Guerre Russie-Ukraine : principales branches d’assurance exposées aux risques

La guerre Russie-Ukraine a des incidences majeures sur les activités d’assurance dont plusieurs branches sont affectées : transport maritime, aviation, cyber, crédit, rupture des chaînes d'approvisionnement, assurance dommages aux biens et de personnes.

Guerre Russie-Ukraine : l’assurance transport maritime

guerre ukraineAu regard de la valeur des capitaux engagés et des dommages susceptibles d’être causés et subis en mer, le recours à l’assurance transport corps et facultés se révèle indispensable.

En transport maritime, les risques de guerre sont de nos jours considérés comme des périls exceptionnels qui font l’objet de garanties spécifiques. Par opposition, les autres risques, dits ordinaires, sont couverts par une police standard.

Les assureurs utilisent deux types de polices standards :

  • une police pour les facultés maritimes (Cargo cover) qui couvre les dommages subis par les marchandises, lors de leur transport, chargement, déchargement ou stockage (d’un maximum de 60 jours).
  • une police pour le corps de navire (Hull and Machinery cover) ; cette dernière couvre les risques de pertes et de dommages matériels subis par le navire, ses machines ou accessoires.

L’extension risques de guerre englobe les risques politiques, troubles civils, conflits entre les nations, fait du prince (1), sabotage, vandalisme, expropriation, confiscation, piraterie, grève, terrorisme, insurrection, révolution, ...

Cette couverture complémentaire est assortie de conditions particulières liées à la navigation ou au mouillage ainsi que des recommandations et clauses impératives (Warranties).

Etant obligés de réagir rapidement, les assureurs maritimes sont attentifs aux évolutions géopolitiques. Les régions où les actes de piraterie sont fréquents comme le golfe de Guinée et autour de la Corne de l’Afrique (les côtes somaliennes et le golfe d’Aden) sont par exemple considérées comme "zones de risques de guerre".

Les armateurs qui font naviguer des bateaux dans des zones considérées comme dangereuses doivent obligatoirement le déclarer à leur assureur et payer une surprime. Ces zones dangereuses sont répertoriées dans des listes spécifiques établies par des organismes spécialisés.

Au 6 Avril 2022, une quinzaine de régions sont qualifiées de très dangereuses par le Joint Cargo Committee (JCC).

Suite au déclenchement du conflit Russie-Ukraine, le Joint Cargo Committee considère la mer Noire et la mer d’Azov comme des zones de risques accrus, sujettes à la destruction et au pillage des cargaisons.

Dès lors, les bateaux naviguant dans les eaux territoriales ukrainiennes et russes (mer d’Azov) sont exposés à des risques exceptionnels d’où l’exigence de paiement de surprimes.

Le Joint War Committee (2), un autre organisme spécialisé, a également classé, depuis le 6 février 2022, les eaux autour de la Russie et de l'Ukraine comme zone à haut risque. Courant mars, cette zone a été élargie aux eaux des côtes roumaines et géorgiennes.

(1) Un acte arbitraire d'un gouvernement ou d’un chef d’Etat ou de gouvernement
(2) JWC est composé de représentants des compagnies d’assurances du Lloyd’s et de l’IUA (International Underwriting Association of London).

Guerre Russie-Ukraine : impact sur l’assurance aviation

Durement impacté depuis deux ans par la crise sanitaire du Covid-19, le transport aérien est de nouveau confronté à des vents contraires. Avec le déclenchement de la guerre Russie-Ukraine, les avionneurs, transporteurs aériens et autres sociétés aérospatiales doivent une fois de plus faire face à des défis logistiques et financiers.

avionLa situation de guerre Russie-Ukraine engendre :

  • l’immobilisation d’avions,
  • la suspension des vols vers et depuis les zones à risque,
  • l’invalidité des contrats d’assurance,
  • des dommages collatéraux en raison des sanctions à l’encontre des pays concernés,
  • l’annulation de commandes d’avions. Boeing a déjà retiré 141 aéronefs de son carnet de commandes,
  • des risques opérationnels engendrés par des sanctions contre le pays envahisseur,
  • la suspension des services de pièces détachées, de maintenance et de support technique pour les compagnies aériennes du pays sanctionné,
  • la fourniture d’une caution de l’Etat pour permettre à certaines compagnies aériennes de continuer à assurer des vols vers et depuis les régions à risques.

