Les places de réassurance

La concurrence entres les réassureurs est de plus en plus féroce. Les compagnies sont désormais dans l’obligation de développer une présence dans les places les plus propices au développement de leurs portefeuilles et à la bonne gestion de leurs structures.

La réassurance rejoignant le grand mouvement de concentration entamée dans la banque, les places financières deviennent des plaques tournantes où se font rencontres, échanges et prise de décisions.

Places reassuranceLa City, Londres © D. Iliff, CC BY 3.0On peut définir une place financière internationale comme le lieu géographique où se rencontrent les multiples acteurs qui concourent au bon fonctionnement des marchés. Ces rencontres ont lieu au sein d’écosystèmes qui dégagent d’importantes synergies.

Les places de réassurance ou hubs respectent les mêmes critères. Elles permettent la rencontre d’une importante quantité d’offres et de demandes de capacité et d’expertise. Il s’agit, généralement, d’une ville au sein de laquelle interagissent réassureurs, courtiers, souscripteurs, cabinets et avocats spécialisés pour le traitement des affaires de réassurance régionales, voire mondiales.

Caractéristiques des places de réassurance

Ces lieux privilégiés se caractérisent par:

  • un cadre législatif favorable,
  • un régime fiscal avantageux,
  • des infrastructures développées,
  • une main d’œuvre hautement qualifiée.

En assurance et réassurance, les concepts de «place» et de «marché» peuvent prêter à confusion. Il est important de noter que dans de rares cas, «place» et «marché» peuvent être similaires. La différence fondamentale entre les deux concepts tient au fait qu’une place, indépendamment du chiffre d’affaires qu’elle génère, reste une composante du marché.

Développement des places de réassurance

Traditionnellement localisées au sein des marchés d’Europe occidentale comme Londres ou Zurich, les places de réassurance connaissent, mondialisation aidant, un regain dans d’autres parties du globe. De nouveaux développements ont lieu depuis les années 90; ils ont pour cadre Singapour, les Bermudes et plus récemment Dubaï.

Des taux de pénétration de l’assurance relativement bas offrent des perspectives intéressantes de croissance pour ces places de réassurance. Des opportunités d’affaires qui attirent autant les investisseurs locaux que les grands groupes internationaux. A partir de ces bases, les réassureurs peuvent développer des stratégies diversifiées: création de capacités, amélioration de la relation clients, etc. Un hub permet entre autres aux entreprises de réaliser:

  • de la croissance; les créations de compagnies augmentent le chiffre d’affaires,
  • une meilleure diversification géographique de leur portefeuille,
  • une meilleure approche des besoins locaux,
  • une amélioration du service rendu à leurs partenaires,
  • un développement des compétences et expertises nationales.

Principaux hubs de réassurance

On dénombre aujourd’hui au moins un hub de réassurance dans chaque grande zone géographique(1): Londres, les Bermudes, Singapour, Dubaï et à une moindre échelle l’Ile Maurice en Afrique.

Places de réassurance : Londres

Londres est le marché de réassurance par excellence. Il est dominé par le Lloyd’s qui du haut de ses 326 années d’existence est le lieu emblématique de la réassurance mondiale. C’est l’institution la plus ancienne qui regroupe 91 syndicats en 2013, dont 37% focalisés sur la réassurance.

Le Lloyd’s réalise à lui seul 11,3 milliards USD de primes en 2013.

Sur les cinq dernières années, la part du Lloyd’s dans le chiffre d’affaires mondial est en repli. De 5,1% en 2009, elle se stabilise à 4,9% pendant trois ans, puis descend à 4,7% en 2013. Pour certains analystes, ce recul du Lloyd’s a pour origine la relocalisation d’un certain nombre d’acteurs aux Bermudes.

