raison quelconque, interrompre le tournage, IFG aurait remboursé la production à hauteur de 181,6 millions USD. Pour sa part, la compagnie Fireman's Fund a fourni l'assurance casting, ce qui a élevé la facture totale des primes d'assurance du film à 4,54 millions USD.

Le genou de Nicole

Nicole Kidman © Keith Hinkle, CC BY 2.0

Suite à une blessure au genou de Nicole Kidman sur le tournage du film Moulin Rouge en Australie en 2001, les assureurs ont payé 3 millions USD de dédommagements à la production. Les séquelles de l'accident ont contraint l'actrice à abandonner, après 15 jours, le tournage d'un autre film : Panic Room; ce qui a valu à la compagnie d'assurance, une perte de 7 millions USD pour les frais additionnels dus au retard. Le dédommagement total, pour annulation du tournage, se serait élevé à 54 millions USD si la production n'avait pas réussi à engager l'actrice Judy Foster pour reprendre le rôle.

Par la suite, le producteur Miramax s'est trouvé dans l'incapacité d'assurer Nicole Kidman pour son film Cold Mountain, d'un budget de 100 millions USD car le Lloyd's de Londres qui a considéré l'actrice comme un risque définitif, a exigé 20% de prime suite au constat, par ses médecins, d'une légère faiblesse dans le genou de l'actrice.

Pour souscrire l'assurance nécessaire, Nicole Kidman a accepté de mettre 1 million USD de ses propres deniers sur un compte bloqué en garantie du risque de retard sur le tournage du film, compte auquel le coproducteur a dû ajouter une somme de 500 000 USD.

La star a également accepté de se faire remplacer par une doublure pour toutes les scènes considérées potentiellement dangereuses pour son genou. A cet effet, la compagnie d'assurance a mis en œuvre tout un dispositif de contrôle : droit de regard sur le script du film pour vérifier la part de risque de chaque séquence, présence d'inspecteurs sur le plateau de tournage, contrôle médical très strict et interdiction, à la vedette, de pratiquer des activités dangereuses : vol en avion, surf, moto.

L'attitude compréhensive de l'actrice lui a permis de recouvrer un statut d'assurable qu'elle avait perdu lors du tournage de Moulin Rouge.

Assurance de stars: du sur mesure

A l'instar de leurs caprices, l'assurance des stars peut prendre les formes les plus diverses, inattendues, voire même saugrenues. Pour les vedettes comme pour les compagnies, la nature et le montant de ces couvertures sont un secret bien gardé, mais la presse people parvient à en révéler certains.

Dans les pays anglo-saxons en particulier, les assureurs sont habitués à répondre à toutes les demandes des stars en leur offrant des polices sur mesure. Cette disponibilité des assureurs répond, en fait, à un sens aigu de leurs affaires, dans un créneau où l'argent circule à flot. Le calcul des dommages et des primes fait appel à une fine connaissance des arcanes du monde artistique.

Crédit photo: Richard Arthur Norton Ben Turpin

Parmi les compagnies d'assurance américaines spécialisées dans le cinéma, on trouve Fireman's Fund, AIG ou Berkshire Hathaway. Sur le marché de Londres, le Lloyd's qui est très présent sur le segment de l'assurance des stars affiche un chiffre d'affaires annuel de 486 millions USD.

Certaines stars du show-business font assurer leurs «talents ». Cela peut aller d'une paire de jambes, à une poitrine, une voix, des yeux ou tout autre partie du corps considérée comme gagne-pain. D'autres demandes portent sur des risques aussi peu communs que les enlèvements par des extra terrestres, les attaques d'animaux sauvages ou la chute d'astéroïdes, de satellites ou de débris de vaisseaux spatiaux.

