Micro-assurance et technologie

La micro-assurance a évolué au cours des dernières années. Elle est devenue un vecteur important de réduction de la pauvreté. Cependant, il reste beaucoup à faire.

Seuls, environ 3% des personnes à faible revenu des cent pays les plus pauvres de la planète bénéficient de la micro-assurance.

Deux milliards de personnes restent vulnérables aux chocs économiques. Pour que ce produit puisse atteindre ces deux milliards de personnes, la technologie demeure un facteur clé de réussite.

Le Fonds pour l’Innovation en micro-assurance de l’OIT, dont nous publions ci-après une étude, a examiné la façon dont les fournisseurs de ce type de polices d’assurance utilisent la technologie pour relever les défis qu’ils rencontrent.

Micro-assurance et assurance bétail à couverture indicielle au Kenya

Micro-assuranceLa partie septentrionale aride du Kenya a subi une grave sécheresse en 2009 et des centaines de milliers d’animaux sont morts. Jusqu’à présent, assurer des troupeaux de bétail dans les régions rurales de l’Afrique était presque impossible. Les coûts élevés pour compter le nombre d’animaux morts sur de vastes étendues rurales décourageaient les éventuels assureurs.

Mais une nouvelle initiative, menée par l’International Livestock Research Institute « ILRI », la compagnie d’assurance UAP et Equity Bank dans le Nord du Kenya donne de l’espoir à un moment où de fréquentes sécheresses touchent durement les communautés concernées.

Des images satellite seront utilisées pour contrôler les terres de pâturage. Si ces images révèlent une insuffisance d’herbages dans les zones données, il sera présumé que les animaux mourront probablement et leurs propriétaires auront droit à une indemnisation.

Andrew Mude, économiste de l’ILRI, déclare : « La raison pour laquelle ce système peut fonctionner tient au fait qu’il n’est pas nécessaire de vérifier qu’un animal soit bien mort pour allouer une compensation. Les indemnisations commencent à être verser lorsque les images-satellite, qui sont pratiquement disponibles en temps réel, nous montrent que la rareté du fourrage (provenant de la végétation) est telle que les animaux vont probablement mourir ».

L'assurance bétail à couverture indicielle

Le projet de l’ILRI vise à :

  • fournir aux propriétaires de troupeaux des stratégies et des outils pour gérer les risques relatifs au climat dont ils font face
  • tester la fiabilité et l’impact d’une assurance bétail indexée sur la relation entre l'historique des mortalités du bétail et le relevé par satellite des fourrages disponibles
  • déterminer la disponibilité des pâturages et leur croissance à partir de données extraites des images satellite dans une région concernée

L'application éventuelle de ce projet d'assurance à de plus grandes surfaces sera facilitée avec les satellites de la NASA, qui prennent des photos de la surface entière du globe tous les dix jours.

L'innovation technologique au service de la micro-assurance

L'utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC) a pour objectif :

  • d'améliorer la couverture des risques
  • de réduire le coût des opérations
  • de préserver la valeur des biens des assurés
Crédit photo: US Gov. / NASALit de la rivière Ewaso (Kenya)

Dans l’exemple kenyan ci-dessus, les images satellite représentent en quelque sorte la micro-assurance de pointe. L’utilisation d’innovations technologiques permet d’offrir des services de plus grande qualité à des clients éloignés, tout en maintenant les coûts d’exploitation à un niveau raisonnable.

Pourquoi recourir à la technologie dans le domaine de la micro-assurance ?

Dans l’ensemble des pays du Sud, l’accès aux technologies de l’information s’accroît à un rythme très élevé. Les abonnements à la téléphonie mobile dans les pays en développement se sont accrus. Ils passent de quelques centaines de milliers au début du siècle à 3 milliards en 2008. Rien qu’en Afrique, le taux d’abonnés à la téléphonie mobile est de 40 pour 100 personnes en 2009.