Les assureurs qui couvrent les avions aussi bien au sol qu’en vol se retrouvent eux aussi face à un cumul de risque élevé en raison :

  • des sanctions d’interdiction de vol,
  • du recul des primes,
  • de la suspension de la couverture des transporteurs aériens en Ukraine et en Russie,
  • de la suspension de l’assurance des vols à destination ou en provenance de la Russie,
  • des batailles juridiques qui, en raison des sanctions occidentales, vont durer des années opposant ainsi les sociétés de location d'avions aux assureurs et compagnies aériennes,
  • de la saisie par la Russie d’une importante flotte d’avions étrangers, soit 500 aéronefs pour une valeur totale de 13 milliards USD,
  • du déluge sans précédent des demandes d'indemnisation des loueurs d’avions. Vu l’ampleur des pertes potentielles, les assureurs s’empressent de résilier les couvertures.

Disposant, comme tous les loueurs d’avions, d’une couverture spécifique risques de guerre, AerCap, le plus important d’entre eux, a d’ores et déjà déposé une demande d’indemnisation auprès des assureurs de 3,5 milliards USD pour plus de 100 aéronefs bloqués en Russie.

Selon S&P, dans le pire des cas, c'est-à-dire si les appareils ne sont pas restitués à leurs propriétaires, le marché aviation subira une perte comprise entre 6 et 15 milliards USD. Les analystes de Fitch Ratings prévoient, quant à eux, des demandes d’indemnisations de l’ordre de 10 milliards USD. Pour Moody’s, la facture pourrait atteindre 11 milliards USD, soit beaucoup plus que celle engendrée par les événements du 11 septembre 2001.

Le Lloyd’s de Londres serait, avec une facture nette de réassurance comprise entre 1 et 4 milliards USD, l’assureur le plus exposé à ce sinistre. En plus des dommages corps d’aéronefs et responsabilité civile, le Lloyd’s devrait indemniser la confiscation des appareils.

Enfin, dernière estimation, entre 30 et 40% des pertes de la branche aviation pourraient être prises en charge par les réassureurs.

Guerre Russie-Ukraine : impact sur l’assurance des cyber risques

cyberattaqueD’événement régional, le conflit russo-ukrainien pourrait prendre une toute autre dimension. Il pourrait se transformer en cyber guerre, bloquant ainsi l’économie mondiale, affectant administrations, institutions gouvernementales, infrastructures critiques et entreprises. Il ne s’agit plus uniquement de dommages matériels tels que immeubles, aéroports, etc. mais également de destruction de logiciels informatiques, de bases de données et de fichiers.

C’est cette cyber guerre qui inquiète le plus les assureurs aujourd’hui. La survenance d’un événement extrême de ce type est par nature systémique. Le volume des pertes d’exploitation serait alors inassurable.

Pour contrer cet aléa, les assureurs généralisent les clauses restrictives. Le Lloyd’s a ainsi publié des modèles de clauses d’exclusion du risque de guerre de ses polices cyber. Adoptant la même démarche, Munich Re reformule également les exclusions de ses couvertures cyber.

Autre préoccupation des assureurs, la crise sanitaire du Covid-19 a fait ressortir les lacunes rédactionnelles des contrats d’assurance. Pour ne plus être exposés aux réclamations et poursuites judiciaires comme lors de la pandémie, les assureurs analysent à la loupe la rédaction de leurs documents contractuels. Ils suppriment les zones d’ombres existantes dans leurs polices cyber et n’hésitent pas à reformuler les garanties de façon plus claire et non équivoque.

Le but est d’harmoniser les pratiques du secteur et d’apporter une réponse efficace à un problème de couverture aussi complexe.

Revers de la médaille, courtiers et assurés s'inquiètent en 2022 de ce foisonnement d’exclusions et limitations de garanties cyber.

Autre déconvenue pour les assurés, alors que la demande de couverture augmente de façon exponentielle en 2022, de nombreux assureurs et réassureurs se retirent de ce marché, provoquant une crise de capacité. Souscrire des risques cyber en 2022 devient de plus en plus difficile.

Pour rappel, en 2021, les primes cyber ont plus que doublé pour atteindre environ 15 milliards USD, les entreprises cherchant de plus en plus à se prémunir contre les rançongiciels et les virus informatiques qui pourraient paralyser leurs activités.

