Marché de la réassurance en 2015

Atlas Magazine présente à ses lecteurs un dossier spécial consacré à la réassurance à paraître sur deux numéros. La première partie, publiée dans cette édition, expose la situation du marché de la réassurance en 2015 et évoque la récente vague de fusion-acquisition.

Etat du marché de la réassurance à fin 2015

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En termes de sinistralité, l’année 2015 a été relativement clémente pour les assureurs et réassureurs qui ont enregistré peu de catastrophes majeures. Malgré cette bonne nouvelle, les agences de notations maintiennent leurs perspectives négatives pour la réassurance. Une série de facteurs défavorables continue de pénaliser la profession et rien ne semble indiquer que les appréciations des agences seront modifiées pour l’année 2016.

Pour l’exercice à venir, les acteurs du marché feront face aux mêmes problèmes qu’en 2015, à savoir, un environnement économique dégradé, une croissance atone ou en recul, une abondance de capacité, de faibles rendements financiers, une demande en berne et une concurrence de plus en plus exacerbée. Dans ce contexte peu encourageant, les réassureurs n’ont pas d’autre choix que de s’adapter pour continuer d’exister.

L'abondance de capacité

Le marché de la réassurance souffre d’une abondance de capacité ayant de multiples origines :

  • La prolifération de capitaux alternatifs

La réassurance continue d’attirer les capitaux alternatifs dont l’apport s’est accéléré en 2015. Les leaders de l’assurance et de la réassurance mondiale y ont fréquemment recours. Cette capacité alternative dont le nombre de transactions est en nette progression dispose de plusieurs atouts. Elle offre une diversification des sources de protection et un meilleur rendement pour les investisseurs.

Autre avantage, elle s’inscrit dans un horizon à court terme (1 à 3 ans) et présente peu de barrières à l’entrée. Selon Guy Carpenter, les solutions de capital alternatif représentent 18% de l’ensemble de l’offre de réassurance.

Estimation du total des capitaux consacrés à la réassurance

en milliards USD marché réassurance 2015 Source: AM Best et Guy Carpenter
  • L’augmentation de l’offre dans le marché de la réassurance

Parallèlement à l’afflux des capitaux alternatifs, les réassureurs traditionnels ont eux aussi augmenté leur capacité. Dès 2010, c’est-à-dire après les années noires qui ont suivi la crise des subprimes, ils ont progressivement renforcé leurs fondamentaux. Du fait de l’absence de catastrophe majeure et malgré une importante érosion des tarifs de l’ordre de 15% à 20% sur les dernières années, les réassureurs affichent, pour la plupart, de bons résultats. Après une excellente année 2014, Munich Re comptabilise à la fin du premier semestre 2015 un bénéfice net de 2,07 milliards USD. Le groupe munichois table sur un profit annuel supérieur à 3,3 milliards USD pour 2015, alors que son objectif initial oscillait entre 2,7 et 3,3 milliards USD.

Crédit photo: NASA

Hannover Re, l’autre géant de la réassurance mondiale, est dans la même dynamique. Il dégage un profit de 590 millions USD au 30 juin 2015 et s’attend à un résultat annuel supérieur à ses prévisions initiales. Selon les dernières projections, ce résultat devrait désormais atteindre 1,054 milliard USD alors que l’objectif était de 971 millions USD. De son côté, le groupe français SCOR fait ressortir un bénéfice net de 363 millions USD sur les six premiers mois de l’année, soit une hausse de 28% sur un an. Enfin, Swiss Re espère un résultat conforme aux estimations publiées dans son plan 2011-2015. Le réassureur zurichois a tout de même fait part d’un bénéfice net de 2,26 milliards USD au premier semestre 2015, en hausse de 11%.

  • L’absence d’événement catastrophique majeur

A ce jour, l’année 2015 n’a pas connu d’événement catastrophique très couteux. Une tendance à la baisse de l’intensité des sinistres catastrophes naturelles est observée depuis 2012, année de l’ouragan Sandy à New York. Combinée à l’afflux de capacité, cette sinistralité plus clémente a fortement contribué à la réduction des tarifs des couvertures non proportionnelles de ce type de risque.

Depuis l’ouragan Andrew en 1992, le ROL (prime du réassureur/engagement du réassureur), qui est l’indice des prix des affaires catastrophes naturelles est en baisse constante:

Rate-on-Line (en %): des traités catastrophes naturelles

catastrophe naturelle rate on line SourceGuy Carpenter

Marché de la réassurance en 2015 : le rendement des actifs financiers est au plus bas

La lutte contre l’inflation constitue une priorité dans la plupart des pays à économie mature. Le taux d’inflation connaît un glissement constant depuis le début des années 90 et se situe aujourd’hui à un point historiquement bas. Cette dépréciation a conduit à la réduction des taux d’intérêt et des rendements des produits financiers dans lesquels les réassureurs investissent. Selon Standard & Poor’s, le rendement moyen des investissements a reculé de 30% sur les quatre dernières années.

