Le run-off ou liquidation de portefeuille

Couramment pratiqué aux Etats-Unis et en Grande Bretagne depuis les années 1980 où il s'impose désormais avec la maturité et la solidité d'un marché à part entière, le run-off est un phénomène encore relativement récent en Europe.

Le potentiel qu'on lui prête suscite la convoitise de nouveaux acteurs, spécialistes de liquidation de porte-feuilles qui se positionnent en nombre sur cette niche appelée à devenir une activité essentielle de l'industrie de l'assurance.

Le run-off : définition

Run-offLe run-off ou liquidation de portefeuille consiste à gérer les sinistres survenus et potentiels des compagnies d'assurance ayant cessé de souscrire des polices dans une ou plusieurs branches.

L'arrêt de toute souscription d'affaires nouvelles sur un portefeuille de risques entraîne le traitement, dans le temps, du stock des provisions techniques jusqu'à leur épuisement complet. En fonction de la branche, l'opération de run-off peut prendre plusieurs dizaines d'années.

Pour les compagnies, l'objectif est de mener à terme leurs engagements à l'égard des assurés soit en les gérant eux-mêmes, soit en les confiant partiellement ou totalement à des tiers moyennant rémunération.

Dans le cas d'un transfert à une partie tierce, la gestion financière et juridique du portefeuille mis en run-off s'effectue en dehors de la relation commerciale habituelle avec l'assuré laquelle cesse d'exister dès lors que l'assureur décide de mettre un terme à sa souscription.

Le run-off : bref historique

Le démarrage du run-off date des années 1980 aux Etats-Unis quand le concept d'une gestion spécifique des affaires en fin de vie a commencé à être pris en considération par les dirigeants d'entreprise. La tendance, alors, était de mettre en place, au sein des compagnies, une unité chargée de sa gestion jusqu'à la clôture des dossiers.

Au début des années 1990, le phénomène prend une ampleur considérable avec la hausse des mouvements de concentration (fusions-acquisitions). Le contexte de tension des marchés contraint les entreprises à se défaire de cette activité et à privilégier le recours à des managers tiers et des consultants spécialisés dans le run-off, une activité qui devient un secteur rentable de l'industrie de l'assurance.

Vers le milieu des années 1990 et le début des années 2000, le run-off s'accélère. La plupart des grandes compagnies se sont réorientées vers la création de structures internes de gestion de liquidation de portefeuille dotées d'outils techniques et de management plus sophistiqués. La tendance dominante est de garder l'activité au sein de la maison.

Actuellement, la généralisation, le développement et la reconnaissance de la valeur du segment du run-off en font une industrie proposant une gamme élargie de services.

En amont du run-off

Plusieurs raisons peuvent être à l'origine de la constitution d'un fonds de contrats en fin de vie qui nécessite d'être placé en run-off.

  • Une sous-évaluation du risque et de ses cumuls lors de la souscription. Cas de l'amiante, des multiples actions en responsabilité civile des mandataires sociaux, environnement, erreurs médicales, maladies liées au tabac, et plus récemment, les scandales comptables.
  • Une sous-tarification des polices résultant de la concurrence.
  • Une gestion opérationnelle déficiente des contrats entraînant un manque de contrôle des créances et de la trésorerie.
  • Une hausse de la sinistralité due à la survenance de catastrophes naturelles dévastatrices.
  • Une baisse de solvabilité de l'entreprise due à une dégradation de sa situation financière, à la dégradation de sa notation et/ou à la chute de sa valeur boursière.
  • Une opération de fusion-acquisition de la compagnie qui se traduit par un changement de stratégie et de politique de souscription orientées vers un redéploiement sur des marchés ou des risques plus rémunérateurs, ce qui entraîne la cessation des souscriptions dans certaines activités.
  • En réassurance, le recours au run-off ne répond pas seulement à une logique de gestion, mais également à un principe d'intensité du risque. La commutation d'un contrat entre l'assureur et son réassureur donne la possibilité à celui qui reprend le portefeuille de dégager des marges bénéficiaires.

Le run-off : les modalités de mise en œuvre

Toute option de mettre un portefeuille en run-off requiert, au préalable, une évaluation précise du coût et des bénéfices de la formule par le biais d'une inspection et d'un audit. S'agissant d'un transfert de risques, son coût joue un rôle dans la décision car son prix varie selon les produits.

La liquidation des contrats commercialement morts peut prendre diverses formes.

La gestion en interne de la fin de vie des polices est confiée à des équipes spécifiques.

Le management maison des portefeuilles en fin de vie est une solution qui exige des outils de gestion propres à un portefeuille en liquidation. La gestion peut être éclatée à travers les différentes filiales ou centralisée au sein d'une unité séparée de la structure active.

Le transfert du risque consiste à confier la gestion partielle ou totale de la liquidation des sinistres à des sociétés spécialisées contre rémunération. La formule implique le recours à des conseils qui apportent assistance technique, juridique, notamment sur les aspects internationaux.

La solution mixte consiste à accélérer la clôture des contrats en gardant la maîtrise de ses engagements et à externaliser les activités logistiques, comptables et de recouvrement de créances.