Chiffre d’affaires, ratio combiné et résultat technique du Lloyd’s: période 2009-2013

en millions USD
 20092010201120122013
Chiffre d’affaires
9 7339 76210 73611 37311 329
% mondial
5,1%4,9%4,9%4,9%4,7%
Ratio combiné
78,4%90,3%130,6%91,0%80,5%
Résultat technique
1 983913- 3 0069782 178
Source: Rapports du Lloyd’s (1) Afrique, Europe, Asie, MENA

Places de réassurance : Zurich

Siège de Swiss Re à Zurich © Jochen Jansen, CC BY-SA 3.0

Reconnu comme hub financier mondial, le canton de Zurich n’est pas en retrait en matière de réassurance. Il est devenu au fil des années la plaque tournante de cette activité en Europe. La présence d’un des leaders mondiaux de la profession n’y est pas étrangère.

Le succès de Zurich en tant que place mondiale de réassurance est évident au vu de tous les acquis dont dispose la ville:

  • position au cœur de l’Europe, notamment entre les deux locomotives économiques européennes que sont la France et l’Allemagne,
  • personnel hautement qualifié grâce à un système socio-économique et éducatif performant,
  • fiscalité et réglementation avantageuses,
  • présence d’un aéroport desservant le monde entier.

Places de réassurance : Les Bermudes

En l’espace de deux décennies, les Bermudes sont devenus un des leaders mondiaux de la réassurance, spécialisés dans le placement de certains risques comme les catastrophes naturelles. Ce n’est qu’à la fin des années 90 que les capitaux ont commencé à affluer en nombre sur l’île pour hisser ce marché au quatrième rang mondial de la réassurance. En 2013, les Bermudiens accaparent 11,3% des primes mondiales de réassurance, devancés uniquement par l’Allemagne (27,3%), le continent américain (15,6%) et la Suisse (15,6%).

Ce succès, les Bermudes le doivent à leur réactivité aux besoins du marché. De 2001 et 2005, les investisseurs ont apporté 26 milliards USD pour faire face non seulement aux besoins de couverture nés après les attentats du World Trade Center mais également pour pallier le manque de capacité provoquée par une série dévastatrice d’ouragans.

A l’heure actuelle, 30% des pertes catastrophes naturelles sont pris en charge par les réassureurs bermudiens. Ces derniers ont déboursé 22 milliards USD pour la reconstruction de la Floride et du Golfe du Mexique après l’ouragan Katrina en 2005.

L’évolution des Bermudes en tant que hub d’assurance et de réassurance a également été confortée par la relocalisation de certains acteurs majeurs qui ont quitté Londres pour s’y installer.

Enfin, il faut noter que 1206 captives d’assurance, essentiellement américaines, sont basées aux Bermudes.

Places de réassurance : Singapour

L’arrivée de Singapour au rang de place de réassurance s’est faite progressivement depuis le début des années 2000. Avant cette date, les autorités avaient longtemps restreint l’investissement étranger à de simples prises de participation n’excédant pas 49%.

Quartier des affaires, Singapour © Erwin Soo, CC BY 2.0

L’année 2000 marque un tournant dans la stratégie du gouvernement singapourien. La loi plafonnant l’investissement est abrogée. Dès lors, les étrangers peuvent posséder l’intégralité du capital des assureurs locaux. Les affaires «offshore» connaissent une progression annuelle moyenne de 13%.
En 2013, les primes d’assurance directe enregistrées par le marché culminent à 5,8 milliards USD (près de deux fois le marché local).

La réassurance n’est pas en reste, elle totalise un montant de 3,3 milliards USD en 2013, en constante progression depuis plusieurs années.

La place de Singapour compte pour 12,38% de la réassurance Asie-Pacifique. Sa contribution au marché mondial est de 1,38%.

Les performances du marché sont largement portées par l’offshore qui termine l’année 2013 avec un chiffre d’affaires de 3,06 milliards USD, soit 52,7% du marché direct local.

Places de réassurance : l'Afrique

Le potentiel des marchés africains permet à quelques pays de figurer parmi les destinations de choix des groupes internationaux. Cet attrait ne va pas jusqu’à hisser la réassurance africaine au niveau asiatique. Les places financières ont du mal à s’y développer. Elles ont une envergure plus régionale que mondiale.

