Pays du Golfe: Une nouvelle version de la ruée vers l'or?

Du point de vue géographique, «la région du Golfe» fait partie de la péninsule arabique qui comprend l’Arabie Saoudite, le Yémen, Le Koweit, Bahreïn, Qatar, les Emirats Arabes Unis et Oman. L’histoire, la politique et l’économie ont, pour leur part, contribué à la formation d’entités nationales relativement récentes comme les Emirats Arabes Unis et ont permis d’esquisser un embryon de structure régionale commune comme le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) qui rassemble six états.
Burj Khalifa © Imre Solt , CC BY-SA 3.0

C’est la découverte du pétrole, par des compagnies britanniques, à partir des années 1940 qui propulse sur la scène internationale ces états côtiers du Golfe, vivant autrefois du commerce terrestre et maritime, de la pêche et de la culture perlière.

Dans cet ensemble de principautés de petite dimension, l’Arabie Saoudite qui possède un littoral donnant sur le Golfe et sur la Mer Rouge, fait figure de mastodonte tant par sa superficie, sa population que par son statut de premier exportateur mondial de pétrole.

Avec les besoins énergétiques croissants de l’économie mondiale et la hausse du cours de l’or noir, la région, dotée d’importantes réserves d’hydrocarbures, s’impose désormais comme une place financière de premier plan et une plate-forme d’affaires très attractive.

Les Emirats Arabes Unis

Ayant vécu sous mandat britannique depuis le 19ème siècle, plusieurs petits pays se sont constitués d’abord en une entité dénommée le Conseil des Etats de la Trêve, qui deviendra, en 1971, les Emirats Arabes Unis, un État fédéral regroupant sept émirats mitoyens, Abou Dhabi, Ajman, Charjah, Dubaï, Fujaïrah, Ras el Khaïmah et Oum al Qaïwaïn.

© Hégésippe Cormier (image modifiée) , CC BY-SA 3.0

Le Conseil de Coopération du Golfe

Créé en 1981, le Conseil de Coopération du Golfe rassemble six états de la région, à savoir, Arabie Saoudite, Koweit, Oman, Qatar, Bahreïn, Emirats Arabes Unis. Outre une politique de défense commune, le CCG oeuvre à la mise en place d’un marché commun et à l’adoption d’une monnaie unique en 2010.

Gestion de la manne pétrolière

Port de Jebel Ali à Dubai © Imre Solt , CC BY-SA 3.0

Contrairement aux décennies précédentes où une grande part de leurs revenus pétroliers était placée en Occident, les états producteurs du Golfe en sont venus à changer de stratégie. Ils investissent désormais de plus en plus leur argent dans la région. Cette inversion de tendance s’explique par plusieurs facteurs. La perspective de tarissement des réserves impose à ces pays d’envisager des solutions alternatives à l’après pétrole.

Les mesures de gel des avoirs et le contrôle sévère des flux financiers appliqués par les Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ont entraîné le reflux des capitaux du Moyen Orient. Les faillites retentissantes et les récentes crises du marché financier américain ont incité les pays producteurs à davantage de prudence et accéléré le retrait de leurs avoirs. Cette prise de conscience se traduit par l’utilisation de l’argent soit au service du développement économique de ces pays, soit, dans le contexte de la globalisation des échanges, comme outils de levier sur les marchés financiers dont ils ambitionnent de devenir des acteurs à part entière.

Des recettes record au service de méga projets

Crédit photo: Tobias Karlhuber Palm islands

Les six pays du CCG constituent déjà la 16ème puissance économique mondiale avec un PIB en forte croissance et qui devrait continuer à croître à un rythme élevé jusqu’en 2012.

Avec la flambée actuelle des prix que rien ne semble pouvoir arrêter, la manne pétrolière qui se déverse sur la région atteint des chiffres vertigineux. Quand on estime qu’au prix moyen de 100 USD le baril, les revenus des six pays membres du CCG atteindraient 1400 milliards USD en 2008, les records sont encore à venir.

