Réassurance : nouveaux risques, nouveaux challenges

La croissance économique et démographique a permis l’émergence de nouveaux risques qui transforment le paysage de l’industrie d’assurance et de réassurance.
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Plusieurs facteurs pris isolément ou combinés entre eux ont favorisé l’apparition de ces nouveaux risques.

Les sinistres qui en découlent inquiètent les assureurs qui ont du mal à y apporter les réponses appropriées en termes de garantie et de capacité.

Le contexte politique du début des années 1990 marqué par la fin de l’opposition Est-Ouest et la chute du mur de Berlin a laissé le champ libre au système libéral pour imposer son modèle à l’échelle mondiale.

L’ordre nouveau qui s’en est suivi a introduit la mondialisation avec comme corollaires la libre circulation des capitaux, la fin des barrières douanières, une nouvelle répartition du travail. Les pays d’Europe centrale, d’Afrique et d’Asie deviennent les sous-traitants des grands groupes industriels mondiaux. D’où délocalisation de la main d’œuvre, compétition accrue et suprématie de deux monnaies: le dollar et l’euro.

Sur le plan social, les dernières décennies ont vu l’émergence, surtout en Asie, d’une classe moyenne de plusieurs centaines de millions de personnes assoiffées de consommation. Ce mouvement a été boosté par les nouvelles technologies qui ont interconnecté individus et sociétés. Les transformations sociales deviennent irréversibles, les populations quittent les compagnes pour s’agglutiner autour des villes dans une urbanisation à marche forcée.

Dans les économies matures, les dernières années ont été marquées par l’apparition d’un chômage structurel qui, ajouté au vieillissement des populations, pèse sur les finances publiques.

Dans certaines régions, ces bouleversements, en un espace de temps relativement court, n’ont fait qu’aggraver des problèmes politiques non résolus de longue date. Le résultat ne s’est pas fait attendre avec un accroissement des troubles politiques, l’apparition de guerres civiles et d’un terrorisme planétaire.

Le chapitre sur le contexte de développement des risques nouveaux ne peut être clos sans mentionner les risques climatiques dont la recrudescence inquiète assureurs et pouvoirs publics.

Sur les 21 risques émergents recensés dans le secteur de l’assurance et de la réassurance, six sont qualifiés de majeurs. Ces risques à potentiel de sinistre très élevé peuvent être classés en deux catégories: les cyber-risques, et les autres nouveaux risques à caractère soit technologique, soit politique ou autre.

Les nouveaux risques liés à l’activité informatique ou cyber-risques

Les nouveaux risques liés à l’informatique ou cyber-risques peuvent être définis comme la défaillance ou l’attaque du système informatique d’une entreprise ou d’un individu pouvant entraîner des pertes financières, une interruption de service ou une atteinte à la réputation. Les cas de cybercriminalité (voir Atlas Magazine, numéro 121, mai 2015) sont d’autant plus nombreux que l’enjeu économique est d’une importance majeure.

Coût des cyber-attaques

Une cyber-attaque peut générer d’importants coûts pour la société ciblée. Les dommages économiques engendrés par la réalisation d’un tel événement dépendent entre autres, de la taille de l’entreprise, de la durée de restauration des systèmes affectés et de la nature des données piratées. A ces charges, s’ajoute la perte de revenus induite par l’arrêt des activités de la société sinistrée.

Si l’enjeu des cyber-risques est grand, c’est qu’ils occasionnent non seulement le vol de données personnelles, y compris celles de tiers (noms, adresses, numéros de téléphone), mais également le vol de données professionnelles (numéros de comptes bancaires, cartes de paiement, etc.).

Les coûts des attaques comprennent généralement les frais de récupération des systèmes, les dommages causés aux tiers, les recours en justice par les clients de la société, la perte d’exploitation.

L’affaire Target

En décembre 2013, Target, la troisième plus grande enseigne de distribution américaine est victime d’un assaut fulgurant de hackers. Soixante-dix millions de clients voient leurs informations personnelles piratées, notamment leurs données bancaires. La réputation de Target en prend un sérieux coup.