Guerre Russie-Ukraine : impact sur l’assurance crédit-export

L'assurance-crédit à l’export protège les entreprises (importatrices ou exportatrices de biens ou de services) contre le défaut de paiement par les débiteurs, tels que les acheteurs de marchandises étrangères ou les bénéficiaires de financements bancaires. Elle protège leurs actifs et leurs intérêts financiers contre les pertes monétaires dues à des risques politiques spécifiques.

Les assureurs crédit-export couvrent généralement deux types de risques :

  • Le risque commercial couvre les factures impayées des clients pour des raisons financières, par exemple en cas d’insolvabilité déclarée ou de défaillance prolongée.
  • Le risque politique couvre le non-paiement à la suite d’événements indépendants de la volonté de l’assuré, comme les faits politiques (guerres, révolutions), les catastrophes naturelles (tremblements de terre, ouragans) ou les difficultés économiques : pénurie ou restriction de devises étrangères. Ces événements empêchent le transfert des sommes dues d’un pays à l’autre.

portEn termes de risque, les échanges commerciaux et les transactions financières avec l’Ukraine et la Russie subissent déjà des perturbations et défauts de paiement. Du fait des délais de paiement mentionnés dans les polices d'assurance-crédit qui varient de 120 à 180 jours, l'ampleur des défauts de paiement n'apparaîtra pas avant un certain laps de temps.

L’inquiétude porte principalement sur les contrats en cours. Avec l’exclusion des banques russes du système international de paiement Swift, de nombreuses transactions sont donc bloquées.

Pour s’adapter au contexte du conflit, les assureurs crédit ont modifié leur position en opérant des réductions drastiques, voire des résiliations de couvertures, n’offrant plus de garanties pour les nouveaux flux vers la région. Les bouleversements actuels ont contraint également la plupart des opérateurs à arrêter leurs expéditions.

D’importantes répercussions financières et économiques sont donc à redouter pour tout Etat, territoire ou entité ayant développé un flux d’affaires dans les régions affectées par la guerre.

Ces dysfonctionnements entraînent :

  • une volatilité des marchés boursiers, des prix du pétrole et des matières premières,
  • un risque supplémentaire d'inflation,
  • des réclamations colossales pour les assureurs crédit,
  • des coûts élevés de fret et de transport maritime, terrestre et aérien,
  • des perturbations dans les opérations bancaires et d’investissement,
  • une perte de contrats d’importations/exportations russes,
  • l’arrêt de la production de certaines matières premières et agricoles russes et ukrainiennes,
  • la suspension des couvertures d'assurance, en raison des exclusions risques de guerre,
  • la perte de ressources et d’actifs pour les investisseurs, prêteurs, entrepreneurs qui ne sont plus en mesure de fonctionner,
  • l’incapacité des sociétés d’assurance d’indemniser les transactions visées par des sanctions occidentales, sous peine d’amendes.

Pour rappel, le marché risques politiques et crédit est depuis deux ans ébranlé par la hausse des demandes d'indemnisation liées au Covid-19 et par les faillites de certains négociants en matières premières.

La faillite la plus remarquable est celle du courtier de pétrole singapourien Hin Leong Trading. Victime de la crise sanitaire, ce dernier s'est effondré en 2020 laissant derrière lui une dette de 4 milliards USD à ses créanciers.

Guerre Russie-Ukraine : impact sur l’assurance dommages aux biens

Les frappes militaires et les combats de rue ont causé d’importants dommages aux biens ukrainiens. Les entreprises ayant souscrit des couvertures dommages aux biens et risques politiques ne seront pas automatiquement indemnisées.

Depuis le début du 20ème siècle, à l’exclusion des risques facultés maritimes, les polices d'assurance dommages aux biens comprennent généralement une clause d’exclusion des risques de guerre. Les assurés doivent donc s'attendre à ce que les pertes et les dépenses découlant des activités de guerre soient rejetées.

Guerre Russie-Ukraine : impact sur l’assurance de personnes

Les risques de guerre sont généralement exclus du domaine légal de l’assurance. Toutefois dans certains pays, les polices vie peuvent inclure, selon des conditions préalablement définies, le risque d’attentat terroriste.

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