Est-ce la fin de la bancassurance ?
La récente crise économique a, bel et bien, profondément secoué certains conglomérats européens et en a poussé d’autres à la faillite. Selon une étude, récemment publiée par l’agence de notation Standard and Poor’s, il n’y a plus d’acteurs de poids dans le marché et il n’existe plus beaucoup d’incitations à créer de nouvelles entités entre banque et assurance. Assisterons-nous à un retour des modèles purs ?
Les causes du déclin de la bancassurance
La crise économique, un test de solidité de la bancassurance
En Europe, les assureurs ont été relativement épargnés par la récente crise financière et peu de sociétés ont été secourues par les pouvoirs publics. Par contre, les bancassureurs n’ont pas eu le même sort.
Sévèrement affectés par la crise des subprimes, certains groupes ont été au bord du gouffre. Ils ont été contraints de reconstituer leurs fonds propres et de rééquilibrer leurs bilans afin d’éviter une faillite imminente. Ils ont alors procédé à des :
- augmentations de capital
- cessions d’actifs
- recours aux aides publiques
Les raisons structurelles et réglementaires
Outre la tourmente financière, des raisons structurelles et réglementaires expliquent le déclin de la bancassurance. Parmi les arguments avancés, on peut noter :
- les problèmes d’intégration au sein des groupes : ni les investisseurs, ni les managers ne se sont vraiment approprié la double culture
- la pression de la Commission Européenne sur les grands groupes, qui présentent un risque systémique pour le marché
- les plans de recentrage : les autorités de contrôle de la concurrence exigent des cessions d’actifs et un recentrement sur les métiers de base, en échange des aides publiques
- les évolutions réglementaires qui contribuent au retour des modèles purs. Ainsi, le passage, aux normes Bâle II en 2012, exige un fonds propre de base plus élevé pour les banques qui détiennent une filiale d’assurance
Bancassurance : la vague des restructurations
Enregistrant d’énormes pertes, certains bancassureurs européens ont sollicité l’intervention des pouvoirs publics. Pour conforter les marchés financiers, les autorités ont alors exigé une restructuration des conglomérats et de leurs activités.
D’autres mesures restrictives ont également été prises afin de limiter l’exposition des bancassurances aux risques et aux actifs toxiques. Les principales mesures concernent :
- la scission des groupes en plusieurs filiales : banque de détail, gestion de patrimoine, banque d’affaires et assurance : les bancassureurs ont été sommés de séparer les activités bancaires de celles liées à l’assurance.
- le recentrage des groupes sur leur métier de base
- la nationalisation et l’intervention des pouvoirs publics pour acheter certains actifs toxiques
- la réduction de la taille des groupes à travers la vente de leurs filiales
Les groupes les plus touchés par la crise ont été obligés de céder tout ou partie de leurs activités d’assurance. C’est le cas de :
- Fortis, qui a perdu 70% de sa valeur entre le 1/1/2007 et le 31/8/2008 a été démantelé après avoir perdu 28 milliards EUR (39 milliards USD) à fin 2008. La bancassurance s’est désengagée de l’essentiel de ses activités bancaire et d’assurance. Elle a dû vendre en mai 2009 Fortis Banque (première banque en Belgique) au français BNP Paribas.
- Le belge KBC a vu sa taille se réduire de 25%. Il a dû se séparer de sa filiale d’assurance Fidea ainsi que d’autres actifs. D’ici 2013, KBC devra céder 39 milliards EUR (55 milliards USD) d’actifs et rembourser une aide publique de 7 milliards EUR (9,9 milliards USD).
- ING a été scindé en deux entités. D’ici 2013, le groupe devra vendre ses activités d’assurance, ses opérations de crédit immobilier aux Pays Bas et sa banque en ligne américaine. ING a, d’ores et déjà, augmenté son capital de 7,5 milliards EUR (10,7 milliards USD) pour pouvoir rembourser la moitié d’une aide publique de 10 milliards EUR (14,2 milliards USD).
- Royal Bank of Scotland, qui a été touchée de plein fouet par la crise a été nationalisée à hauteur de 84% de son capital. Bénéficiant d’un plan public de protection contre les actifs toxiques, la banque a reçu 25,5 milliards GBP (42 milliards USD) de l’Etat. Royal Bank of Scotland prévoit aussi de se désengager de ses activités d’assurance auprès de RBS Insurance.