Les investissements prévus d’ici 2020 sont évalués à 3 200 milliards USD, ce qui fait de la zone un immense chantier. Tous les secteurs d’activité sont concernés : industrie, infrastructures, immobilier, tourisme, communications, transport, éducation, culture, médias. Des projets pharaoniques sont lancés. Des ports, des aéroports, des ponts, des îles artificielles, des villes nouvelles sont érigés dans une surenchère de luxe et d’exploits technologiques , à qui réalisera la tour la plus haute du monde, le complexe commercial le plus spectaculaire, l’évènement sportif, médiatique ou culturel le plus prestigieux.

Pour l’ensemble de la région, on dénombre 900 projets d’hôtels, l’acquisition de 875 avions gros porteurs. Selon l’International Air Transport Association (IATA), les pays du Golfe enregistrent la plus forte croissance du trafic aérien passagers et fret (+ 18,1 % en 2007).

Le marché de l’assurance

Un marché restreint

La frénésie immobilière et la multiplication des projets à très gros budgets créent de larges opportunités d’affaires pour l’industrie de l’assurance dans un marché qui reste, toutefois, de dimension limitée. En 2006, le taux de pénétration assurantielle (1,1%) et la prime per capita (environ 500 USD) sont encore très en deçà des moyennes des pays industrialisés (4 000 USD).

Le marché saoudien est un cas particulier. L’assurance y était interdite et ce jusqu’à la promulgation d’une loi en 2003 qui a permis, depuis, l’établissement de près de 47 compagnies.

Mais, globalement, le marché local se caractérise par une prolifération d’opérateurs de petite taille sur un territoire exigu. La plupart des sociétés étant liées à des groupes industriels, leurs portefeuilles d’affaires sont captifs. La faiblesse de l’assiette assurantielle s’explique par celle de la démographie. Par tradition culturelle, la population est peu encline au recours à l’assurance, en particulier dans la branche vie qui occupe une part infime sur le marché (11%). La présence d’une forte population d’employés expatriés ne profite pas directement au secteur, l’épargne mobilisée étant souvent expédiée dans leur pays d’origine.

Un marché à fort potentiel de croissance

© Jjflavor, CC BY-SA 3.0

Le marché de la région dispose d’incontestables atouts lui garantissant un potentiel de croissance de l’ordre de 25 à 30% par an. Le chiffre d’affaires a doublé au cours de ces cinq dernières années. En 2006, le volume global de primes a atteint 5,9 milliards USD.

Ces perspectives expliquent l’afflux de nombreux opérateurs étrangers sur la place qui convoitent des parts de marchés dans la couverture des grands risques liés aux méga projets en cours.

La hausse des revenus et du niveau de vie des populations crée de nouveaux comportements de consommation et des besoins en matière de services financiers. L’action volontariste des gouvernements en matière réglementaire joue un rôle clé dans les évolutions en cours.

Outre la mise en place de législations incitatrices, l’instauration de l’obligation d’assurance dans différentes branches, automobile, habitation, maladie pour les employés du secteur privé a un effet d’entraînement sur le marché local.

L’évolution démographique devrait également servir le développement de l’assurance, notamment dans les branches vie et épargne.

De l’avis des experts qui évaluent son chiffre d’affaires entre 7 milliards USD et 14 milliards USD d’ici 2015, le segment de l’assurance takaful qui monte en puissance constitue l’un des principaux leviers de développement du secteur.

La dynamique est accélérée par l’arrivée des majors de l’assurance mondiale qui génère une compétition stimulante en terme d’amélioration de la qualité des services et des produits. A la date de 2008, les grandes compagnies ayant mis un pied sur le marché sont : Royal & Sun Alliance (R&SA), AIG, AXA, Allianz, Mapfre, Hannover Re, Zurich International Life, Prudential, Aviva.