La baisse des prix de la téléphonie mobile à large bande et la disponibilité croissante des réseaux 3G, la nouvelle génération des technologies sans fil, devraient améliorer considérablement l’accès à l’internet dans les années à venir.

Used with permission from MicrosoftDe plus, la « fracture numérique mondiale » pourrait potentiellement comporter un côté positif, dans la mesure où les pays en développement sont en mesure de contourner sans transition des phases obsolètes de la technologie et accéder directement aux nouvelles avancées. Ces progrès, tels que les données provenant des satellites, les systèmes de positionnement mondial (Global Positioning Systems « GPS ») et les terminaux points de vente « PDV », peuvent faire évoluer la micro-assurance.

D’après les représentants du World Resources Institute « WRI », la technologie aboutit à deux résultats clés qui contribuent à la dynamisation des services financiers : elle réduit les coûts et elle transcende les distances physiques.

Les coûts d’exploitation élevés et la dispersion des clients représentent deux des principaux obstacles au développement de la micro-assurance que les partenaires de l’OIT essayent de surmonter à travers une gamme de solutions technologiques.

Le Fonds pour l’innovation en micro-assurance a été créé en 2008 pour étendre les prestations d’assurance à des millions de personnes à faible revenu. Le but est de réduire globalement leur vulnérabilité au risque. Avec l’appui de la Fondation Bill et Melinda Gates, le Fonds octroie des subventions pour la mise en œuvre de projets utilisant la micro-assurance de façon innovante à travers différentes régions du globe.

Micro-assurance : la technologie apporte une valeur ajoutée

Used with permission from Microsoft (image modifiée) L’accès à la micro-assurance est difficile pour les personnes à faible revenu, qui vivent, souvent, dans des endroits éloignés. Les micro-assureurs se livrent actuellement à des expériences avec de nouvelles solutions technologiques pour tenter de combler ces distances. Les terminaux PDV constituent un exemple de ces solutions. Ils permettent aux consommateurs de souscrire et de payer leurs primes à distance, ce qui représente une économie de temps et d’argent.

Les téléphones portables peuvent aussi être utilisés pour améliorer l’accès à la micro-assurance. Au Kenya, la British-American Insurance (Britak) a lancé récemment un nouveau produit d’assurance risque des particuliers dont la souscription et le paiement des primes peuvent se faire par téléphone portable.

Les innovations technologiques offrent également des opportunités uniques d’améliorer les services de la micro-assurance dans le domaine de la santé. Certains assureurs en Inde associent déjà la télémédecine, qui propose des diagnostics à distance basés sur des informations partagées à travers des terminaux portatifs, à des produits d’assurance.

Pour garantir l’intérêt des produits d’assurance santé, la conception d’un programme informatique est cruciale pour :

  • Gérer les données échangées entre l’assureur et le prestataire des soins de santé
  • Identifier efficacement les clients
  • Conserver en mémoire les informations concernant les clients

Image provided to Microsoft by iStockphoto. Used with permission from MicrosoftD’après Caroline Phily, responsable des subventions au Fonds pour l’innovation en micro-assurance à l’OIT, Pioneer, une société d’assurance basée au Kenya, développe actuellement un projet pilote qui utilise la technologie SMS pour gérer les sinistres.

Lorsqu’un assuré veut bénéficier de soins de santé, il envoie par SMS son numéro de police à Pioneer. Si son contrat est encore valide, l’assuré reçoit un numéro de dossier qu’il doit mentionner dans un formulaire de demande de remboursement. Cette technologie donne la possibilité à Pioneer de réduire les possibilités d’erreurs et de fraudes dans le domaine de l’assurance santé. Elle permet également, à la société de contrôler la consommation de produits de santé et d’accélérer le processus de remboursement. C’est là un mécanisme que les assureurs peuvent facilement mettre en œuvre pour gérer le volume des transactions et suivre l’utilisation des services de santé par les assurés. C’est aussi une manière efficace de maîtriser les coûts.