Cette cyber attaque coûtera environ 1 milliard USD au distributeur (indemnisation des clients, notamment pour les cartes bancaires réémises). Cet acte a amputé les bénéfices du quatrième trimestre 2013 du groupe de 440 millions USD. Le CEO démissionnera quelques mois plus tard. En mars 2015, un juge du Minnesota, condamne Target à verser jusqu’à 10 millions USD à chaque client ayant subi un préjudice dans cette affaire.

Coût économique des cyber-attaques par pays : 2013-2015

Avec 15,42 milliards USD de dommages économiques, les Etats-Unis se classent en tête des pays les plus affectés par la cybercriminalité en 2015. Ce montant est en progression de 21,5% par rapport à 2014.

En milliards USD coût cyber attaques Source: 2015 Cost of of Cyber Crime Study: Global, Octobre 2015

Les avancées technologiques est les nouveaux risques qui en découlent

Les avancées technologiques en progression constante impactent tous les secteurs économiques. Malgré les avantages qu’elles procurent, les avancées technologiques ont un prix. L’usage généralisé du numérique, de la digitalisation, de l’Internet et autres objets connectés génèrent de nouveaux risques émergents que les experts et la communauté scientifique ont du mal à cerner complètement.

Deux risques font l’objet d’inquiétudes particulières: les nanotechnologies et les voitures autonomes.

Les nanotechnologies

La nanotechnologie est une nouvelle technique de démontage et de reconstruction de la nature au niveau atomique et moléculaire à une échelle nanométrique, c’est-à-dire à une longueur égale à un milliardième de mètre.

Associée à l’origine à des percées majeures dans la seule médecine, cette discipline s’étend désormais à divers domaines scientifiques et technologiques. Le développement des nanotechnologies dans les sphères de la santé, l’énergie, l’environnement et du traitement de l’information nécessite des moyens financiers considérables. Les risques encourus sont à la mesure de l’investissement. Les experts estiment qu’environ 20% de tous les produits fabriqués dans le monde à l’horizon 2020 feront appel à des nanotechnologies. Les dommages occasionnés par une mauvaise utilisation de ces techniques pourraient s’avérer colossaux.

S’agissant d’une nouvelle technologie, les risques associés à la fabrication et à l’utilisation de nanomatériaux sont encore très peu connus. Les scientifiques disposent de peu de recul pour apprécier l’impact des différentes applications sur la santé et l’environnement. Une utilisation à grande échelle de ces techniques dans le domaine industriel exposerait des milliers, voire des millions de travailleurs à des risques inconnus à ce jour.

Les potentiels effets négatifs de la miniaturisation des composants des téléphones portables, ordinateurs, téléviseurs et autres appareils domestiques sur l’homme préoccupent, depuis de longues années les organismes de prévoyance et les diverses associations de protection de la santé. A titre d’exemple, le débat qui a duré de longues années sur la nocivité des téléphones portables sur le cerveau humain pourrait réapparaître, un autre jour, sous une autre forme et à une échelle plus grande.

Les scientifiques redoutent spécialement les dangers des nanoparticules, surtout celles contenant de l’amiante ou des substances toxiques.

L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail recense plus de 246 produits manufacturés d’utilisation courante comme les brosses à dents, peluches, crèmes solaires, vêtements, etc. qui contiennent des nanoparticules.

La manipulation des nanoparticules jugées très réactives, représente un potentiel de toxicité lors de la production et de la transformation des produits alimentaires. Ces entités microscopiques peuvent entrer dans les cellules de l’organisme et menacer la santé. A titre d’exemple, les nanoparticules d’oxyde de titane contenues dans les crèmes solaires pourraient pénétrer à travers l’épiderme et provoquer à long terme de nouvelles formes de maladies de la peau.

Les voitures autonomes

Issue de l’intelligence artificielle, une voiture autonome est un véhicule capable de rouler automatiquement sans conducteur. Elle est équipée de logiciels qui renferment des données sur la situation routière et décident des actions à suivre en dirigeant les commandes du véhicule sur la route.

nouveaux risques voiture autonome Voiture autonome de Google © Michael Shick, CC BY-SA 4.0

En 2035, les véhicules partiellement ou entièrement autonomes représenteraient près de 30 % de la production automobile mondiale.
Au stade expérimental à l’heure actuelle, les voitures autonomes sont censées réduire de 80% le nombre d’accidents de la route qui sont, pour la plupart du temps, d’origine humaine.
Autres avantages non négligeables: elles diminueraient le trafic routier et baisseraient significativement la pollution atmosphérique.