Risques d’aujourd’hui et perspectives d’avenir

© Imre Solt, CC BY-SA 3.0

Le miracle économique des pays du Golfe ne risquerait-il pas de s’avérer, à terme, aussi trompeur qu’un mirage surgi dans les sables du désert ?

La question n’est pas aussi incongrue qu’il y paraît à première vue. Certains analystes commencent à émettre des réserves sur la solidité et surtout sur la pérennité d’une telle success story et sur les moyens réels dont disposent ces pays pour assurer un développement social et économique équilibré.

La région a véritablement le vent en poupe. L’effet de mode aidant, on y accourt de partout. De grandes conférences s’y réunissent. On y décerne les distinctions aux meilleurs opérateurs de l’année. Des études savantes et de nombreuses publications lui sont consacrées. De nouvelles compagnies y naissent chaque jour. Mais, d’ores et déjà, des phénomènes économiques inconnus jusque là se manifestent. Le chômage fait son apparition dans des secteurs exigeant de hautes qualifications professionnelles. Des mouvements sociaux revendiquent des revalorisations salariales. Alimentée par l’excédent de liquidités, l’inflation prend des proportions alarmantes. Les populations sont confrontées à l’augmentation des prix des denrées alimentaires, de l’immobilier, des terrains, des services. Dans une région où l’essentiel des produits de consommation est importé, l’indexation des monnaies locales sur le dollar américain amplifie le phénomène. Abou Dhabi, Dubaï et Doha se classent désormais parmi les villes les plus chères au monde.

Les politiques concurrentes des différents états contribuent à créer une bulle financière artificielle qui n’est pas dénuée de risques. Compte tenu des données géographiques, démographiques et sociales (absence de terres agricoles, faible population, insuffisance de compétences locales), les analystes estiment qu’un véritable développement économique durable ne peut se concevoir qu’à l’échelle de la région Moyen Orient étendue à des pays plus peuplés, tels que l’Egypte et le Yémen.

Trois places fortes

Dans ce nouvel eldorado pour les affaires qu’est la région du Golfe, trois places financières sont en compétition : Bahreïn, Dubaï, Qatar. Bahreïn

Bahreïn

Superficie: 665 km²

Population (2006): 698 585 habitants

PIB (2006): 19,6 milliards USD

PIB par habitant (2006): 32 100 USD

Taux de croissance du PIB (2006): 6,6 %

Taux d’inflation (2006): 3%

Primes souscrites en 2006: 313 millions USD

Densité d’assurance (2006): 251 USD /habitant

Taux de pénétration de l’assurance (2006): 0,7%

Engagé dans la diversification de ses activités dès la fin des années 1970, l’émirat qui ne possède pas de réserves pétrolières a axé son développement sur l’industrie et les services financiers. Bahreïn a, de ce fait, pris une longueur d’avance sur ses voisins immédiats, notamment par la mise en place d’une législation incitatrice, désormais bien rodée et l’existence de compétences locales.

Bahreïn doit son expansion financière à la conjugaison de plusieurs facteurs liés à sa position géographique et aux évènements survenus dans la région du Moyen Orient.

Pour avoir longtemps servi de base arrière aux institutions financières opérant en Arabie Saoudite et forgé de solides relations d’affaires avec l’Iran, l’émirat a développé des infrastructures, des services et des savoir-faire très élaborés.

Crédit photo: Ranam (image modifiée)

Bahreïn a également bénéficié du transfert de capitaux et d’activités provoqué par la guerre du Liban dans la période 1975 - 1985. La réédition du même processus, dans le contexte post 11 septembre 2001 qui a entraîné le retrait massif des capitaux arabes du marché financier américain a donné un nouvel élan à l’économie de Bahreïn.

Les activités financières sont un des trois piliers de l’économie nationale. Elles comptent pour 25% du PIB. Fondée en 1973, l’autorité de tutelle la Bahraïn Monetary Authority (BMA) a été remplacée par la Central Bank of Bahrain (CBB).

