Marché mondial de la réassurance : spécial renouvellement 2024

buldingsDans un contexte de forte volatilité, le marché de la réassurance affiche en 2022 un bilan mitigé. Après plusieurs années de résultats insuffisants, les réassureurs ont, au cours des deux dernières années, adopté une approche technique plus prudente.

Ils ont ainsi imposé une discipline de souscription sur des cycles longs, tout en procédant à un redéploiement des capitaux disponibles. Une stratégie qui a favorisé une meilleure rentabilité en 2021 et 2022.

Atlas Magazine fait le point de la situation de la réassurance à la veille des renouvellements de 2024.

Principaux indicateurs du marché de la réassurance

Chiffres en millions USD

 20132017202020212022
Primes assurance directe4 593 6324 957 5076 291 8346 764 6946 782 235
Primes de réassurance (1)240 000245 000340 115383 753400 487
Capacité réassurance368 000432 000521 000571 000530 000
Ratio combiné réassurance87,80%110,30%104,50%96,40%95,60%
ROE13%0,10%2,40%4,88%2,17%

(1) Source Etude Atlas Magazine (Primes 2020, 2021 et 2022 de 136 réassureurs). Source AM Best et Swiss Re pour 2019 et années antérieures.

Les défis du marché de la réassurance en 2023

Avec la recrudescence des sinistres, le surcroît d’inflation et le maintien de faibles taux d’intérêt, les réassureurs évoluent depuis plusieurs années dans un environnement peu favorable. Ils sont également confrontés à de nouveaux risques plus complexes et mal modélisés : pandémie, risque cybers, événements climatiques, risques financiers, inflationnistes et politiques.

Dans cet environnement difficile, les compagnies de réassurance n’ont pas d’autres choix que de s’adapter. Ils doivent trouver un juste équilibre entre capacité limitée et forte demande de leurs partenaires.

Baisse de la capacité de réassurance

En 2022, le marché de la réassurance fait face, pour la première fois depuis dix ans, à une baisse du volume des capitaux investis. Ce dernier passe de 571 milliards USD en 2021 à 530 milliards USD en 2022, en recul de 7%.

Cette baisse intervient alors que d’importants réajustements tarifaires ont été opérés depuis deux ans avec des hausses de 30 à 40% sur certaines catégories de risques. L’augmentation des tarifs n’a pas toutefois entraîné l’injection de capitaux supplémentaires sur le marché. Les principaux acteurs se sont ainsi contentés de réduire leur exposition sur certains risques et zones géographiques.

Des stratégies de souscription, plus prudentes, ont alors été mises en place lors des renouvellements de 2022 et 2023, et ce dans le but principal de limiter les engagements catastrophiques. Ce rattrapage tarifaire s’est également accompagné d’un durcissement des conditions de renouvellement des contrats.

À titre d'exemple, AXA XL, filiale d'AXA, a fait état d'une hausse des tarifs de 6,3% au premier semestre 2023, alors que Swiss Re, a augmenté de 21% les prix de la branche dommages, lors des renouvellements de juillet de l’année en cours.

En 2022, cette pression sur les capitaux disponibles est principalement due :

  • aux événements catastrophiques qui ont asséché la capacité du marché,
  • à la hausse annuelle moyenne de la sinistralité catastrophes naturelles. Les pertes assurées dépassent désormais 120 milliards USD par an,
  • à la hausse des valeurs immobilières et l’inflation,
  • à une forte demande de couverture des assureurs,
  • à la volatilité et les mauvaises performances des réassureurs au cours des dernières années,
  • à la réduction des risques au niveau de certains portefeuilles,
  • aux pertes d’investissement liées à la valorisation du capital de la réassurance traditionnelle,
  • à la volatilité accrue des marchés boursiers.

Selon les professionnels, l’excès de capacité de réassurance dure depuis plusieurs années. En fait, ce recul des capacités offertes en 2022 n’a pas mis en danger le marché qui dispose toujours des fonds nécessaires pour faire face à ses engagements.

Autre facteur de redressement, les réassureurs sont devenus plus disciplinés et restent prudents quant à la manière dont ils déploient leurs capacités.

Pour 2023, AM Best anticipe un rattrapage des pertes antérieures à 2022, entraînant ainsi une hausse des résultats d’exploitation et la génération de nouveaux capitaux. C’est donc aux assureurs de mieux se positionner et d’absorber les pertes fréquentes pour que les réassureurs se recentrent sur leur rôle principal, c’est-à-dire soutenir les acteurs primaires face aux catastrophes majeures.

Au final, l’agence de notation anticipe une hausse de 5,6% de l’offre de réassurance en 2023.

Hausse de la sinistralité climatique en 2022

risqueEn termes de pertes économiques, 2022 représente la cinquième année la plus onéreuse des deux dernières décennies. Autre statistique, avec 125 milliards de pertes assurées, 2022 est également la quatrième année la plus impactée, après 2017 (Ouragans Harvey, Irma et Maria), 2011 (Séisme au Japon) et 2005 (Ouragan Katrina).