Cependant, l’utilisation des voitures autonomes ne présente pas que des effets bénéfiques, elle est entourée de quelques zones d’ombre. Ces engins doivent relever des défis au niveau:

  • de la responsabilité juridique attachée à leur utilisation. Qui est responsable en cas d’accident? le fabricant, le fournisseur de logiciel, le vendeur, l’utilisateur, etc.
  • de la menace de piratage informatique des voitures. Ce risque pourrait menacer la vie des passagers et des personnes engagées sur la route.
  • de la maitrise du véhicule en cas de danger. Les passagers n’ont pas accès au code des voitures autonomes, ils ne peuvent ni les contrôler, ni agir lors d’une prise de décision erronée qui menacerait leur vie.
  • au niveau des injonctions des agents de la circulation auxquels ils ne peuvent obéir.
  • au niveau de l’emploi dans le secteur automobile. La généralisation de ces véhicules pourrait entraîner une grave crise de l’emploi dans les secteurs de la fabrication automobile et du transport.

Les nouveaux risques liés à la chaîne d’approvisionnement

Une chaîne d’approvisionnement est un processus complexe qui engage plusieurs intervenants. Toute rupture entraîne une réaction en chaine qui, mondialisation aidant, affecte un ensemble d’acteurs situés aux quatre coins du globe. Le gigantisme des entreprises est un facteur d’intensification des risques.

nouveaux risques chaîne approvisionnement

Une chaîne d’approvisionnement englobe trois fonctions: la fourniture de produits à un fabricant, le processus de fabrication et la distribution de produits finis au consommateur par le biais d’un réseau de distribution.
Les entreprises qui participent aux différents stades de ce processus sont liées les unes aux autres par une chaîne d’approvisionnement. Les nouveaux risques liés à la rupture de cette chaîne connaissent une croissance extrêmement rapide. «L’effet domino» est redouté par toutes les entreprises.

Interruption de la chaîne d’approvisionnement

A l’origine de la rupture se trouvent généralement des facteurs internes (mauvaise gestion, grèves, sabotages, etc.) ou externes (fluctuations boursières, catastrophes naturelles, situations politiques, etc.).

Nous reprenons ci-dessous les exemples les plus marquants de ruptures de la chaîne d’approvisionnement survenues au cours des dix dernières années. Ces événements donnent une idée sur les dommages démesurés causés par ce type de risque:

2010: le 14 avril, les nuages de poussière dégagés par l’explosion du volcan islandais Eyjafjallajökull ont rendu impossible le trafic aérien sur une grande partie de l’Europe occidentale pendant six jours. De nombreux pays ont dû fermer leur espace aérien.

Près de 100 000 vols ont été annulés, soit près de 70 % du trafic aérien européen pour les deux premiers jours.

Résultat, cette paralysie du trafic aérien a cloué au sol 10 millions de passagers. Les pertes évaluées par les compagnies aériennes seraient comprises entre 1,5 et 2,5 milliards EUR (2 et 3,4 milliards USD).

2011: le 11 mars, un séisme au Japon, associé au tsunami qui a suivi, ont causé des dommages énormes et provoqué, faute de livraison de pièces détachées, la fermeture d’usines automobiles aux États-Unis et en Europe.

2015: Le 12 août, l’explosion dans le port de Tianjin (Chine) au sein d’un entrepôt chimique a non seulement causé des pertes matérielles et humaines mais également perturbé une grande partie de la chaîne d’approvisionnement dans plusieurs régions du monde.

nouveau risque chaîne approvisionnementExplosion de Tianjin

Des pertes d’exploitation considérables sont venues alourdir le montant des dommages causés directement aux biens des entreprises: suspension du transit de certaines marchandises, arrêt de production et perturbation des échanges commerciaux mondiaux.
Au total, la catastrophe technique pourrait atteindre 6 milliards USD dont 1,5 milliard USD rien que pour la branche facultés maritimes.

Politique et nouveaux risques

La démondialisation et le terrorisme apparaissent comme deux nouveaux risques majeurs susceptibles de bouleverser les fragiles équilibres mondiaux instaurés dès le début des années 2000.