Le secteur des assurances a réalisé un volume global de primes 2006 de 313 millions USD.

Vingt deux compagnies locales sont actives sur le marché domestique dont les plus importantes sont:

  • Bahrain National Insurance Company
  • Gulf Union Insurance Company
  • Bahrain Kuwait Insurance Company
  • Al Ahlia Insurance Company
  • Takaful International
  • Solidarity.

Les Emirats Arabes Unis

Superficie: 82 880 km²

Population (2007): 4 400 000 habitants

PIB (2007): 190 milliards USD

PIB par habitant (2007): 41 700 USD

Taux de croissance du PIB (2007): 7,5 %

Taux d’inflation (2007): 13,5%

Primes souscrites en 2007: 3 555 millions USD

Densité d’assurance (2007): 812 USD /habitant

Taux de pénétration de l’assurance (2007): 1,9%

L’ambition de devenir une plate-forme financière à l’échelle de la région s’affirme dans les années 1990. Au sein du même pays, deux places se disputent, à grand renfort de projets et de communication, la première place, Dubaï et Abou Dhabi.

Dubaï a pris les devants. Elle crée en 2004 le Dubai International Financial Centre (DIFC), une zone off shore qui accorde un environnement et des conditions incitatifs aux établissements financiers internationaux (réglementation de standard mondial, franchise d’impôts, liberté de détention et de rapatriement du capital). En 2008, le DIFC compte 550 sociétés financières enregistrées.

La deuxième étape du processus est l’instauration, en 2007, d’une commission de régulation du secteur financier, la Dubai International Financial Autority.

Considéré comme l’un des plus développé de la région, le marché des EAU qui a réalisé un volume global de primes 2007 de 3,555 milliards USD compte 47 opérateurs dont 23 compagnies nationales et 24 étrangères. Les principales compagnies du marché sont Oman Insurance , Abu Dhabi National Insurance (ADNIC), Arab Orient, Al Ain Ahlia, Emirates Insurance et Al Buhaira National.

Qatar

Superficie: 11 437 km²

Population (2007): 800 000 habitants

PIB (2007): 59 milliards USD

PIB par habitant (2007): 75 350 USD

Taux de croissance du PIB (2007): 5,8 %

Taux d’inflation (2007): 13,5%

Primes souscrites en 2007: 539 millions USD

Densité d’assurance (2007): 640 USD /habitant

Taux de pénétration de l’assurance (2007): 0,9%

Dernier de la troika à vouloir accéder à la cour des grands, Qatar est le pays qui enregistre la plus forte croissance économique de la région (de l’ordre de 8% en 2007). Le PIB est évalué à 59 milliards USD en 2007 et l’émirat dispose de l’un des revenus par habitant les plus élevés au monde, de l’ordre de 75 350 USD en 2007.

© Darwinek , CC BY-SA 3.0

Le Qatar détient les troisièmes réserves de gaz du monde après la Russie et l’Iran, estimées à plus de 25 000 Mdm3 (250 ans d’exploitation).

Les investissements en travaux d'infrastructure sont évalués à 150 milliards USD durant le plan quinquennal actuel (2005-2010) et à près de 130 milliards USD pour le plan quin- quennal suivant (2011-2015).

Au cours des trois dernières années, le pays a investi 145 milliards USD dans des projets créateurs de valeurs.

Pour attirer les grandes firmes financières, Qatar a adopté une législation conforme aux normes standard et crée le Qatar Financial Centre (QFC) en 2005 et la Qatar Financial Centre Authority.

Cinq compagnies contrôlent 84% du marché de l’assurance
  • Qatar Insurance Company
  • Qatar General Insurance and Reinsurance
  • Al Khalij Insurance Company
  • Qatar Islamic Insurance Company
  • Doha Insurance Company
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