Réforme des agences de notation

Enquêtes des instances de régulation, perquisitions, saisies de documents, dépôts de plaintes… Les temps sont durs pour Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch, les trois principales agences qui détiennent 90% du marché mondial de la notation.

Les agences de notation dans le collimateur de la justice

Standard & Poor sSiège de Standard & Poor’s à New York © B64 (image modifiée), CC BY 3.0

Le 5 novembre 2012, une cour fédérale australienne retient contre Standard & Poor’s les charges de notations trompeuses, assertions inexactes et publications de fausses informations. Elle condamne l’agence à indemniser 13 collectivités locales pour avoir attribué la meilleure note à des produits financiers qui se sont avérés toxiques lors de la crise de 2008.
Entre pertes nettes et dommages et intérêts, le montant du préjudice est estimé à 30 millions USD. C’est la première fois que la responsabilité civile d’une agence de notation est retenue.

De plus, aux Pays Bas, des investisseurs européens ont intenté une action en justice contre S&P. Un autre procès est sur le point d’être ouvert en Italie contre sept dirigeants et analystes (cinq de S&P et deux de Fitch Ratings) pour jugements infondés ayant eu des effets négatifs sur les marchés. Les responsables des deux agences de notation risquent jusqu’à trois ans de prison pour avoir abaissé la note de la péninsule pour des raisons spéculatives. Selon une association de consommateurs, le montant du préjudice pourrait atteindre 120 milliards EUR (158 milliards USD).

Aux Etats Unis, où la procédure est plus compliquée, aucune action contre ce type d'agence n’a jusqu’à présent abouti. La jurisprudence américaine pourrait, cependant, évoluer et devenir plus contraignante. Le régulateur boursier américain, la «Securities and Exchange Commission» (SEC) mène depuis 2011 une enquête sur les conditions d’attribution, en 2007, de la note triple A à des titres toxiques.

Standard & Poor sEn Europe, depuis le procès australien contre S&P, des juristes étudient la possibilité de lancer des procédures collectives contre l’agence de notation. En outre, l’autorité européenne des marchés financiers (ESMA) vient, elle aussi, d’ouvrir une enquête pour examiner les méthodes utilisées pour évaluer les risques des banques.

Face à ces revers judiciaires, les agences de notation qualifiées, par le passé, d’intouchables et de gendarme des marchés, voient leur statut ébranlé. Leur avenir s’annonce assez inquiétant surtout si elles doivent répondre de leurs erreurs de diagnostic et faire face au paiement d’amendes exorbitantes.

Les reproches aux agences de notation

La perte de crédibilité des agences de notation financière est due à une série d’imprudences qu’elles ont commises ces dernières années :

  • Manque de clairvoyance. Les agences n’ont pas vu venir, en 2001, la faillite de Enron, le géant américain de l’énergie, ni celle du groupe agroalimentaire italien Parmalat en 2003. De même, la banque multinationale Lehman Brothers s’était vue attribuer la note triple A, à la veille de sa faillite, le 15 septembre 2008.
  • Surévaluation de certains actifs à risques et attribution de la note triple A à des produits toxiques à l’origine de la crise des subprimes en 2008.
  • Abaissement précipité des notes de certains pays en difficulté. Cette pratique a accentué la panique sur les marchés financiers. L’Italie et la Grèce, dont la note a été abaissée de neuf crans par Moody’s en quinze mois en sont la meilleure illustration.
  • Conflits d’intérêts. Certaines agences de notation sont directement rémunérées par leurs clients. C’est le cas de Moody’s qui audite Berkshire Hathaway, troisième groupe mondial de réassurance, alors que ce dernier possède plus de 10% du capital de l’agence.

D’autres griefs sont avancés contre les agences comme :

  • la lenteur des analyses
  • les moyens humains insuffisants, en qualité et en quantité
  • les méthodes de travail peu professionnelles
  • le manque de transparence et de rigueur

Agence de notation : Les nouvelles règles de Bruxelles

Panique bancaire Panique bancaire à la Northern Rock, sept. 2007 © Lee Jordan (image modifiée), CC BY-SA 2.0

Face à ces dépassements et insuffisances, les instances de régulation de Bruxelles représentant 27 Etats membres se sont mises d’accord le 27 novembre 2012 sur une nouvelle directive pour encadrer l’activité des agences de notation en Europe. Les nouvelles exigences ont pour objectifs de réduire l’influence de ces dernières sur les marchés financiers et d’endiguer l’effet boule de neige induit par la dégradation de la note souveraine d’un pays.

Parmi les mesures décrétées pour réguler l’activité des agences, notons :

  • l’épuration, d’ici 2020, des textes réglementaires européens de toute référence aux notations
  • l’harmonisation, au niveau européen, des régimes de responsabilité civile pour négligence ou faute grave. Une mesure qui permettra aux investisseurs, ayant subi un préjudice, de demander réparation, voire des dommages et intérêts
  • l’imposition d’un calendrier de publication des notations souveraines pour les Etats membres de l’Union. Le texte prévoit également que les agences ne pourront modifier les notes non sollicitées par un Etat que trois fois par an et ce à des dates précises
  • l’annonce d’une note souveraine, ne se fera désormais qu’une heure avant l’ouverture ou une heure après la fermeture des marchés de l’Union, ce qui vise à éviter la panique des investisseurs
  • le renforcement des exigences de transparence des méthodes de recherche et d’estimation du risque
  • l’application du principe de rotation. Les Etats et les entreprises devront changer d’agence de notation tous les trois ans. Cette mesure n’a été retenue que pour certains produits financiers complexes
  • la création de nouveaux systèmes de notation concurrentiels comme le développement du « scoring », un régime de contrôle interne spécifique aux banques et aux compagnies d’assurance
  • la création, d’ici 2016, d’une agence publique de notation pour la zone euro
  • la lutte contre les conflits d’intérêts. La participation des investisseurs dans le capital de deux agences différentes est plafonnée à 5%. De même, une agence ne pourra plus noter une entité qui possède plus de 10% de son capital
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