La démondialisation

La crise financière de 2008 apparaît comme le premier signe d’essoufflement du nouvel ordre économique instauré après la chute du mur de Berlin. Partie des Etats-Unis, la crise a failli mettre à bas tout le système financier international. Pour se protéger, certains Etats ont réintroduit des règlementations sévères limitant la libre circulation des capitaux, d’autres n’ont pas hésité à se ré-accaparer certains pans de l’économie. Ces mesures vont à l’encontre du nouvel ordre mondial pour lequel elles représentent une menace.

La démondialisation implique:
  • La limitation du libre-échange,
  • La relocalisation de la production dans le pays,
  • La fin du dumping social avec le rapatriement des emplois,
  • L’instauration de droits de douane plus ciblés,
  • Le contrôle des flux de capitaux étrangers,
  • La régulation de la finance mondiale.

A long terme, la démondialisation pèserait sur les équilibres mondiaux. Elle entraînerait un nouvel ordre économique avec une possible exaspération des nationalismes. Les questions migratoires pourraient aggraver les conflits politiques.

Le terrorisme

réassurance nouveaux risques terrorisme Les attaques du 11 septembre 2001 © Robert J. Fisch, CC BY-SA 2.0

Le risque terroriste apparaît comme l’archétype du risque extrême. Il dépend de facteurs qui le rendent ambigu et dans la plupart des cas imprévisible. Au cours des dernières décennies, le terrorisme s’est globalisé. Les attaques qui étaient concentrées dans certaines zones se sont étendues, englobant l’Europe, les Etats-Unis, l’Asie et l’Afrique.

L’émergence de nouveaux conflits politiques locaux alimente le risque. Les dommages aussi bien humains qu’économiques causés par ces événements sont préjudiciables aux pays affectés qui y perdent souvent un pourcentage conséquent du PIB.

Nombre d’attaques et de victimes par région ciblée en 2014 attentats nombre victimes 2014 Source: Global terrorism index 2015

Dommages économiques liés aux actes terroristes et assimilés: 2000-2014

En 2014, les dommages économiques liés aux actes de terrorisme et assimilés s’élèvent à 52,9 milliards USD à l’échelle mondiale. Ce montant significatif concerne les dommages directs et indirects causés le plus souvent dans des zones de conflit comme le Moyen-Orient, le Nigeria, la Libye, etc.

En termes de dommages économiques, l’année 2014 dépasse ainsi l’année 2001 marquée pourtant par les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. L’institut pour les études économiques et la paix (Institute for Economics and Peace) a dénombré près de 140 000 actes de terrorisme en 2014 pour un montant total de dommages de 52,9 milliards USD.

en milliards USD dommages économiques-actes terroristes Source: Global terrorism index 2015 Dommages économiques selon la nature de l’événement en 2014 en millions USD
EvénementCoût des dommages
Décès
51 275
Blessures et lésions corporelles
918
Explosions
410
Dommages aux infrastructures
104
Attaques à main armée
99
Détournements
67
Prises d’otages
20
Attaques diverses
3
Assassinats
2
Total
52 898
Source: Global terrorism index 2015

Le changement climatique : nouveau risque par excellence

Ces dernières décennies ont vu la recrudescence de catastrophes naturelles de grande ampleur qui pèsent sur l’économie mondiale et les populations des régions affectées.
La fréquence, l’intensité et la durée des phénomènes extrêmes (canicules, inondations, sécheresses, cyclones, etc.) s’accentuent d’année en année par les effets du changement climatique entraînant:

  • une hausse des températures,
  • une multiplication des cyclones,
  • des pluies torrentielles,
  • la fonte des glaces,
  • la montée du niveau des océans,
  • le débordement des lits de cours d’eau.

En 2014, Les catastrophes naturelles ont engendré des pertes économiques de près de 58 milliards USD. Seuls 31,7% des sinistres répertoriés sont assurés. Pour les neuf premiers mois de l’année 2015, le montant des dégâts causés par ce type d’événement est de 46 milliards USD, avec seulement un tiers des dommages à la charge des assureurs.

Dommages économiques et dommages assurés: 2000-2015 En milliards USD changement climatique dommages économiques Source: Aon Benfield

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