A quoi sert le principe de précaution ?

La fermeture, il y a quelques mois, de l'espace aérien européen, suite à l'éruption d'un nuage volcanique en Islande, a eu pour conséquence de relancer le débat autour du principe de précaution.

principe de précautionDu 15 au 21 avril 2010, les avions de 313 aéroports européens ont été cloués au sol, 102 000 vols ont été annulés et des millions de passagers ont été immobilisés partout dans le monde, ce qui a engendré une facture de 1,7 milliard USD pour les compagnies aériennes.

En se protégeant ainsi derrière le principe de précaution, les autorités ont, en fait, privilégié la politique du non risque plutôt que d'être accusées de légèreté criminelle. Elles ont été néanmoins critiquées, par la suite, pour excès de précaution.

Principe de précaution, définition

Le principe de précaution est une notion philosophique introduite à différents degrés dans les chartes et conventions nationales et internationales. C'est la convention de Rio de Janeiro de 1992 qui va formellement confirmer son bienfondé en le ratifiant.

Alors qu'il n'en n'existe pas de définition universellement admise, ce principe est aujourd'hui mis en avant par la plupart des Etats européens dans les domaines de l'environnement et de la santé.

Principe de précaution : historique

Le principe de précaution est né à la fin des années soixante, grâce, entre autres, au philosophe allemand H. Jonas. Les pouvoirs publics ont alors adopté le « Vorsorgeprinzip », qui permettait de prendre toutes les mesures nécessaires et raisonnables afin de parer à d'éventuels risques, sans preuve scientifique préalable.

En 1984 et 1987, quelques textes internationaux à valeur juridique inégale en font mention en Europe du Nord. C´est le « Sommet de la Terre » de juin 1992 qui lui consacrera une portée internationale. Le droit communautaire l'introduit dans l'Union européenne lors de la signature du traité de Maastricht en février 1992.

Ce principe est alors passé d'un précepte philosophique à un concept juridique.

L'Union européenne considère le principe de précaution comme "une règle coutumière générale du droit international" ou du moins "un principe général de droit". Il n'est pas nécessaire que l'ensemble de la communauté scientifique soit en accord sur les possibilités du déclenchement du dommage ni sur sa portée ni que les autres Etats ou partenaires de l'OMC tirent les mêmes conclusions.

Les Etats-Unis ne donnent pas à ce principe une valeur de droit international coutumier mais jugent qu'il s'agit d'une "approche". La position du Canada rejoint celle des Etats-Unis en admettant tout de même que le "concept" ou "approche" est "un principe de droit naissant" qui a des chances de devenir l'un des "fondements généraux de droit reconnus par les nations civilisées".

Principe de précaution, de prévention et de prudence

Mark Hunyadi, professeur à l'université Laval, estime que trois notions doivent impérativement être distinguées :

La prudence : elle concerne les risques avérés. Ces risques sont établis et on sait estimer leurs fréquences de réalisation. C'est le cas de l´exposition à l'amiante.

La prévention : elle concerne les risques avérés. Ces risques sont établis mais on ne sait pas estimer leur fréquence de réalisation. Le doute ne porte plus sur le risque mais sur sa survenance. C'est le cas des risques nucléaires.

medecin

La précaution : elle concerne les risques probables dont la science n'a pas encore prouvé l'existence absolue. On suppose la présence de ces risques grâce à des observations. C'est le cas de la nanotechnologie, des OGM,...

L'extension du principe de précaution

Afin de protéger toujours plus le consommateur et suite à de nombreuses affaires, le principe de précaution s'est déplacé vers les risques encourus sur la santé et l'alimentation : les OGM, l'encéphalite spongiforme bovine, le sang contaminé en sont quelques exemples.
Le droit international prévoit également l'application de mesures sanitaires et phytosanitaires de précaution dans le cas où des preuves scientifiques sont incontestables.

Les récentes restrictions du survol de l'Europe suite au volcan islandais Eyjafjöll ou les expulsions de domicile dues à la tempête Xynthia renforcent l'idée que le principe de précaution s'applique à des domaines toujours plus larges.