Rendement des produits financiers

marché réassurance 2015 : rendement Sources: Datastream, French market illustrative

Les réassureurs utilisent le rendement de leurs investissements pour fixer la rentabilité de leurs fonds propres. Avec la baisse des taux, cette stratégie est difficile à maintenir. Alors qu’il était possible de dégager un retour sur fonds propres de près de 15% dans les années 1970, la chute des produits financiers a entraîné la baisse des rendements des réassureurs à des niveaux inférieurs à 10%. Ce recul des revenus financiers oblige les réassureurs à dégager de meilleurs résultats techniques, ce qui implique une meilleure maitrise du ratio combiné.

Evolution des ratios combinés et des retours sur investissement (ROE) 1978-2014

réassurance : ratios combinés Sources: Overview and Outlook for P&C Insurance industry, mai 2015, Swiss Re

Une demande de réassurance en berne

Pendant très longtemps, les besoins de capacité des cédantes étaient satisfaits par des couvertures de réassurance traditionnelle. Cette situation est en train de changer. La rétention des assureurs croît régulièrement. Le renforcement des fonds propres et l’amélioration des systèmes de gestion des risques sont à l’origine de cette évolution. Ceci est particulièrement vrai pour les grands groupes d’assurance. Ces derniers globalisent leurs couvertures de réassurance pour non seulement réaliser des économies d’échelles mais également rechercher des solutions de réassurance plus sophistiquées. D’où l’essor croissant dans les pays matures de la réassurance alternative.

Evolution des taux de cession et des primes cédées par les principales cédantes: 2009-2013

marché réassurance 2015 : taux de cession Source: SCOR based on annual report data of ACE, Allianz, AIG, AXA, Generali, Zurich

La sous-assurance

Dans de nombreux pays, le taux de pénétration de l’assurance progresse moins vite que prévu. La sous-assurance est en partie responsable de cette situation. Cette sous-assurance est très importante dans la branche catastrophes naturelles. Sur les 10 dernières années, près de 70% des dommages économiques provoqués par des événements naturels majeurs n’étaient pas assurés. Ce décalage entre pertes économiques et pertes assurées se chiffre à 1 300 milliards USD par an. Le marché de la réassurance y décèle une opportunité de croissance, notamment dans les pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie, les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam.

Evolution des pertes assurées et des pertes non assurées: 1975-2010

marché réassurance 2015 : pertes assurées Source: Swiss Re Economic Research & Consulting and Cat Perils

La concurrence dans le marché de la réassurance de 2015

Avec la baisse de la matière réassurable, les réassureurs tentent de défendre farouchement leur part de marché. La baisse des tarifs, la hausse des commissions, l’élargissement des garanties accordées ont marqué les renouvellements de l’année 2015 pour l’ensemble des branches couvertes. Le tableau ci-après résume les tendances tarifaires mondiales observées lors des renouvellements de janvier et juillet de l’année en cours:

Tendances tarifaires observées lors des renouvellements de janvier et de juillet 2015: présentation par branche

  1er janvier 20151er juillet 2015
Traités assurance dommages aux biens
Australie
 0% à -5% -5% à -12,5%
Canada
 -10% à -20%ND
Europe centrale et orientale
-5% à -20%ND
Chine
-25% à -30% -15% à -20%
Europe
-10% à  -15%ND
France
0% à -5%ND
Allemagne
0% à -5%ND
Amérique latine
0% à -12,5% 0% à -15%
Région MENA
-5%-10%
Pays Nordiques
-5% à -10%ND
Turquie
-10%ND
Royaume-Uni
-15%-10%
Etats-Unis
 -10% à -15%-5% à -20%
Traités de responsabilité civile en excédent de sinistre
Australie
 -5% à -10% -5% à -10%
Europe (R. C. automobile)
 -2,5% à -10%ND
Europe (autres R.C.)
 -2,5% à -5%ND
France
 0% à -3%ND
Lloyd’s
 -10% à -15%ND
Royaume-Uni (R.C. automobile)
 0% à -5%ND
Royaume-Uni (autres R.C.)
 -5% à -20%ND
Etats-Unis (R.C. automobile)
 -5% à -15% -5% à -15%
Etats-Unis (R.C. professionnelle)
 -5% à -15% -5% à -10%
Etats-Unis (autres R.C.)
ND-5% à -10%
Traités risques spéciaux
Risques aérospatiaux
 0% à -7,5%ND
Engineering
-15%ND
Crédit
-20%ND
Individuelle accident et assurance vie groupe
ND-5% à -20%
ND-10%
Etats-Unis (maladie)
ND0% à 10%
-: baisse des tarifs
ND: non disponible
Source: Willis Re

Comme mentionné précédemment, les réassureurs ont de plus en plus de mal à satisfaire leurs actionnaires avec des taux de rendement conformes à leur attente. Les marchés financiers étant atones, seuls les résultats techniques peuvent encore contribuer à servir des bénéfices aux investisseurs. Tâche, qui dans le contexte actuel s’avère de plus en plus difficile à réaliser.

Il est donc devenu crucial pour les réassureurs d’opérer une stricte sélection du portefeuille et de diversifier l’offre de réassurance en s’orientant notamment vers la couverture de nouveaux risques (cyber risques, risques environnementaux, solutions de réassurance liées à Solvency II, etc.).

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