Les événements les plus importants survenus en 2022 incluent :

  • l'ouragan Ian qui a affecté la Floride en septembre. Il constitue l'événement le plus coûteux de l'année avec des pertes assurées estimées dans une fourchette de 50 à 65 milliards USD,
  • la tempête Eunice qui a frappé le Nord-Ouest de l’Europe,
  • les tempêtes hivernales aux Etats-Unis,
  • le séisme de Fukushima au Japon,
  • les inondations meurtrières en Australie,
  • les inondations également meurtrières en Afrique du Sud survenues en avril et mai,
  • la sécheresse record qui a affecté l’Europe, la Chine et les Amériques,
  • les méga feux de forêt qui ont, entre mai et septembre, ravagé le Canada et plusieurs pays méditerranéens.

Bilan 2003-2022

Au cours des 20 dernières années, l’augmentation des pertes assurées est de 8,47% en moyenne annuelle. Cette hausse est non seulement due au dérèglement climatique mais également à une exposition plus élevée aux risques, à la hausse de la valeur des biens assurés et à l'inflation.

Après avoir culminé à 154 milliards USD en 2017, les pertes dommages assurés enregistrent une nouvelle hausse significative au cours des deux dernières années, avec respectivement 111 milliards USD et 125 milliards USD en 2021 et 2022. Le seuil de 100 milliards USD de dommages assurés devrait être atteint et dépassé en 2023.

Face à l’intensification des catastrophes naturelles, un nombre élevé d’assureurs et de réassureurs ont réajusté leur politique de souscription en 2023. Cette prise de position concerne particulièrement les intervenants sur les marchés américains et australien. Certains acteurs de ces marchés ont décidé de réduire drastiquement leurs capacités alors que d’autres se sont résolus à ne plus souscrire les catastrophes naturelles.

Forte exposition aux périls primaires et secondaires

Au cours des dernières années, le marché de la réassurance a été lourdement affecté par la forte intensité des périls primaires de grande ampleur, comme les ouragans et séismes.

Les périls secondaires, c’est-à-dire ceux de moyenne intensité, sont également redoutés par la profession à cause de leur fréquence élevée. Ces sinistres comme la grêle, les inondations ou incendies de forêt représentent une part de plus en plus croissante des dommages couverts par les assureurs.

A long terme, de telles catastrophes primaires et secondaires assèchent la capacité ou la restreignent sévèrement.

Face à cette situation, les réassureurs n’ont pas d’autres solutions que :

  • d’imposer des rétentions plus élevées,
  • de durcir les conditions contractuelles,
  • de procéder à l’exclusion de certains périls.

Dans le contexte actuel de dérèglement climatique, la question de l’assurabilité de tels risques se pose plus que jamais.

Tendances inflationnistes

Face à la hausse des capitaux sous risques et à la flambée des coûts de réparation et de reconstruction des biens sinistrés, l’inflation préoccupe les réassureurs. Ces derniers sont obligés :

  • de réévaluer leur exposition aux risques,
  • d’anticiper l’impact de l’inflation sur leurs provisions,
  • d’augmenter les tarifs sur la base de l’inflation afin d’éviter les pertes et les difficultés de trésorerie.

Désengagement des assureurs américains de certains risques

Plusieurs assureurs américains suspendent la souscription de certaines couvertures dans le but de réduire leur exposition à des risques spécifiques. C’est le cas de :

  • State Farm et AllState qui cessent la souscription de nouveaux contrats habitation en Californie.
  • AIG et Farmers Group qui réduisent leur exposition aux risques climatiques en Floride, région fréquemment frappée par les inondations, tempêtes et feux de forêt.
  • American Automobile Association (AAA), qui suspend le renouvellement des polices automobile et habitation de certains clients en Floride.

Ces désengagements ont pour cause :

  • la recrudescence des événements naturels à forte intensité,
  • l’exposition élevée des biens aux risques catastrophiques,
  • la flambée des coûts de réparation et de construction,
  • le durcissement des conditions du marché de réassurance.

Conflits, émeutes et mouvements populaires

Moins important que les événements climatiques ou les cyber-attaques, les conflits, émeutes, mouvements populaires et autres troubles, constituent des risques non négligeables.

L’instabilité politique croissante qui affecte de nombreux pays constitue un facteur aggravant pour les risques émeutes et mouvements populaires qui ont tendance à se généraliser.

Ces risques auparavant inclus dans les garanties incendie et dommages aux biens ne sont plus considérés comme des faits isolés. Ils sont de plus en plus associés aux risques politiques et, sauf convention spécifique, souvent exclus des contrats d’assurance standards.

La généralisation de ces risques représente une tendance mondiale lourde qui nécessite une attention particulière des assureurs et réassureurs.

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