Micro-assurance et importance de l’efficacité des services de back-office

Pour continuer d’exister, la micro-assurance doit pouvoir réduire ses coûts d’exploitation. La viabilité d’un marché d’assurance repose sur l’existence d’un portefeuille constitué d’un grand nombre de risques. Les économies d’échelle réalisées pérennisent le système.

Used with permission from Microsoft (image modifiée) Les activités traditionnelles des assureurs comportent des processus coûteux de vérification des demandes d’indemnisation, une gestion des données pouvant être fastidieuse et des paiements de primes réguliers entrainant un volume de transactions élevé.

Lorsque ce modèle d’assurance classique est transposé à une dimension micro, garder un bon rapport coûts d’exploitation/paiements des primes devient difficile. D’après Richard Leftley, Président de MicroEnsure, « si 50% de la prime d’un assuré pauvre est absorbé par les frais d’administration, la capacité de paiement des sinistres est faible et la valeur ajoutée pour le client baisse. Si vous avez des ressources à investir dans votre projet d’assurance, je vous conseillerais de les dépenser efficacement dans vos activités de back-office ».

Crédit photo:  US Gov. / Richard NybergLes bénéficiaires de subventions du Fonds travaillent activement pour trouver des solutions économiques adaptées aux besoins spécifiques des institutions. Une des questions auxquelles les assureurs doivent faire face est la difficulté d’enregistrer de manière efficace les informations concernant la clientèle. «Certains assureurs possèdent des programmes informatiques qui leur permettent de gérer les informations et d’imprimer des reçus. D’autres se limitent au logiciel Excel de Microsoft. D’autres encore rédigent leurs reçus à la main», déclare Yoseph Aseffa, conseiller principal pour les projets de l’OIT et ancien directeur général de l’Organisation des Assurances Africaines (OAA).

UAB Vie, un assureur basé au Burkina Faso, explore actuellement des solutions technologiques pour faire face à ce défi : « Nous sommes en train d’évaluer la possibilité d’utiliser des téléphones mobiles pour regrouper les informations sur nos clients. Notre équipe de vente continuera à recueillir les primes sur le marché, mais les informations concernant nos clients seront transférées directement à notre base de données centrale », déclare Soumaila Sorgho, le directeur général de la compagnie.

Bien que les réponses apportées par les activités de back-office soient dépourvues de l’éclat qu’offrent les autres avancées technologiques, le développement continu de la gestion des systèmes d’information (GSI) à des coûts abordables sera crucial pour la croissance de la micro-assurance.

Le futur de la technologie dans le domaine de la micro-assurance

Le développement de la micro-assurance ne peut pas se passer de la technologie. Malheureusement, dans la plupart des cas, les acteurs qui s’activent dans ce secteur n’arrivent pas à déterminer la stratégie qui répond au mieux à leurs besoins. C’est là que l’intervention du Fonds prend toute son importance. Durant l’automne 2010, il a octroyé avec l’appui de Zurich Financial Services, des subventions à l’innovation aux projets qui utilisent la technologie dans le but de rendre la micro-assurance plus accessible.

micro-assurance et technologieIl y a dix ans, il aurait été difficile de penser que grâce à des images satellite, un propriétaire de troupeaux serait en mesure de procéder à une demande d’indemnisation et de recevoir un dédommagement pour ses vaches mortes.

Les dix prochaines années apporteront, sans aucun doute, leur lot de nouveaux développements technologiques tout aussi inattendus. Des développements capables d’apporter une meilleure protection face aux risques de deux milliards de personnes qui en ont le plus besoin.

Nota : Cet article a été proposé à Atlas Magazine par le Fonds pour l'Innovation en micro-assurance du Bureau International du Travail, Genève, que nous remercions. Illustrations : Atlas Magazine

0
Votre notation : Aucun
Programme de publicité          Conditions d'utilisation          Copyright          Liens utiles          Réseaux sociaux          Crédits