  • Premier acteur à s'assurer, dans les années 1920 à Hollywood, Ben Turpin avait souscrit une police couvrant le risque de perdre un défaut physique dont il avait fait une marque professionnelle: il louchait.
  • Réputée pour ses comportements imprévisibles, et en particulier les retards sur le plateau de tournage, Marilyn Monroe était l'exemple même de la star à faire flamber la facture des assurances casting à ses producteurs.
  • Mannequin vedette pour les rasoirs Gillette, le top modèle Heidi Klum s'est vu exiger par son employeur de faire assurer ses jambes. Montant de la garantie: 2,13 millions USD dont 1,15 millions USD pour la jambe droite et 980 000 USD pour la jambe gauche, la différence étant due à une légère cicatrice sur le genou gauche.
  • Pour les cascades d'un film inspiré d'un jeu vidéo dont elle était l'actrice vedette, l'assureur AIG a substitué trois doublures à Angelina Jolie afin de prévenir tout incident qui lui aurait coûté 134 millions USD de dédommagement.
  • Classée 25ème au palmarès des stars, la sex symbol Jennifer Lopez aurait assuré son corps pour 1 milliard USD, un contrat ayant nécessité l'association de plusieurs compagnies. Le montant des indemnités varie selon la partie du corps touchée: jambes, fesses, poitrine. Les compagnies ont pris soin d'exclure de la garantie les risques de grossesse et de perte de poids.
  • Crédit photo: Twentieth Century FoxMarlene Dietrich
    Tout comme Marlène Dietrich à l'époque, le rocker Bruce Springsteen qui doit son succès à sa voix éraillée a assuré, auprès du Lloyd's, ses cordes vocales pour une garantie de 6 millions USD.
  • Le producteur de la prochaine tournée de la rock star Johnny Halliday qui comprend 50 concerts du 2 juillet au 17 décembre 2006, a souscrit, à hauteur de 29,6 millions USD, une assurance contre le risque d'annulation pour cause de panne de matériel ou d'intempéries. L'annulation du show du rocker au Stade de France en juillet 1999 a coûté 3,2 millions USD aux assurances.
  • Pour un concert unique au Festival International de Carthage de l'été 2004, le producteur du chanteur Garou a exigé une police d'assurance contre le risque d'annulation pour intempérie. Montant de la prime, 6% du cachet.

Les polices d'assurance

Les compagnies actives sur le créneau des productions artistiques et des grands évènements médiatiques proposent une large gamme de couvertures. Les programmes sont établis en fonction de critères tels que: budget, lieux, conditions et dates de réalisation, casting, auteurs, décors, costumes, accessoires, valeur et nature des moyens de production, effets spéciaux etc.

Production cinéma: principales polices

  • Garantie pré-avant production
  • Garantie avant production et production
  • Garantie support
  • Garantie mobiliers de décors, costumes, accessoires
  • Garantie matériel de prises de vue, de son et d'enregistrement
  • Garantie responsabilité civile

Les exclusions majeures imposées par les compagnies portent sur les cascades, la pyrotechnie, les avions, les bateaux, les animaux, les scènes de bataille, les armes, la hauteur des échafaudages.

Dans l'organisation de concerts de musique rassemblant un grand nombre de spectateurs, les compagnies d'assurance se montrent particulièrement exigeantes en matière de mesure de sécurité. En raison de la réputation controversée qui est souvent attachée à leurs auteurs, les concerts publics de musique Rap ou Hip-Hop ne sont pas couverts par les assurances, ce qui se traduit, souvent, par leur annulation.

Actualité: Bollywood en quête d'assurance

Used with permission from MicrosoftAvec plus de 500 films produits par an et des stars adulées telles des dieux vivants, Bombay (Mumbai) est l'équivalent indien de Hollywood, ce qui lui a valu le surnom de Bollywood. Alors que l'assurance y était jusque là ignorée, plusieurs accidents lors de tournages ont contraint certains grands studios et maisons de production à l'intégrer dans leurs projets. L'augmentation constante des budgets et celle des facteurs de risques justifient de telles décisions. De leur côté, les assureurs commencent, aussi, à s'intéresser au créneau. Tout récemment, General Insurance Corporation of India (GIC) a participé à l'augmentation de capital de Infinity Film Completion Services, une société financière qui commercialise des garanties de bonne fin de films.

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