La réassurance dans la zone MENA : le renouvellement 2024

Les réassureurs domiciliés dans la région MENA ont bénéficié au cours des dernières années de conditions de renouvellement favorables. Cette dynamique s’explique par :

• les tendances mondiales de tarification orientées à la hausse,
• la forte inflation après les années Covid,
• les nouvelles opportunités commerciales,
• les restrictions de garantie imposées aux assureurs.

Malgré la concurrence et une capacité abondante, les coûts de réassurance pourraient continuer à croître en 2024. L’augmentation des tarifs de rétrocession imposés par le marché de Londres et les majors de la profession pousse les réassureurs locaux au respect d’un minimum de discipline tarifaire.

Pour l’agence de notation AM Best, les réassureurs de la zone MENA [4] sauront s'adapter au changement économique, développer les capacités nécessaires et ajuster leurs produits à la demande du marché direct, notamment dans les branches cyber et responsabilité civile.

Capacité de réassurance dans la zone MENA

La capacité de réassurance de la région MENA reste abondante malgré l'augmentation du nombre de sinistres et d’événements climatiques. Cette capacité est principalement apportée par les majors de la profession, les réassureurs locaux et asiatiques.

La concurrence entre les différents acteurs est très importante en particulier au Moyen-Orient, région qui compte peu de restrictions réglementaires.

De plus, depuis le retrait de nombreux réassureurs du marché local (Arig, Best Re, …), un nombre élevé d’assureurs directs, à la recherche d’opportunités de croissance et de diversification de leurs portefeuilles, développe une capacité de réassurance, exaspérant ainsi la forte concurrence déjà existante.

Hausse de la sinistralité catastrophes naturelles

La zone MENA fait face en 2023 à une hausse significative du nombre de catastrophes naturelles [5]. L’ensemble de la région est frappé de plein fouet par le changement climatique : inondations dévastatrices dans les pays du Conseil de Coopération du Golfe (GCC) et en Afrique du Nord ; sécheresse récurrente et vagues de chaleur entraînant des feux de forêt et une pénurie d’eau.

De plus la région a connu deux tremblements de terre majeurs.

• Turquie et Syrie, le 6 février 2023, pertes économiques et assurées de 91 milliards USD ⁽¹⁾ et 6 milliards USD respectivement.
• Maroc, le 8 septembre 2023, pertes économiques estimées à 10 milliards USD ⁽²⁾.

Après la Turquie, l’Algérie et le Maroc, qui ont mis en place par le passé des régimes d’assurance obligatoires des risques catastrophes naturelles, l’Egypte étudie à son tour un système de mutualisation de ce risque.

⁽¹⁾ Selon Global Catastrophe Recap d'AON
⁽²⁾ Selon l'Institut d'études géologiques des Etats-Unis (USGS).

Performances du marché de la réassurance de la zone MENA

Malgré les défis auxquels font face les réassureurs de la région, la zone MENA dispose d'un solide potentiel de croissance à long terme.

Principaux indicateurs de l’ensemble des réassureurs de la zone MENA ⁽¹⁾ : 2018-2022

Chiffres en millions USD

Sources : Atlas Reinsurance Reports 2024 et AM Best
⁽¹⁾ 11 réassureurs: International General Ins. (IGI), Saudi Re, Société Centrale de réassurance (SCR), Compagnie Centrale de Réassurance (CCR), Milli Re, Kuwait Re, Türk Reasürans, Hannover ReTakaful, Oman Re, Tunis Re et Arab Re.

Marché de la réassurance de la zone MENA : évolution des primes

En 2022, l’ensemble des réassureurs domiciliés dans la zone MENA enregistre une croissance de 13,6% du chiffre d'affaires à 2,745 milliards USD. Cette croissance des primes est à mettre à l’actif de la branche non vie. Cette dernière représente 93,2% des encaissements, l’activité vie étant peu développée dans cette région.

Depuis le transfert du siège de Qatar Re aux Bermudes et la baisse d’aliment de Milli Re, le premier réassureur de la zone MENA est IGI avec 582 millions USD de primes. Le réassureur jordanien est suivi de Saudi Re qui dispose d’un énorme potentiel de croissance et de la SCR avec respectivement 374 millions USD et 330 millions USD de primes souscrites.

Fonds propres, résultat net et ROE des réassureurs de la zone MENA

Avec 306 millions USD en 2022, le résultat net de l’ensemble des réassureurs de la région est en hausse de 27,5% sur un an.

Les fonds propres des réassureurs de la zone MENA progressent de 2,7% alors que ceux des zones Europe, Bermudes et Asie sont en baisse respectives de 37,61% pour les quatre réassureurs leaders européens, 12,65% pour les réassureurs bermudiens et américains et 6,85% pour les asiatiques.

En 2022, le retour fonds propres (ROE) de la zone MENA est en progression moyenne de 24,15%, passant de10,68% à fin 2021 à 13,26% douze mois plus tard. Il s’agit là du ROE le plus élevé de toutes les régions étudiées (Afrique, Europe, Lloyd’s, Amérique, Asie). Les ROE de 2022 des sociétés de la zone MENA les plus élevés sont ceux de Türk Reasürans 43,02%, de IGI 19,77% et de Milli Re 17,67%. A l’inverse, les ROE les plus bas sont réalisés par Saudi Re avec 4,14% et Arab Re 4,59%.

Réassureurs de la zone MENA : ratios techniques

Selon AM Best [7], le ratio combiné moyen de la région s’établit à 95,7% en 2022. Ce taux est en constante amélioration depuis 2018, année où il culminait à 102,3%.

En 2022, trois réassureurs enregistrent des ratios combinés supérieurs à 100%, il s’agit de Milli Re (160%), Hannover ReTakaful (101,6%) et SCR (101,2%). Les meilleurs ratios combinés sont réalisés par IGI avec 76,7%, la CCR (77,3%) et Türk Reasürans (85,1%).

Notation des réassureurs de la zone MENA

Les pays de la zone MENA non exportateurs de pétrole présentent des risques économiques, budgétaires et politiques croissants.

Avec la dévaluation des monnaies locales face au dollar américain, de nombreux pays feront face à des pressions croissantes dues à l’alourdissement de leur dette publique et à la hausse persistante du prix des matières premières.

Dans ce contexte, AM Best a déjà revu à la baisse la note de crédit à long terme de deux réassureurs (Milli Re et Tunis Re). L’agence a également revu à la baisse les perspectives de trois notes, les faisant passer de stables à négatives (Milli Re, Tunis Re et Arab Re).

Deux réassureurs domiciliés dans la région conservent des notes solides IGI « A » et Kuwait Re « A-».

Pour sa part, Standard and Poor’s (S&P) confirme le 16 septembre 2023 la note de solidité financière et de crédit à long terme «A-», attribuée à Saudi Re en décembre 2022. L’agence confirme également la note "A-" avec perspectives stables de Kuwait Re. Les notes des autres réassureurs n’ont pas subi de modification depuis le dernier renouvellement.