- Lloyds Banking Group a réalisé, mi-décembre 2009, une augmentation de capital de 13,5 milliards GBP (21,9 milliards USD), pour échapper au plan gouvernemental de protection des actifs toxiques. Le groupe évite, ainsi, une deuxième intervention de l’Etat britannique qui contrôle déjà 43% de son capital. La filiale d’assurance vie du groupe, Scottish Widows, pourrait être prochainement vendue.
En fait, les bancassureurs européens, en particulier, hollandais et belges ont plongé dans la crise à cause de leurs prises excessives de risque qui compensaient la taille réduite de leur marché domestique.
La bancassurance, un actif stratégique
Selon certains analystes, ce "business model" qui est la bancassurance, demeure un actif stratégique du secteur bancaire et un modèle gagnant en termes de distribution. Pour les banques :
- L’activité d’assurance vie et dommages joue un rôle d’amortisseur dans les comptes des résultats. Elle génère des liquidités dont a besoin la banque.
- Les primes et les résultats d’assurance pèsent de plus en plus dans les bilans des établissements bancaires.
- L’assurance vie représente une part de marché importante alors que l’assurance dommages est en constante évolution dans les pays européens.
- Les opportunités de développer l’assurance sont importantes. Un souscripteur a 6 à 7 fois plus de contacts dans une agence bancaire que dans une société d’assurance.
- La combinaison banque et assurance permet de baisser les coûts de gestion et de distribution.
La bancassurance en France, une activité prisée
En France, contrairement aux autres pays européens, la bancassurance n’a pas connu de repli puisque aucune banque de l’hexagone n’a songé à se défaire de cette activité stratégique.
D’après le rapport 2008 de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA), les banques continuent à dominer le marché de l’assurance vie avec 60% du chiffre d‘affaires, en baisse de 2% par rapport à 2007. Une part de 10% de l’assurance de dommages, en hausse de 1% en comparaison avec 2007, est souscrite par les banques. Cinq bancassureurs demeurent parmi les dix premiers groupes d’assurance français.
La solidité du modèle français de bancassurance peut s’expliquer par :
- Un environnement fiscal très favorable aux produits d’assurance vie.
- Un modèle de filialisation qui a limité l’impact négatif de la crise et a écarté les mécanismes de titrisation des crédits.
- Une bonne adaptation de l’offre à la demande.
La bancassurance au Maroc : quelques signes d’essoufflement
La bancassurance est apparue au Maroc en 1973 et s’est particulièrement développée au cours des dernières années. Cependant, ce canal de distribution connait, depuis début 2008, une certaine stagnation. Un ralentissement des souscriptions est enregistré en 2008, alors que le nombre d'agences bancaires a augmenté. Il passe de 3 285 unités en 2007 à 3 856 unités en 2008.
Le chiffre d’affaires de certains produits d’assurance comme l’assistance a baissé en 2008.
Cette stagnation s’explique par :
- La crise immobilière qui a eu un impact direct sur la branche multirisque habitation.
- La baisse des placements des contrats d’épargne, suite de la crise financière.
- La structure oligopolistique du marché où trois grands acteurs : Attijariwafa bank, BMCE Bank et Crédit Populaire monopolisent 90,16% du chiffre d’affaires bancassurance au Maroc.
Compte tenu des grandes potentialités de croissance, les professionnels tablent sur la reprise de la bancassurance dès la sortie de crise du marché.
Bancassurance : situation des principaux bancassureurs européens
Bancassureur | Montant de l'aide publique | Mesures prises pour accompagner la restructuration |
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ING, Pays Bas | 10 milliards EUR (14 milliards USD), en octobre 2008 | D'ici fin 2013 :
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KBC, Belgique | 7 milliards EUR (9, 5 milliards USD), à mi-mai 2009 | D'ici à 2013 :
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Fortis, Belgique, Pays Bas | 11,2 milliards EUR (15,7 milliards USD), fin 2008 |
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Royal Bank of Scotland, Grande Bretagne | 25,5 milliards GBP (42 milliards USD), à fin novembre 2009 |
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Dexia, France, Belgique | 6,4 milliards EUR (9,2 milliards USD), en septembre 2008 |
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Lloyds Banking Group, Grande Bretagne | 17 milliards GBP (28,2 milliards USD), selon les chiffres de mi-septembre 2009 |
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Ethias, Belgique | 1,5 milliards EUR (1,9 milliards USD), en février 2009 |
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