L'application du principe de précaution

L'application du principe de précaution ne doit pas résulter de décisions arbitraires mais doit répondre à des critères spécifiques : microscope
  • il ne doit être envisageable que dans l'éventualité d´un risque ; c'est à dire lorsqu'un seuil significatif de gravité est atteint.
  • sa mise en œuvre doit être précédée d'une évaluation objective du risque. Cette étude doit, pour chaque étape, définir le niveau d'incertitude scientifique.
  • les résultats scientifiques doivent être rendus publics et toutes les parties concernées doivent avoir la possibilité de mener des études complémentaires en toute transparence, puis d'envisager l'ensemble des options de gestion.
  • une évaluation du risque et des répercutions sur la décision de ne pas agir doit être faite.

Des principes de bonne gestion des risques s'appliquent également :

  • la non-discrimination dans la mise en place des mesures.
  • l'existence d'une proportionnalité entre les mesures prises et la protection attendue.
  • l'existence d'une cohésion entre les mesures prises et les cas similaires s'étant déjà présentés.
  • une remise en question des dispositions prises dans le cas d'une évolution scientifique. Le principe de précaution ne peut donc être que provisoire.
  • une analyse des bénéfices et des coûts afin d'envisager une réduction du risque à un niveau acceptable pour toutes les parties.

Savoir mesurer la menace permet d'appliquer à bon escient les principes de prudence, de prévention ou de précaution.

Le débat sur le principe de précaution

La majorité des sujets concernés par le principe de précaution sont de nature internationale. Les désaccords qu'il suscite montrent que chaque nation n'a pas la même appréhension du risque car les expositions, les conséquences financières sont différentes pour chacune d'elles.

La formulation de ce principe de précaution soulève un certain nombre d'interrogations :

  • sur l'acceptabilité du risque : il ne s'agit pas de choisir entre une action qui comporte des risques et une immobilité prudente mais entre l'acceptation d'une action ou l'inaction.
  • sur l'évaluation du risque : le principe de précaution étant caractérisé par l'incertitude scientifique, il est nécessaire de déterminer des critères d'estimation du risque.
  • sur les personnes et institutions concernées : le principe doit-il s'appliquer à tous les acteurs privés et publics ?
  • sur les champs d'application du principe : doit-il s'étendre à tous les domaines de la vie économique et sociale ?
  • sur la durée de l'application du principe : les dispositions prises sont-elles temporaires ou bien définitives ?

L'opposition au principe de précaution

Le principe de précaution a un certain nombre de répercussions négatives :

  • il empêche l'innovation et crée des distorsions de concurrence. Les partisans de l'abolition de ce principe rappellent que nombre d'inventions n'auraient pas eu lieu si ce principe avait alors existé (inventions des antibiotiques, vaccins, etc.) ;
  • il gêne les échanges économiques internationaux ;
  • il permet aux politiques de fuir leurs responsabilités et leur donne un pouvoir discrétionnaire ;
  • il rend les décisions arbitraires ;
  • il peut limiter la liberté des citoyens, des consommateurs ou des entreprises.

chimie Juridiquement, le principe de précaution entre en opposition avec la majorité des droits européens en renversant systématiquement la charge de la preuve : c'est au promoteur d'un projet de prouver l'innocuité de son produit. Il y a donc ignorance de la présomption d'innocence. Dans le cas contraire, les autorités sont en droit de stopper la production sans même avoir de preuve.

L'assurance face au principe de précaution

Avant d'accorder leur garantie, les assureurs, au nom du principe de précaution, sont en droit d'exiger la réalisation de travaux ou la présence d’équipements, tels que :

  • détecteurs et avertisseurs de fumée
  • débroussaillage
  • lutte contre le défaut d'entretien des appareils
  • portes et fenêtres sécurisées
  • alarmes et systèmes de surveillance
  • coffres forts, etc.

Le non-respect de ces exigences peut augmenter le prix de la couverture, ou bien amener le rejet du risque par l'assureur.

Certaines clauses excluent la couverture de risques dont l'impact sur l'activité humaine n'est pas identifié, mais où des faisceaux de présomptions existent :

  • les champs électromagnétiques
  • les nanotechnologies
  • les manipulations génétiques, etc.

Les assurances étant basées sur des principes statistiques, il apparait donc que toutes les causes, ne permettant pas de probabiliser le risque, ont tendance à être exclues par l'assureur.

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