L'exclusion des risques du bilan par le biais d'une réassurance financière. Les réassureurs ont développé des services de gestion pour le compte des cédantes par le rachat de portefeuilles entiers en run-off.

Objectifs du run-off

Run offL'objectif premier du run-off est de mettre fin à des engagements souscrits par des assureurs ou des réassureurs en vue d'un gain de temps et d'argent, soit, en d'autres termes, de soulager la situation financière de la compagnie, du poids d'une branche morte. Il s'agit d'effacer le contrat afin de dégager l'assureur qui a décidé d'arrêter de souscrire une catégorie de risques. Dans la perspective d'une saine gestion, la compagnie table sur des boni de liquidation du portefeuille en évitant les mali.

Une bonne gestion de la liquidation d'un portefeuille peut être source de profits. Celle-ci repose sur le principe d'une économie de temps et de moyens. Il s'agit de négocier au plus près les contrats en réduisant leur durée de vie et celle des réserves.

Le run-off : les principaux avantages

  • Un recentrage de l'activité vers des objectifs stratégiques
  • Un allègement des bilans et un équilibre entre actif et passif
  • Une compression des frais de personnel pour dégager des marges
  • Le bénéfice d'un regard objectif sur l'activité
  • Une planification des paiements qui permet le placement des actifs correspondants aux engagements

Le marché

Le marché Run-off

  • Un marché de 94 milliards USD aux Etats-Unis en 2005
  • Les Etats-Unis et la Grande Bretagne gèrent près de 90% du marché mondial du run-off
  • Croissance annuelle : 10%
  • Marché potentiel mondial estimé à 300 milliards USD en 2004

Le marché affirme une bonne santé et une forte croissance aux Etats-Unis où il est estimé à 94 milliards USD en 2005 et en Grande Bretagne où sa croissance est de 5% par an. A eux seuls, ces deux pays gèrent près de 90% du marché mondial du run-off.

En Europe continentale où il commence à s'implanter, ce segment attire de nombreux opérateurs : banquiers, experts, anciens assureurs reconvertis dans la chasse aux contrats en fin de vie dont les flux financiers sont considérés presque équivalents à ceux des primes, en particulier en dommages.

La croissance annuelle du marché run-off est de 10%. Le marché mondial de ce passif est estimé à 300 milliards USD en 2004. 22% des affaires de liquidation de portefeuille sont confiées à des sociétés spécialisées.

Pour faire face à l'évolution du marché, la profession s'organise

Au Royaume Uni, The Association of Run-off Companies (ARC) existe depuis 1998. Aux USA : un groupe d'assureurs et de réassureurs a créé en 2005, The Association of Insurance and Reinsurance Run-Off Companies (AIROC) basée à New York qui inclut actuellement plus de 30 membres. Au sein de AIROC, 11 comités sont chargés d'évaluer les pratiques et de mettre au point des outils appropriés et de mesurer les performances de ce marché.

On note le même mouvement en Europe où un syndicat de run-off a été constitué en 2005: Le Syndicat Européen de Gestion des Sinistres (SEGS) qui fédère une trentaine d'acteurs.

Le run-off : les principaux acteurs

Les Spécialistes

  • Equitas
  • Claims Management Group Limited
  • Axa Liabilities Management
  • Swiss Re

Suite à la faillite de plusieurs syndicats de souscripteurs en 1992, le Lloyd's a créé à Londres Equitas, une structure de gestion ad hoc dotée d'une réserve de 40 milliards (USD) pour régler, entre autres, les dossiers de l'amiante.

Filiale de Zurich Financial Services, le britannique Claims Management Group Limited (CMGL) est une société de gestion de sinistres qui se place au rang de deuxième prestataire mondial de run-off avec 6 milliards USD de passifs gérés.

Outre Atlantique, la plupart des géants (AIG, Berkshire, Hathaway, Chubb, Cigna, St. Paul) se sont délestés des branches de leurs portefeuilles en fin de vie. Dans leur stratégie, la maîtrise de la liquidation de portefeuille devient un nouvel outil de gestion du changement.

run off axa

En France, AXA a créé en 2001 : AXA Liabilities Management (AXA LM), une structure spécifique chargée de centraliser et de gérer le run-off des filiales du groupe prestataire. Elle emploie 300 personnes et gère des engagements à long terme estimés à 4 milliards EUR (5,02 milliards USD).

L'assureur Swiss Re est devenu un des grands spécialistes mondiaux dans ce domaine. Son département Risk Solutions pratique tous les types de run-off : réassurance de transfert des engagements, rachat de portefeuilles, gestion interne par le biais d'une structure spécifique.

Le run-off, un marché d'avenir

Boosté par l'évolution actuelle du marché et l'accélération des mouvements de fusions-acquisitions, le run-off recèle un potentiel considérable, un nouveau filon de l'industrie où s'engouffrent de plus en plus d'opérateurs. La tendance se justifie par l'évolution même des métiers d'assureur et de réassureur qui se concentrent sur les stratégies futures de rentabilité et de conquêtes de nouveaux marchés.

Dans un contexte mondial marqué par la concurrence et la course à la notation, les compagnies n'hésitent plus à isoler les portefeuilles en fin de vie et confier leur gestion à des sous-traitants.

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