Quatre places nourrissent l’ambition de s’ériger en centre régional de réassurance: l’île Maurice, Nairobi (Kenya), Abidjan (Côte d’Ivoire) et Casablanca (Maroc).

Port Louis, île Maurice © Ashok Prabhakaran, CC BY-SA 2.0

L’île Maurice constitue le hub des affaires de réassurance pour l’Afrique australe. Avec un cadre législatif avantageux, Maurice est à l’Afrique du Sud, ce que les Bermudes sont aux Etats-Unis d’Amérique.
L’île attire de nombreuses affaires de la région.

Certains réassureurs du top 10 s’y sont déjà installés ou sont sur le point de le faire. Elle sert également de base à certains réassureurs du Moyen-Orient pour leurs opérations en Afrique australe.

A l’Ouest du continent, Abidjan est le centre incontesté des pays de la zone CIMA (1). Après une décennie de troubles politiques durant laquelle le pays a réussi à maintenir son économie à flot, Abidjan connaît un renouveau en matière de réassurance. Pas moins de neuf réassureurs s’y sont installés au cours de ces dernières années.

(1) Conférence Interafricaine des Marchés de l’Assurance

A l’Est, Nairobi, très bien desservie par les compagnies aériennes, occupe une place de choix dans la région. C’est à partir de cette ville que se développent les groupes régionaux d’assurance directe qui veulent étendre leurs activités en Tanzanie, Ouganda et dans la région des Grands Lacs. Les assureurs sud-africains y affluent en grand nombre.

Casablanca © M. Massalitin, CC BY-SA 2.0

Au Maghreb, l’expérience de Tunis, zone de réassurance offshore, s’est soldée par un échec. Malgré une législation extrêmement favorable, les autorités n’ont pas su imposer la place de Tunis comme hub régional de réassurance.

En Afrique du Nord, c’est le Maroc qui a toutes les chances de se transformer en hub d’assurance et de réassurance. Créé il y a deux ans, le Casablanca Finance City (CFC) fonctionne sur un principe plus ou moins calqué sur celui des places moyen-orientales. Pour attirer les partenaires étrangers, les autorités ont aménagé un cadre législatif spécifique aux compagnies d’assurance qui veulent s’y installer. Le réassureur bahreïni Trust Re a déjà créé une structure appelée à rayonner sur l’Afrique. Il a été imité par la Coface (assureur crédit français). Toutefois, l’arrivée la plus prometteuse pour ce hub en devenir est celle du géant américain AIG qui a obtenu un agrément depuis janvier dernier.

Places de réassurance : le Moyen-Orient

Longtemps considérée comme première place de réassurance au Moyen-Orient, Bahreïn souffre actuellement de plusieurs handicaps. La légalisation des activités d’assurance en Arabie Saoudite a fait migrer vers le royaume wahhabite de nombreuses entreprises précédemment installées à Bahreïn. Ce dernier pays n’a plus vocation à être la base arrière de l’assurance saoudienne. De plus, les développements de Dubaï (Emirats arabes unis) et de Doha (Qatar) ont fait perdre son attrait au marché bahreïni. Enfin, des troubles politiques récurrents ont fini par ternir de façon durable l’image de cette place financière.

Marina, Dubaï © travelourplanet.com, CC BY 2.0

C’est Dubaï qui apparaît actuellement comme le principal centre financier du Moyen-Orient.
Regroupées au sein du Dubai International Financial Center (DIFC), les sociétés étrangères développent une activité continue dans tout le Moyen-Orient et le subcontinent indien.

Grâce à une fiscalité spécialement modelée pour les assureurs, une situation géographique qui en fait un carrefour entre l’Est et l’Ouest, des installations hors-pair et un réseau de transport aérien desservant le monde entier, Dubaï s’est donné les moyens de sa politique. Le DIFC accueille depuis quelques années des grands groupes d’assurance directe, des réassureurs membres du top 10 et les plus grands courtiers mondiaux.

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